🎭 J Attire Les Hommes Qui Ne Veulent Pas S Engager

Vousne trouvez pas de BG qui veut s'engager avec vous, nuance Rien que dans mon entourage il y a plusieurs hommes qui ont dĂ©passĂ© 25 ans, qui ont un boulot stable Ă  plus 1,9K net par mois Leshommes qui ne veulent pas s engager Lesbiene chat Are there OnlyFans Leaked - FREE Je contacte gratuit Greece Greece Greece Greece Postedby June 4, 2022 domaine de la bergerie le castellet on les filles qui ne veulent pas s'engager Sivous constatez dans votre parcours amoureux que les hommes ne veulent pas s’engager avec vous, peut-ĂȘtre devriez-vous commencer Ă  vous poser les bonnes questions. Analysez vos relations, peut-ĂȘtre que vous voulez aller trop rapidement car vous pensez que c’est le bon Ă  chaque fois. Cela peut effrayer les hommes et les pousser Ă  fuir. Deshommes qui ne s’attardent pas Ă  se torturer l’esprit Ă  savoir ce que les autres pensent de lui. Je n’étais pas la fille de ses rĂȘves, j’étais la fille de ses nuits alcoolisĂ©s. Il n'y a pas de souffrance plus atroce que celle d Profil : Doctinaute d'argent. les hommes ont tous les outils en main, portant, je ne comprends pas moi. C'est juste qu'elle m'impressionnait. Eneffet, je suis convaincu que ma mĂ©thode vous permettra de sĂ©duire l’homme de vos « rĂȘves », quelle que soit la difficultĂ© que vous rencontrez, y compris si vous pensez attirer les hommes mais jamais le bon. Pour atteindre cet objectif, il convient notamment de dĂ©construire un schĂ©ma ou des habitudes de sĂ©duction pour adopter un Siun homme veut s’engager, c’est qu’il sent que sa compagne l’aime pour ce qu’il est, et pas pour ce qu’elle aimerait qu’il soit. L’attitude de la compagne est dĂ©terminante. En effet, c’est un paradoxe : lorsqu’un homme se sent libre, que la femme est autonome et ne fait pas peser sur lui des attentes excessives, il aura VoilĂ pourquoi les hommes ne veulent pas s'engager.. Salam aleykoum Je constate que beaucoup de filles se font avoir par des garçons. Et ne comprennent pas pourquoi ils ne veulent pas s'engager pour un mariage. Et donc j'ai dĂ©cidĂ© d'essayer de vous exp Jevais faire ça court. Je crois que si on n’attire un gars pas prĂȘt Ă  s’engager, c’est que nous-mĂȘmes avons peur de nous engager inconsciemment. La faute n’est pas en l’autre, mais en nous. La solution ne se trouve jamais Ă  l’extĂ©rieur. G24e. Si vous attirez toujours des hommes Ă©motionnellement indisponibles et que vous vous sentez incapable de vivre un amour entier et heureux, peut-ĂȘtre que vous n'ĂȘtes pas disponible...28 JUIL. 2020 Lecture min. Cette fois, il/elle avait le sentiment d'avoir trouvĂ© l'amour de sa vie. La connexion Ă©tait profonde et semblait rĂ©elle. Mais de façon inattendue, la personne avec laquelle vous sortez n'a pas rĂ©pondu Ă  votre dernier message. Il/elle a tout simplement cessĂ© de communiquer. Il/elle essaie secrĂštement de croire que son tĂ©lĂ©phone a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© volĂ© ou qu'il/elle est trop par son travail. Mais les jours passent et vous rĂ©alisez que l'autre ne veut plus ĂȘtre avec vous. Parfois, les rencontres amoureuses peuvent ressembler Ă  une partie d'Ă©checs mentale et lorsque quelqu'un dont nous sommes amoureux disparaĂźt soudainement ou s'en va, nous supposons souvent que nous avons fait quelque chose de mal. Dans la plupart des cas, le problĂšme ne vient pas de nous. Notre seul Ă©chec a Ă©tĂ© de ne pas comprendre les signes indiquant que cet homme/femme n'Ă©tait pas disponible Ă©motionnellement. Nous avons tous vĂ©cu une telle dĂ©ception. Cela fait partie de la vie. Cependant, certaines personnes rĂ©pĂštent toujours cette dynamique, attirant des partenaires Ă©motionnellement inaccessibles. Ensuite, ils ont du mal Ă  trouver un amour entier, unique et vĂ©ritable. Si vous avez envie de profiter d'une relation qui en vaut la peine ... vous devrez rompre avec les relations qui ne fonctionnent pas. Patricia RamĂ­rez, psychologue Les 5 profils d'hommes qui ne s'engageront pas Les mariĂ©s quand on parle d'amour, tout est possible. Il est clair qu'un homme mariĂ© peut tomber amoureux de son amant et rompre le mariage pour entamer une nouvelle relation, mais ce n'est gĂ©nĂ©ralement pas ce qui arrive. Plusieurs fois, un homme mariĂ© a un lien fort avec sa femme, ce qui ne lui permet pas de mettre fin Ă  la relation lui-mĂȘme quand la relation connaĂźt des problĂšmes. Les aventuriers ce sont des hommes qui aiment la libertĂ© et qui n'ont aucune racine. Ils aiment expĂ©rimenter de nouvelles choses, ont de nombreux partenaires en mĂȘme temps et ne veulent pas investir dans une relation stable qui demande de l'engagement. Ces hommes vont et viennent. Ceux qui ont de nombreux conflits internes ces hommes ont des duels Ă©motionnels non gĂ©rĂ©s. Ils ont beaucoup souffert dans le passĂ© et n'ont pas su bien gĂ©rer leurs frustrations et leurs peurs. Ce sont gĂ©nĂ©ralement des personnes fermĂ©es Ă  l'amour. Ceux qui n'ont pas mĂ»ri Ă©motionnellement ce sont des hommes surprotĂ©gĂ©s par leurs parents et incapables de rĂ©pondre d'eux-mĂȘmes. Ce sont souvent des adultes paralysĂ©s, incapables de prendre leurs responsabilitĂ©s et de dĂ©cider du cours de leur vie. Ceux qui ont eu une dĂ©ception amoureuse rĂ©cente Lorsque nous mettons fin Ă  une relation et que nous avons le cƓur brisĂ©, la derniĂšre chose que nous voulons est de trouver un nouvel amour. Cela arrive autant aux hommes qu'aux femmes. Certaines recherches scientifiques montrent qu'aprĂšs une rupture de relation, les hommes mettent plus de temps que les femmes Ă  se rĂ©tablir complĂštement. Cependant, la plupart d'entre eux choisissent de reconstruire leur vie avec leurs blessures encore ouvertes, Ă©tant physiquement disponibles, mais pas Ă©motionnellement. Pourquoi je choisis des hommes Ă©motionnellement indisponibles ? L'une des principales raisons pour lesquelles les gens attirent des partenaires Ă©motionnellement indisponibles est le modĂšle de relations amoureuses qu'ils ont eues dans leur enfance. Peut-ĂȘtre que ses parents Ă©taient mariĂ©s, mais il n'y avait aucune affection entre eux. Ou peut-ĂȘtre que l'un des deux a investi plus dans la relation que l'autre, crĂ©ant un dĂ©sĂ©quilibre. Selon les psychologues, les relations de nos parents ont un impact sur notre vie de couple Ă  l'Ăąge adulte. Les autres causes de ce comportement rĂ©pĂ©titif sont La croyance que vous ne mĂ©ritez pas un amour vĂ©ritable En raison d'une faible estime de soi, beaucoup d'entre nous ont une voix intĂ©rieure qui nous dit que nous ne sommes pas assez bons, beaux ou assez intĂ©ressants pour mĂ©riter un vĂ©ritable amour rĂ©ciproque. Inconsciemment, cette croyance nous conduit Ă  rechercher des hommes Ă©motionnellement indisponibles. Vous n'ĂȘtes Ă©galement pas disponible Ă©motionnellement Gardez Ă  l'esprit qu'une autre raison pour laquelle vous pouvez ĂȘtre attirĂ© par des hommes Ă©motionnellement inaccessibles est qu'une partie de vous ne veut pas non plus ressentir un amour complet. Peut-ĂȘtre avez-vous consciemment la volontĂ© de vous engager envers quelqu'un, mais au fond, vous craignez une vĂ©ritable intimitĂ©. Vous avez peur de vous blesser ou de sortir de votre zone de confort. Par la suite, vous pensez que la chose la plus sĂ»re est de passer du temps avec quelqu'un qui n'est pas disponible Ă©motionnellement pour ainsi ne pas vous abandonner Ă  l'amour. Vous ne savez pas mettre de limites dans vos relations Ne pas savoir dire non peut Ă©galement ĂȘtre l'une des raisons qui vous empĂȘche de trouver un homme Ă©motionnellement disponible. Vous n'avez pas appris Ă  dire que ce type de relation n'est pas ce que vous voulez et vous avez perdu la capacitĂ© de crĂ©er des frontiĂšres saines. Cela peut supposer une grande charge Ă©motionnelle. L'un des moyens de se faire respecter est d'apprendre Ă  fixer des limites. Vous mĂ©ritez d'ĂȘtre aimĂ©. Vous mĂ©ritez d'avoir un homme prĂ©sent et engagĂ©. Vous mĂ©ritez quelqu'un qui est prĂȘt pour le mĂȘme genre d'amour que vous recherchez. Photos Shutterstock Les informations publiĂ©es sur ne se substituent en aucun cas Ă  la relation entre le patient et son psychologue. ne fait l'apologie d'aucun traitement spĂ©cifique, produit commercial ou service. J’entends beaucoup de femmes avec les mĂȘmes plaintes Je suis seule depuis un moment », Je ne trouve personne de sĂ©rieux , Je n’attire que les hommes qui ne veulent pas s’engager » , personne ne recherche quelque chose de sĂ©rieux » et je me trompe toujours dans une relation ». Les affaires de cƓur sont vraiment trĂšs compliquĂ©es quand rien ne se passe bien. D’autant plus quand on est seul/e ou qu’on ne trouve pas de partenaire pour avoir une relation stable avec un avenir commun, comme se marier ou vivre ensemble. Annonce Et quand il s’agit d’une femme qui approche de la trentaine, il semble qu’ĂȘtre seule, ou sans petit ami », soit une vĂ©ritable catastrophe ou une chose nĂ©gative. À ce stade, certaines jeunes femmes, ou plutĂŽt les femmes, commencent Ă  se reprocher de ne pas ĂȘtre avec quelqu’un et pensent avoir ratĂ© quelque chose. Elles cherchent sans succĂšs des explications et des thĂ©ories sur le cĂ©libat, et elles se reprochent d’ĂȘtre seules, elles croient parfois que la solitude est leur Karma et qu’elles mourront seules. Annonce Notre esprit conspire en notre faveur, si nous y croyons » Pour aggraver la situation de dĂ©sespoir amoureux, il y a cette tante ou cette amie qui ne parle que pour briser encore un peu plus la fragile estime de soi des filles, avec des questions sur pourquoi elle est seule, quand elle va se marier et donne trop de conseils pour avoir plus de chances en amour. Et en plus, parfois derriĂšre leur dos les gens Ă©tiquettent les femmes avec des adjectifs nĂ©gatifs catherinette, vieille fille, malchanceuse en amour
 et ainsi de suite. Quelle Ă©nergie nĂ©gative ! Mettez tout cela ensemble dans la tĂȘte d’une femme et regardez le chaos se former. Annonce Puis, en dĂ©sespoir de cause, la fille trouve une solution infaillible, elle peut ne plus avoir de limites. Son schĂ©ma mental s’effondre. Avec l’exigence du futur petit ami », elle acceptera toute personne qui peut thĂ©oriquement la rendre heureuse en amour. Elle aura certainement juste plus de maux de tĂȘte. Dans ce modĂšle de dĂ©sespoir, elle ne fera surtout qu’attirer les ennuis, des hommes douteux, voire des escrocs. Vous serez sĂ»rement trompĂ©e par un faux profil et vous serez trompĂ©e par la promesse d’un bonheur impossible. Quand une personne arrive Ă  ce point de folie et de dĂ©sespoir de trouver l’amour, c’est qu’il est temps de tout arrĂȘter et de se respecter. Respectez-vous en tant que personne, soyez intelligente, soyez Ă©motive et une femme qui veut vraiment aimer et ĂȘtre aimĂ©e. Elle ne sera heureuse en amour que lorsqu’elle se dĂ©barrassera de la peur d’ĂȘtre seule et commencera Ă  croire qu’elle mĂ©rite vraiment un bel amour. Elle devra commencer Ă  penser et Ă  croire qu’elle mĂ©rite une RSS, c’est-Ă -dire une Relation SĂ©rieuse et Saine ». Une relation amoureuse agrĂ©able et positive. Vous devez changer votre vibration avec l’amour. Ce n’est pas facile. Mais, c’est possible. Notre esprit conspire en notre faveur, si nous y croyons. Pour vous aider au processus de changement, voici quelques affirmations positives pour attirer le vĂ©ritable amour Annonce -De temps en temps, je demande Ă  ceux que j’aime Comment puis-je t’aimer encore plus ?Je choisis de regarder le monde et les autres avec les yeux de l’amour. J’aime ce que je vois. -L’amour arrive! Je me libĂšre du besoin dĂ©sespĂ©rĂ© de trouver l’amour et m’ouvre Ă  lui pour le trouver au bon moment. L’amour est Ă  chaque coin de rue et la joie est prĂ©sente dans tout mon monde. -Je suis venue au monde pour apprendre Ă  m’aimer davantage et Ă  partager cet amour avec ceux qui m’entourent. -Mon partenaire est l’amour de ma vie. Nous nous adorons. Toutes les images / Pixabay -La vie est trĂšs simple. Je rĂ©cupĂšre ce que je donne. Aujourd’hui, j’ai choisi de donner de l’amour. -Je me rĂ©jouis de l’amour que je trouve chaque jour. -Ça fait du bien de se regarder dans le miroir et de se dire Je t’aime vraiment. Je mĂ©rite l’amour, la romance, la joie et toutes les bonnes choses que la vie a Ă  m’offrir en ce moment. -L’amour est puissant – le vĂŽtre et le mien. L’amour apporte la paix sur Terre. L’amour est la meilleure chose qui soit ! -Je suis entourĂ©e d’amour. Tout va bien dans ma vie. -J’attire l’amour et la romance dans ma vie et je les reçois maintenant. -Mon cƓur est ouvert. Je parle avec des mots d’amour. -J’ai un partenaire merveilleux et nous sommes tous les deux heureux et en paix. -Au centre mĂȘme de mon ĂȘtre se trouve une source infinie d’amour. -J’ai une relation joyeuse et profonde avec une personne qui m’aime vraiment. -Mon cƓur est plein d’amour et je sais que l’amour ouvre toutes les portes. -Je suis une belle personne et tout le monde m’aime. L’amour m’accueille partout oĂč je vais. -Je suis en sĂ©curitĂ© dans toutes mes relations; Je donne et reçois beaucoup d’amour. -Je n’attire que les relations saines. Les gens me traitent toujours bien. -Merci pour tout l’amour dans ma vie. Je trouve l’amour partout. -Des relations solides et aimantes illuminent ma vie. DE LA CULTURE DE LA VIGNE, SANS &’ANTIQUXTÉ , AU MOYEN AGE ET AU TEMPS PRÉSENT , GO LU MELLE, OLIVIER DE SERRES, ET LES AUTEURS MODERNES. SĂŻSEKĂąI2& , ĂŻ?S&9 IMPRIMERIE DE JAMES ATTINGER. im. aj m an\J K * /.X/mÂŁ 833838 M H3!tiiÛ 3*iĂŻJL Toute la contrĂ©e qui s’étend d’une extrĂ©mitĂ© du pays de NeuchĂątel Ă  l’autre, entre le lac et le pied du Jura, u’est, en quelque sorte, qu’un grand vignoble. Ce vignoble fait vivre tout Ă  la fois et ceux qui le cultivent et ceux qui le possĂšdent, c’est-Ă -dire une trĂšs grande Partie de la population. La culture de la vigne est donc certainement d’un haut intĂ©rĂȘt pour elle. Dans un pays oĂč l’on apprend tant de choses qu’on oublie , ou qui, en bonne partie, ne servent guĂšres Ă  la plupart de ceux qui s’en souviennent tant bien que mal, l’é- hide de la culture de la vigne en vaudrait bien une autre. Sans doute, pour le vigneron, une pratique intelligente et 11 ne longue expĂ©rience vont avant tout. Mais la con- uaissance des principes de cette culture et des observations dont elle a Ă©tĂ© l’objet, pourraient corriger chez lui une pratique dĂ©fectueuse, ou en rendre meilleure une bonne, et il est certain qu’il s’y intĂ©ressera d’autant plus, qu’il sera plus intelligent et plus habile, parce que la thĂ©orie lui expliquera la raison de ce qu’il ne fait souvent que par routine. Si beaucoup de propriĂ©taires ne s’intĂ©ressent guĂšres a leurs vignes, c’est parce qu’ils ne s’entendent point IV du tout Ă  leur culture. Et ils feraient trĂšs bien de s’y entendre, parce qu’en les faisant mieux cultiver, et en n’épargnant, ni ne dĂ©pensant mal-Ă -propos, ils en auraient un meilleur revenu. Mais ce qui pe vaudrait pas moins pour beaucoup de ceux qui possĂšdent des vignes ou qui seraient en position d’en acquĂ©rir, c’est qu’ils trouveraient dans la direction de leur culture un intĂ©rĂȘt de vie et un emploi de leurs loisirs. Car enfin il faut une occupation Ă  l’homme, quelle que soit sa position sociale ; et ce sont ceux-lĂ  mĂȘme qui ne sont pas forcĂ©s de travailler pour vivre, qui peut-ĂȘtre ont le plus sujet aujourd’hui de se plaindre que le travail leur manque. Les arts veulent du gĂ©nie. On n’est pas un bon ministre de l’Evangile sans une vocation pour ainsi dire divine. Pour rĂ©ussir au barreau, il faut joindre au goĂ»t d’une Ă©tude aride le don d’une parole claire et persuasive. La littĂ©rature est sans doute indispensable pour nourrir et cultiver l’esprit des hommes qui ne veulent pas ĂȘtre dominĂ©s ou absorbĂ©s par les intĂ©rĂȘts matĂ©riels et positif. Mais, Ă  peu d’exceptions prĂšs, la littĂ©rature n’est pas un Ă©tat. Les fonctions publiques dont tant de bons citoyens acceptent une part plus ou moins grande , ne remplissent la vie que d’un trĂšs petit nombre d’hommes. Que reste-t-il dans notre petit pays? L’industrie, le commerce, l’agriculture. Mais encore ici tout le monde n’a pas la libertĂ© du choix, ou le choix semble dĂ©teripinĂ© par des circonstances indĂ©pendantes de notre volontĂ©. Ainsi les habitans de nos montagnes sont industriels par nĂ©cessitĂ©, et ceux du vignoble croyaient jadis qu’ils Ă©taient agriculteurs par nature , et qu’ils ne pouvaient faire rien V le mieux ni de plus sage , que de cultiver les vignes que leurs pĂšres avaient plantĂ©es. Aujourd’hui leurs idĂ©es ont changĂ©; le commerce et l’industrie ont brillĂ© Ă  leurs yeux comme le chemin de la fortune. Les vieilles races, attirĂ©es par cet attrait et par celui d’occupations moins rudes, Ă©migrent et se rĂ©pandent de toutes parts dans les centres de l’industrie et du commerce, et des familles Ă©trangĂšres arrivant Ă  leur place, ont bientĂŽt occupĂ© la moitiĂ© de leurs demeures et formĂ©, dans les villages qu’elles habitaient, une population toute nouvelle. Quel sera l’avenir du vignoble ? Comment son agriculture luttera-t-elle contre une concurrence si redoutable? Comment y retenir, comment y fixer, comment y intĂ©resser, et ceux qui cultivent la terre de leurs bras, et ceux dont les capitaux la font valoir? Ni aux uns ni aux autres, la vigne ne fait espĂ©rer la richesse. Elle promet de les faire vivre, d’augmenter peut-ĂȘtre leur aisance, mais voilĂ  tout. Toutefois, la condition de propriĂ©taire et celle de cultivateur ont aussi leurs avantages et leurs biens propres et incontestables, quoique mĂ©connus. Heureux les agriculteurs, » disait Virgile, mais ses vers, je crois, ne persuaderont personne de le devenir, et les tableaux les plus gracieux des poĂštes sur le bonheur de la vie champĂȘtre, tout en charmant l’homme de goĂ»t, le laissent tranquillement assis dans son fauteuil. Peut-ĂȘtre, dans notre siĂšcle positif, sera-l-on plus touchĂ© des rĂ©flexions du plus habile des Ă©conomistes, Ă©crivant dans la plus industrieuse et la plus, commerçante de toutes les contrĂ©es du monde. VI Pour diriger prudemment des travaux soumis comme l’agriculture Ă  l’inconstance du temps et aux vicissitudes de mille accidens, il faut, dit Adam Smith, une intelligence et une sagesse supĂ©rieures Ă  l’esprit qui dirige des opĂ©rations toujours uniformes. Quelques pages d’impression enrichies de quelques gravures, peuvent suffire Ă  expliquer les diffĂ©rens procĂ©dĂ©s de tous les arts mĂ©caniques. Plus que ces arts, la conduite des travaux champĂȘtres demande une intelligence naturelle et une expĂ©rience acquise. L’homme qui laboure la terre est moins fait sans doute que l’industriel des villes, aux usages de la sociĂ©tĂ©, mais il s’élĂšve en gĂ©nĂ©ral par son esprit au dessus de celui qui donne toute son attention Ă  deux ou trois opĂ©rations fort simples, et qui mĂȘme, par suite de la division du travail poussĂ©e Ă  ses derniĂšres limites, ne fait qu’une seule et unique chose du matin jusques au soir, tous les jours de sa vie. L’agriculteur, au contraire, et surtout le vigneron, se livre successivement Ă  celte sĂ©rie de travaux divers que ramĂšne l’ordre des saisons ; la division du travail est impossible pour lui, et ce qui peut-ĂȘtre nuit Ă  la perfection de son art, profite au perfectionnement de son esprit. Il faut l’avouer aussi Ă  l’honneur des agriculteurs le malheureux esprit de monopole entre moins souvent dans leur cƓur. Ils sont plus disposĂ©s Ă  favoriser qu’à arrĂȘter la culture et l’amĂ©lioration des terres de leur voisinage. Ils n’ont point de secrets comme en ont la plupart des manufacturiers, et lorsqu’ils ont trouvĂ© une mĂ©thode nouvelle plus avantageuse que l’ancienne, on vu les voit disposĂ©s Ă  la communiquer Ă  leurs voisins, et mĂȘme Ă  l’étendre aussi loin qu’il est possible. Ceux qui sont occupĂ©s d’agriculture, dit Caton l’ancien, sont les moins envieux et les moins jaloux de tous les hommes. D’ailleurs, la beautĂ© de la campagne, la tranquillitĂ© d ame qu’elle inspire, l’indĂ©pendance que donne le travail de la terre, ont toujours un attrait plus ou moins puissant, et comme c’est Ă  ce travail que nous fĂ»mes originairement destinĂ©s, il y a toujours quelque pĂ©riode de notre vie oĂč un goĂ»t de prĂ©fĂ©rence nous ramĂšne vers notre premiĂšre destination. Enfin, si, dans les manufactures, l’homme seul semble tout faire, parce que la nature n’agit que par l’action de ses lois gĂ©nĂ©rales, dans l’agriculture, au contraire, l’homme et la nature travaillent Ă©videmment ensemble, ou plutĂŽt l’homme ne fait que prĂ©parer et diriger l’action des forces de la nature. L’agriculteur sent Ă  chaque instant que le succĂšs de ses travaux est en dehors de son pouvoir. Les intempĂ©ries d’une saison, un instant de grĂȘle ou de gelĂ©e anĂ©antissent ses travaux et ses espĂ©rances d’une annĂ©e entiĂšre. Il se sent immĂ©diatement sous la main de Dieu. Il est plus disposĂ© Ă  recevoir le bien avec reconnaissance, le mal avec soumission. Il ne s’aigrit pas comme ceux qui sont victimes de l’injustice ou de la mauvaise foi des hommes. Il y a trois genres de cultĂčre qui, sous le 47° degrĂ© de latitude, dominent chacun dans l’une des trois rĂ©gions dont se compose le pay^de NeuchĂątel, et suivant que les terres sont soumises Ă  l’un ou Ă  l’autre de ces trois genres de culture, la qualitĂ© de propriĂ©taire et celle de cultivateur sont rĂ©unies ou sĂ©parĂ©es, et les VIH rapports entre celui qui possĂšde le sol et celui qui le cultive, sont d’une nature trĂšs diverse. La propriĂ©tĂ© des prĂ©s et des pĂąturages appartient, pour l’ordinaire, Ă  des capitalistes qui perçoivent une rente fixe des propriĂ©taires de troupeaux qui exploitent leurs terres. Pour les premiers, cette propriĂ©tĂ© n’est rien que le placement solide, mais Ă  bas intĂ©rĂȘt, d’une somme d’argent. Les champs forment aussi en quelques endroits des domaines qui sont affermĂ©s ou cultivĂ©s Ă  moitiĂ© de fruits, mais en gĂ©nĂ©ral ils n’ont pas d’autres propriĂ©taires, et surtout ne peuvent avoir de meilleurs proprietaires que ceux qui les labourent eux-mĂȘmes et qui y recueillent, non pas sans doute toujours avec un avantage Ă©gal, mais pourtant d’une maniĂšre presque assurĂ©e, la nourriture de leurs familles. Il n’en est pas de mĂȘme des vignes ; elles ont d’abord ' ceci de particulier qu’elles n’admettent pas de fermiers, et que lorsqu’elles ne sont pas cultivĂ©es par leur propriĂ©taire, elles doivent l’ĂȘtre ou Ă  moitiĂ© de fruits, ou par des vignerons payĂ©s en argent, ou suivant un mode mixte ; mais en outre le propriĂ©taire et le vigneron sont gĂ©nĂ©ralement deux personnes diffĂ©rentes, et cette division rĂ©sulte d’abord de la nature de cette culture, et ensuite des conditions auxquelles est soumise la rĂ©alisation de ses produits. D’un cĂŽtĂ©, il n’y a pas beaucoup de propriĂ©taires assez robustes pour ĂȘtre vignerons , et de l’autre, l’extrĂȘme inĂ©galitĂ© et l’incertitude des rĂ©coltes de la vigne, les avances considĂ©rables qu’elle exige, rendent prĂ©caire et difficile la position des vignerons-propriĂ©taires. Ils sont forcĂ©s de IX vivre de privations pendant une sĂ©rie d’annĂ©es, en attendant une rĂ©colte abondante qui arrive enfin, mais dont souvent le produit est dĂ©jĂ  consommĂ© d’avance. La position des propriĂ©taires malaisĂ©s qui, ne pouvant cultiver leurs vignes eux-mĂȘmes, sont obligĂ©s de payer des vignerons, est encore bien moins favorable. Telle est la cause Ă  laquelle on attribue, en Allemagne, la pauvretĂ© comparative des pays de vignobles. Et chez nous, dans toutes les mauvaises annĂ©es, on entend les simples vignerons plaindre eux-mĂȘmes les petits pro" priĂ©taires et trouver leur propre situation bien [meilleure et plus assurĂ©e. Pour se dĂ©dommager des mauvaises annĂ©es, il ne suffit pas de faire une rĂ©colte abondante et de bon vin, mais il faut souvent attendre et le garder pendant deux ou plusieurs annĂ©es, et jusques Ă  ce qu’une rĂ©colte chĂ©tive ou de mauvais vin ait augmentĂ© la valeur de celui qu’on aurait vendu Ă  vil prix au moment oĂč on venait de le recueillir. Et sous ce second rapport, la position des propriĂ©taires malaisĂ©s n’est pas moins mauvaise, parce qu’ils ne peuvent presque jamais attendre, pour vendre leur vin, le moment du renchĂ©rissement. La propriĂ©tĂ© de la vigne semble donc exiger la possession de quelques capitaux et une certaine aisance, soit pour supporter les mauvaises annĂ©es, soit pour tirer parti des bonnes. Mais tandis que les vignes appellent les capitaux, les capitaux chez nous semblent se retirer de la vigne et l’abandonner. Ils vont chercher un emploi dans le commerce, les entreprises industrielles et les fonds publics, oĂč ils procurent Ă  celui qui les possĂšde, un revenu sans X embarras. Mais quant aux vignes, elles sont dĂ©criĂ©es Ă  NeuchĂątel Ă  peu prĂšs autant qu’elles l’étaient Ă  Rome du temps de Columelle. Quelles en sont les causes? En les recherchant, on trouverait peut-ĂȘtre qu’elles sont les mĂȘmes aujourd’hui qu’il y a dix-huit siĂšcles, et que le mal vient de la faute du cultivateur plus que de celle des vignes. Pour s’en assurer, qu’on examine, comme le recommande Columelle, si l’on a donnĂ© une attention suffisante Ă  ces quatre points 1° Si l’on a choisi des espĂšces productives et appropriĂ©es au sol; 2° si l’on a soignĂ© la plantation et l’éducation de la vigne quand elle Ă©tait jeune; 3° si on l’a bien cultivĂ©e depuis qu’elle est dans sa force; 4° si l’on n’épargne aucune dĂ©pense utile. Selon toute apparence, dans ce pays ce n’est pas pour le plus grand nombre des vignes qu’on pourrait donner une rĂ©ponse parfaitement satisfaisante sur ces quatre points. Et il en est beaucoup pour lesquelles la rĂ©ponse serait nĂ©gative sur chacun d’eux. Qu^ nos vignes puissent valoir mieux que ce qu’on les a faites, c’est ce qui est bien Ă©tabli par d’anciens documens. Les rĂŽles des revenus du souverain constatent que les vignes de la mairie de NeuchĂątel produisaient en moyenne, il y a 500 ans, prĂšs du double de ce qu’elles produisent aujourd’hui. Sans doute on a plantĂ© dĂšs lors en vignes beaucoup de terrains mĂ©diocres ou mauvais , et qui naturellement abaissent la moyenne gĂ©nĂ©rale. Mais la cause principale de l’ancienne fertilitĂ© de notre vignoble, se trouve dans l’ancienne simplicitĂ© des mƓurs. Alors c’étaient les bourgeois de NeuchĂątel eux-mĂȘmes qui Ă©taient les cultiva- XI leurs expĂ©rimentĂ©s des vignes dont ils Ă©taient les propriĂ©taires aisĂ©s, et auxquelles ils n’épargnaient ni le travail ni la dot, ayant tous une ou plusieurs vaches dans leurs Ă©tables, dont les engrais Ă©taient exclusivement destinĂ©s Ă  leurs vignes. Les anciennes mƓurs ne se refont pas. Mais le temps qui les a dĂ©truites a reformĂ© chez nous un autre Ă©tat social, sous lequel le vignoble pourrait recouvrer son ancienne fertilitĂ©, si ceux qui jouissent d’une fortune faite, cessaient de dĂ©daigner ou de redouter la condition de propriĂ©taires de vignes. Plusieurs motifs devraient les y engager, et principalement ces quatre i° L’emploi de leurs capitaux. 2° Un intĂ©rĂȘt patriotique. 5° Un intĂ©rĂȘt social. 4° Un emploi de leurs loisirs. Il y a 50 ou 60 ans que beaucoup*de capitaux ayant Ă©tĂ© retirĂ©s du commerce, et l’état de guerre des contrĂ©es voisines ayant donnĂ© une grande valeur aux produits de la terre, le prix des vignes monta Ă  un taux excessif. BientĂŽt la valeur de leurs produits retomba, mais les prix payĂ©s restĂšrent dans les livres de comptes, ensorte que les vignes ne donnĂšrent plus que le 2 ou 2 pour cent, d’oĂč on conclut qu’elles Ă©taient un mauvais bien, tandis qu’on en devait seulement conclure qu’on les avait payĂ©es trop cher. Et ce fait est entrĂ© pour beaucoup dans leur discrĂ©dit actuel. Dans les vingt ou trente derniĂšres annĂ©es , les vignes ont rebaissĂ© d’un tiers et plus, et Ă  leur prix actuel, la rente du capital d’achat est Ă  peu prĂšs au niveau de l’intĂ©rĂȘt ordinaire de l’argent prĂȘtĂ©, c’est-Ă - XII dire Ă  4 pour cent, tandis que le prix des autres terres est sensiblement plus Ă©levĂ©; elles ont donc cessĂ© d’ùtre d’une maniĂšre absolue un mauvais placement de capitaux , et on peut rappeler Ă  ceux qui en possĂšdent, ces paroles d’Ad. Smith Celui qui applique son capital Ă  l’agriculture, l’a pour ainsi dire sous ses yeux, il surveille sa fortune de plus prĂšs que le nĂ©gociant ne surveillĂ© la sienne, car il faut, dans le commerce, non seulement l’exposer aux vents et aux vagues, mais encore aux Ă©lĂ©mens plus hasardeux de la folie et de l’injustice des hommes. Le capital, au contraire, qu’on emploie Ă  l’amĂ©lioration de la terre, est aussi assurĂ© que peut le permettre la nature des choses humaines.» Des considĂ©rations d’un autre ordre peuvent aussi ĂȘtre prĂ©sentĂ©es aux NeuchĂątelois aisĂ©s du vignoble. Si ce qu’Olivier de Serres a dit est vrai, si c’est autant qu’on veut que la vigne donne, si elle doit ĂȘtre traitĂ©e plutĂŽt prodigalement que libĂ©ralement, il est certain aussi que des capitaux plus considĂ©rables engagĂ©s dans cette culture, la rendront plus florissante et relĂšveront par lĂ  mĂȘme la valeur des terres de nos coteaux. Des vignes cultivĂ©es en bonnes espĂšces, soit par l’effet d’une plantation nouvelle, soit par le moyen de la greffe, des vignes Ă©levĂ©es avec soin, bien cultivĂ©es et que l’on dotera de tout ce qui leur faut, seront une nouvelle richesse pour le pays, une valeur nouvelle donnĂ©e au sol de la patrie. LĂ  oĂč cette valeur Ă©taitnulle, on l’aura créée; lĂ  oĂč elle Ă©tait faible, on l’aura augmentĂ©e et peut-ĂȘtre doublĂ©e. XIII Tout vigneron doit ĂȘtre intĂ©ressĂ© sous une forme et dans une mesure quelconque, au produit de la vigne qu’il cultive. Ainsi, plus la vigne produira et plus il aura d’aisance, meilleure on l’aura rendue et plus il la travaillera avec courage et bonne foi. Ainsi l’homme riche, qui de mauvaise a rendu sa vigne bonne, contribue efficacement, non seulement sans qu’il lui en coĂ»te rien, mais en y trouvant son profit, Ă  amĂ©liorer sensiblement le sort des hommes appartenant Ă  l’une des classes pauvres de la sociĂ©tĂ©. Mais les rapports des propriĂ©taires aisĂ©s avec les vignerons ne se bornent pas lĂ . Us prennent nĂ©cessairement le caractĂšre d’un patronage vĂ©ritable , fondĂ©s qu’ils sont sur un intĂ©rĂȘt commun et permanent ; le maĂźtre n’ayant pas moins besoin d’un bon vigneron, que le vigneron d’un bon maĂźtre. De lĂ  une bienveillance mutuelle qui s’établit ici facilement et plus naturellement que dans les autres relations entre les hommes des classes Ă©levĂ©es et ceux des classes infĂ©rieures. VoilĂ  l’état ordinaire. Survient-il une crise, des temps difficiles, le vigneron sait Ă  qui recourir; avec peu de chose souvent, on peut le tirer d’embarras, et si mĂȘme des secours plus considĂ©rables devenaient nĂ©cessaires, un maĂźtre aisĂ© les dĂ©partit plus volontiers Ă  son vigneron qu’à un Ă©tranger, parce qu’il peut mieux en surveiller l’emploi, et mĂȘme leur donner le caractĂšre d’un prĂȘt qui se rembourse par petites fractions et qui n’est onĂ©reux, ni pour le prĂȘteur, ni pour l’emprunteur. On l’a dit , je crois avec beaucoup de raison, une des plus fortes digues Ă  opposer au commu- xrv nisme c’est une association, -sous une forme quelconque , des travailleurs avec les capitalistes et les proprietaires, pour un but commun, et une fusion permanente quoique trĂšs partielle de leurs intĂ©rĂȘts. Tels sont Ă©videmment les rapports nĂ©cessaires des vignerons et des propriĂ©taires de vignes. Et ils ont bien le caractĂšre de ceux dont on Ă©crivait na- guĂšres ' qu’ils doivent exercer sur la sociĂ©tĂ© » l’influence la plus salutaire. Ils sont propres Ă  re- »mĂ©dier, en grande partie du moins, Ă  l’ébranlement » moral suite de la derniĂšre rĂ©volution qui s’est accom- » plie dans les idĂ©es et dans les institutions des peuples » de l’Europe. Aux liens qui tenaient assemblĂ©e la so- » ciĂ©tĂ© fĂ©odale, on substituera des rapports de bienveil- » lance et d’utilitĂ© mutuelles entre les diverses classes. » Et les dangers dont l’esprit rĂ©volutionnaire menace l’or- » dre social seraient bien moins redoutables, si tous ceux » qui usent leur Ă©loquence Ă  les dĂ©plorer dans les salons, » les combattaient dans leurs terres Ă  l’aide des moyens » qui sont Ă  la disposition de tous les propriĂ©taires. Quant on n’obtiendrait qu’une faible partie de ces rĂ©sultats, il est difficile que l’homme aisĂ© n’envisage pas comme un bon emploi d’une partie de ses loisirs, le temps qu’il donnera Ă  ses vignes et Ă  ses vignerons. L’attĂ©diation que les unes et les autres lui causeront par fois, sera bien compensĂ©e par un vĂ©ritable intĂ©rĂȘt moral et par les soins d’une culture qui sera Ă©clairĂ©e par la connaissance des principes de l’art. Il faut les chercher dans les Ă©crits des maĂźtres et les Ă©prouver par * BibliothĂšque universelle, septembre 1843. XV la pratique, et c’est Ă  mettre sur la voie que ce livre est destinĂ©. A une notice sur l’Histoire naturelle de la vigne, on y a rĂ©uni ce qu’il y a de plus essentiel concernant sa culture et de plus appropriĂ© Ă  notre pays, dans les ouvrages qui font autoritĂ©, savoir, ceux de 1° Columelle, dans lequel on trouve le sommaire de tout ce que les anciens savaient en agriculture. 2° Olivier de Serres, qui nous la reprĂ©sente dans son théùtre, telle qu’elle Ă©tait Ă  l’époque qui a suivi le moyen-Ăąge. 5° Lenoir , auteur français d’un traitĂ© estimĂ© de la culture de la vigne au 19 e siĂšcle. A la suite sont Des fragmens de l’ouvrage de Chaptal, Rosier et Parmentier. - L’état de la culture neuchĂąteloise telle qu’elle est consignĂ©e dans les mĂ©moires de agriculteur de Peseux, que la SociĂ©tĂ© d’émulation a couronnĂ©s au commencement de ce siĂšcle. Une notice sur les moyens de propager les meilleures espĂšces de raisins. Le rĂ©cit d’une expĂ©rience sur la propagation de la vigne par le semis. L’extrait d’un MĂ©moire sur la culture de la CĂŽte au canton de Vaud. Enfin, un aperçu de la culture de la vigne en Allemagne, et spĂ©cialement l’indication d’une opĂ©ration dont les agriculteurs de cette contrĂ©e parlent comme pouvant faire une rĂ©volution, et dont M. de Sandoz- Rollin vient le premier de faire l’essai dans ce pays. XVI En comparant ces traitĂ©s divers, en Ă©tudiant, ce qui vaudra beaucoup mieux, les grands ouvrages dont ils ont Ă©tĂ© tirĂ©s, on se convaincra que la culture de la vigne est, pour ainsi dire, restĂ©e la mĂȘme dans les trois grandes Ă©poques du mouvement social. Sur les points nombreux oĂč tous les Ăąges ont Ă©tĂ© d’accord, on sera plus disposĂ© Ă  tenir pour bonnes des pratiques et des mĂ©thodes si Ă©prouvĂ©es. Sur les points oĂč il y a divergence, sur les nouveautĂ©s surtout, on demeurera en doute, on examinera de prĂšs, afin de n’adopter que ce qui peut convenir parfaitement Ă  notre sol et Ă  notre climat. Il y a sans doute beaucoup de NeuchĂątelois auxquels ce volume n’apprendra rien. S’il intĂ©resse quelques amis de la vigne, il aura produit ses fruits; s’il reste entiĂšrement stĂ©rile, eh bien, qu’il aille dormir avec tant d’autres, sous cette paisible poussiĂšre qui est l’apanage assurĂ© des livres oĂč il n’y a que de bonnes intentions. HISTOIRE NATURELLE DE LA VIGNE. PAR ROSIER, CHAPTAL ET PARMENTIER. La vigne, vitis vinifera, est placĂ©e selon le systĂšme deLinnĂ©e, danslaPentandrie monogynie; c’est-Ă -dire avec les plantes dont les fleurs ont cinq Ă©tamines et un pistil. Sa fleur rosacĂ©e est composĂ©e de cinq pĂ©tales qui se rapprochent vers leur sommet, et d’un calice Ă  peine visible, divisĂ© en cinq petits onglets. Du milieu du calice sort le pistil, couronnĂ© d’un stigmate obtus. L’em- krion devient une baie ronde dans laquelle on trouverait constamment cinq semences nommĂ©es pĂ©pins, s* une, deux et quelquefois trois d’entr’elles n’avortaient. Elles sont dures, presque osseuses, arrondies en forme de cƓur vers l’une des extrĂ©mitĂ©s, et resserrĂ©es 2 HISTOIRE NATURELLE en pointe vers l’autre; elles sont en outre divisĂ©es en deux loges dans leur partie supĂ©rieure. Les fleurs, disposĂ©es en grappes, sont opposĂ©es aux feuilles; et celles-ci, alternes, grandes, palmĂ©es, dĂ©coupĂ©es en cinq lobes et dentelĂ©es dans leur pourtour, tiennent au sarment par un long pĂ©tiole. Les branches de la vigne, comme celles de la plupart des plantes sarmenteuses, sont armĂ©es de vrilles, tournĂ©es en spirale ou en forme de tirebourre, par le moyen desquelles elles s’accrochent aux corps Ă©trangers qu’elles peuvent atteindre, pour se soulever et Ă©viter le contact immĂ©diat de la terre dont l’humiditĂ© pourrirait souvent les baies, avant la maturitĂ© des semences. La maĂźtresse racine plonge en terre oĂč elle se fourche et jette de nouvelles racines si tĂ©nues, si dĂ©liĂ©es, qu’on leur donne le nom de capillaires, de chevelus, de chevc- lĂ©es, etc. Elles s’amincissent mĂȘme tellement en s’étendant horizontalement, qu’elles finissent par ĂȘtre imperceptibles Ă  l’Ɠil le plus 'exercĂ©. La premiĂšre fonction des grosses racines est d’assujettir la plante; celle des autres, d'aspirer en terre une partie des ali- mens propres Ă  la nourrir. De ces racines sort une tige souvent tortueuse et toujours couverte d’aspĂ©ritĂ©s produites par de gros nƓuds, plus ou moins distans les uns des autres, et par une Ă©corce de couleur brune, plus ou moins foncĂ©e, et si faiblement adhĂ©rente au liber, qu’elle s’ert dĂ©tache continuellement, soit par Ă©cailles, soit en longs et Ă©troits filamens. 3 DE EA VIGNE. Ce frĂ©quent changement des parties corticales annonce que son bois ne peut avoir d’aubier, par consĂ©quent que toute la partie ligneuse du pourtour est d’une grande densitĂ©. En effet, les tiges de cette plante sont propres, comme les bois les plus durs, Ă  recevoir au tour toules les formes qu’on veut leur donner, surtout quand elles sont vieilles et qu elles ont acquis le Volume auquel elles sont susceptibles de parvenir. Celle vieillesse et ce volume sont quelquefois trĂšs extraordinaires. Un plant de vigne abandonnĂ© Ă  la seule nature, placĂ© dans un sol et un climat qui lui conviennent , et qui trouve prĂšs de lui des appuis capables de rĂ©sister Ă  ses Ă©lans et aux efforts qu’il fait pour croĂźtre, acquiert un volume Ă©norme et parvient Ă  la plus Ă©tonnante longĂ©vitĂ©. Il en est tout autrement de celui que l'on taille ou dont on retranche les sarmens. La sĂšve employĂ©e Ă  leur renouvellement et Ă  leur croissance, se porte rapidement et sans mesure vers les extrĂ©mitĂ©s ; ses Ă©lĂ©mens s’épuisent ; les canaux qui la filtraient se dessĂšchent, et la plante n’a rien d’ex- Iraordinaire, ni dans son port, ni dans sa durĂ©e. Il en est ainsi de tous les arbres ceux qu’on est dans l’usage d’élaguer n’acquiĂšrent jamais le volume de ceux dont les branchages vieillissent avec eux. Les anciens naturalistes et les voyageurs modernes sont, d’accord entr’eux sur la longue vie et sur les Ă©tonnantes proportions de la vigne dans son Ă©tat agreste'. Strabon, qui vivait du temps d’Auguste, rapporte qu’on voyait dans la Margiane, des ceps d’une si Ă©norme grosseur, que deux hommes pouvaient Ă  Peine en embrasser la tige. C’est avec raison, dit Pline, HISTOIRE NATURELLE 4 que les anciens avaient rangĂ© la vigne parmi les arbres. Nous voyons Ă  Populonium , ajoule-t-ĂŻl, une statue de J upiter, faite d’un seul morceau de ce bois, et qui, aprĂšs plusieurs siĂšcles, est encore exemple de tout indice de destruction. Les temples de Junon Ă  Paiera , Ă  Marseille, Ă  Metaponlum, Ă©taient soutenus par des colonnes de vigne ; et actuellement encore, la charpente du temple de Diane, Ă  EphĂšse, est construite de vignes de Chypre il n’est point de bois plus indestructible que celui-lĂ .» Ce mĂȘme naturaliste parle ailleurs d’une vigne qui existait depuis six cents ans. Les modernes savent que les grandes portes de la cathĂ©drale de Ravenne sont construites de bois de vigne, dont les planches ont plus de quatre mĂštres de hauteur sur trois Ă  quatre dĂ©cimĂštres de largeur. Il n’y a pas long-temps qu’on a vu dans le chĂąteau de Versailles et dans celui d’Ecouen, detrĂšs grandes tables construites d’une seule planche de ce bois. La vigne sauvage est moins dĂ©licate sur le choix du terrrain que sur celui du climat ; elle croĂźt spontanĂ©ment dans toutes les parties tempĂ©rĂ©es de l’hĂ©misphĂšre septentrional. On la rencontre assez frĂ©quemment en Europe dans son Ă©tat agreste, du 20 e jusqu’au 45 e degrĂ© de latitude. DE LA VIGNE. PHYSIOLOGIE DE LA VIGNE. Avant de dĂ©crire les parties organiques de la vigne et de dĂ©signer les fonctions que chacune d’elles est appelĂ©e Ă  remplir, il est bon d indiquer les moyens 4 Quelques personnes ont cru que les vrilles ne sont qu’un produit de la coulure, et n’existent que par l’effet d’ un accident et en remplacement des grappes. Elles n’avaient pas observĂ©, sans doute, que les vrilles ne poussent que dans la moitiĂ© supĂ©rieure du sarment, c’est-Ă -dire, lĂ  oĂč le fruit ne se montre jamais, puisqu’on ne le trouve que dans la moitiĂ© infĂ©rieure; la sĂšve trop peu Ă©laborĂ©e vers les extrĂ©mitĂ©s de la plante, parce qu'elle y arrive avec trop d’abondance, ne produit point de raisin ; elle n’est propre qu’à ĂȘtre convertie en partie ligneuse. La fleur de la vigne est soutenue par un pĂ©duncule qui se divise en plusieurs parties. Celles-ci se prolongent pour former la grappe. Au dessous de la corolle est le calice qui renferme les organes de la fructification, avant l’épanouissement de la fleur. Les pĂ©tales sont les dĂ©fenseurs ou les conservateurs des parties de la gĂ©nĂ©ration. L'Ă©tamine, ou poussiĂšre fĂ©condante, est la partie mĂąle de la gĂ©nĂ©ration ; elle s’échappe dans l’épanouissement de la fleur, et se porte sur le stigmate, qui est l’orifice de la partie femelle de la gĂ©nĂ©ration. Ce sommet est criblĂ© de petits trous, par oĂč cette poussiĂšre fĂ©condante s’introduit jusqu'Ă  sa base, oĂč elle rencontre le germe, autrement dit embryon, qu elle fĂ©conde aussitĂŽt. Cet acte donne naissance aux pĂ©pins ou semences, qui seraient constamment destinĂ©s Ă  reproduire la vigne, si l’industrie humaine n’avait trouvĂ© des moyens plus prompts de la multiplier par des boutures et des provins. Les semences de la vigne sont enfermĂ©es dans le grain du raisin. Ce grain contient en outre deux sub- DE LA VIGNE. l5 stances trĂšs diffĂ©rentes, la pulpe et la rĂ©sine colorante qui se manifeste au temps de la maturitĂ©. Celle-ci adhĂšre Ă  la peau membraneuse environnante la Pulpe forme le muqueux, le suc du raisin, et n’est point colorĂ©e. La couleur que l’on voit extĂ©rieurement est due Ă  la rĂ©sine adhĂ©rente intĂ©rieurement Ă  la pellicule. Le raisin est blanc, noir, rouge, enfumĂ©, suivant la couleur de celte rĂ©sine. Elle conserve une espĂšce d’acretĂ©, malgrĂ© la maturitĂ© du fruit. La connaissance de la structure et de l'usage des diffĂ©rentes parties delĂ  vigne, ne doit point ĂȘtreconsidĂ©- l'Ă©c comme un objet de vaine curiositĂ©, puisqu’elle doit avoir une grande influence sur la maniĂšre de la diriger et de la cultiver ; car il appartient Ă  la thĂ©orie d’indiquer les rĂšgles de la bonne pratique. La vigne n’ayant ni liber, ni couche corticale, la sĂšve monte Ă©galement des racines Ă  l’extrĂ©mitĂ© supĂ©rieure des rameaux, par toutes les parties du bois, au lieu de passer, comme dans les autres arbres, entre l’écorce et la partie ligneuse ; d’oĂč il suit que la vigne seule peut ĂȘtre greffĂ©e sans avoir besoin du point de contact de deux Ă©corces, STATISTIQUE DE LA VIGNE. PAR LENOIR. La vigne est originaire de l’Asie, entre le 20 e et Je 4o e degrĂ© de latitude. Les colonies des PhĂ©niciens en ont scucessivement portĂ© la culture sur tout le littoral de la MĂ©diterranĂ©e , d’oĂč elle s’est avancĂ©e lentement vers le nord de l’Europe. Aujourd hui la culture de la vigne, dans l’hĂ©misphĂšre borĂ©al, s’étend au nord, jusqu’au 5i e degrĂ© '/ a de latitude, et au sud, jusqu’au j’V. Entre le 20 e et le 4o e degrĂ©, les raisins qu’elle produit sont toujours si excellens qu’il est difficile d’en faire de mauvais vins ; aussi voyons-nous les peuples qui habitent l'Archipel et les autres Ăźles de la MĂ©diterranĂ©e, quoique cultivateurs peu industrieux, faire cependant des vins exquis. Plus au nord, et dĂšs le 4o e degrĂ©, la vigne exige une culture soignĂ©e. 11 faut dĂ©jĂ  de l’art pour faire de bons vins. Au delĂ  du 45 e degrĂ©, la culture de la vigne devient plus difficile encore ; on trouve moins de sols et d’expositions qui lui conviennent ; il faut beaucoup d’art dans la culture et encore plus peut-ĂȘtre dans la vinification. C’est au sud du 4o c degrĂ© qu’on rĂ©colte en Espagne les vins de Xerez, de Paxarette, de Malaga ; et en Portugal, les vins de Carcavellos, de Setuval, de Porto, etc. STATISTIQUE DE EA VIGNE , PAR LENOIR. 17 Les vins de MadĂšre se rĂ©coltent par le 38 e ; ceux de Schiraz, par le 3o e ; ceux des Canaries, par le 28 e de laiitude borĂ©ale enfin les cĂ©lĂšbres vins du cap de Bonne-EspĂ©rance, par le 34 e degrĂ© de latitude australe. Si dans la CĂŽte-d'Or cl dans la Marne, on fait d’ex- cellens vins, ce n’est pas le climat qui les donne; ils sont dus Ă  l’industrie des cultivateurs qui ont su approprier la culture au climat, et profiter, avec une rare intelligence, de toutes les circonstances de sol et d’exposition. Il y a une grande diffĂ©rence de climat entre les dĂ©- partemens mĂ©ridionaux de la France et ceux du Nord ; cette diffĂ©rence est toute entiĂšre Ă  l’avantage des premiers, personne ne disconvient de cela ; si donc, dans . nos dĂ©parlemens du nord, on cultive encore la vigne avec succĂšs , celte culture devrait ĂȘtre bien moins productive que dans les dĂ©parlemens du midi ; cependant il n’en est pas ainsi. Si l’on divise la France en quatre rĂ©gions parallĂšles a l’équateur La premiĂšre, situĂ©e au sud du 45 e degrĂ© de latitude Bordeaux ; La seconde, comprise entre le 45 e cl le 47 e BhĂŽne, Arbois ; La troisiĂšme, entre le 47 e cl le 49 e La Bourgogne ; Et la quatriĂšme, au nord du 49* La Champagne; Le produit moyen de la vigne, dans chaque rĂ©gion est, par hectare 2 STATISTIQUE DF. LA VHÏNE, hectol. lit. i re rĂ©gion .'17 80 ri. '7 63 28 09 .82 4* Le prix moyen cle l’hectolitre de vin, six mois aprĂšs la rĂ©colte et pour le producteur, est, savoir i re fr. 16 cent. 14 » — » 1 7 » 1 3 » 21 » 54 » » » » D’oĂč il suit que le produit brut moyen de l’hectare de vigne a une valeur, dans la 1” rĂ©gion, de ... 252 fr 247 » 48i *> 698 » Je me sers, pour Ă©tablir ces rĂ©sultats , des donnĂ©es contenues dans l’Ɠnologie française de M. Cavoleau, ouvrage qui a obtenu en 1827 le prix de statistique Ă  l’institut. Ces donnĂ©es mĂ©ritent toute confiance; cependant je crois nĂ©cessaire de les appuyer sur quelques autoritĂ©s qui, quoique plus anciennes, ne sont pas sans poids. La rĂ©gie des droits rĂ©unis a fait dans toute la France, pendant cinq annĂ©es, de 1804 Ă  1808, le recensement des vignes et l’inventaire des vins rĂ©coltĂ©s. PAR LENOIR. 19 On trouve que le produit moyen de l’hectare dans rhaque rĂ©gion, exprimĂ© en hectolitres, est, savoir hectol. lit- 1" 4 2* ».21 4 3 e ».. 29 5 4 ' ».. . . 36 2 ExceptĂ© pour la premiĂšre rĂ©gion, les produits de 1 hectare sont plus forts que ceux qui sont donnĂ©s par M. Cavolcau ; cependant ils prĂ©sentent encore le mĂȘme rĂ©sultat, savoir que les vignes des deux rĂ©gions du nord, produisent presque deux fois autant que les vignes des deux rĂ©gions du midi. II y a enfin une statistique des vignobles de France par les prĂ©fets M. Julien en a publiĂ© les rĂ©sultats dans sa topographie de tous les vignobles connus. Voici quel est le produit de l’hectare, dans chaque rĂ©gion, d’aprĂšs cette statistique heclol. Ht. i re 20 2 e ». 16 65 3 ' ».. . ' . 24 7 3 at 4 e » . 3 o 78 Ici tous les produits sont infĂ©rieurs Ă  ceux qui sont donnĂ©s par le recensement de la rĂ©gie et par la statistique de M. Cavoleau. Cela n’a rien d’étonnant; ce sont les maires qui donnent ces renseignements, et la plupart d’entr’eux les donnent sciemment au dessous de la rĂ©alitĂ©. 20 STATISTIQUE DE TA VIGNE, Quoi qu’il eu soit, les statistiques des prĂ©fels prouvent aussi que le produit des vignobles du nord, est presque double du produit des vignobles du midi. Pour rendre ces trois Ă©valuations plus facilement comparables, je vais les traduire en nombres proportionnels, dont le produit de la premiĂšre rĂ©gion sera le premier terme, exprimĂ© toujours par cent. Rapports des produits de l’hectare dans les 2 e , 3 e et 4* rĂ©gions, comparĂ©s Ă  ceux de l'hectare dans la premiĂšre. D’aprĂšs Inventaires Statistiques Termes moyens les donnĂ©es de de des des M. Cavoleau. la rĂ©gie. prĂ©fets. 4 Ă©valuations. I re 100 100 100 100 2* 98 123 117 113 3* i58 170 174 167 4 e 182 208 217 202 La diffĂ©rence, Ă  l’avantage des rĂ©gions du nord, est frappante dans les trois Ă©valuations. On pourrait encore produire, comme preuve de celte supĂ©rioritĂ©, les Ă©valuations cadastrales du revenu imposable de la vigne. Ces Ă©valuations portent le revenu moyen imposable de l’hectare de vigne, dans la i re rĂ©gion, fr. o3 cent. 2 e » 37 » 67 » 3* » 53 » 83 » 4* » 54 » 06 » PAR LENOIU. 2 t Kn rĂ©duisant ces Ă©valuations en nombres propor- ‱lonnels comme ci-dessus, on a, pour la i re fr. 2 e ». 111 » 3 e ». i58 » 4 e " . ,5 9 Puisque les vignes du nord donnent un produit net plus fort que celles du sud, leur produit brut doit ĂȘtre beaucoup plus considĂ©rable; car ce produit doit payer avant tout les frais de culture qui, pour la vigne, croissent avec la latitude et en plus forte proportion que la latitude. Tous les documens concourent donc Ă  Ă©tablir, d’une maniĂšre incontestable, que les vignobles des rĂ©gions du nord produisent plus que ceux des rĂ©gions mĂ©ridionales. On voit en outre, Ă  la premiĂšre inspection des tableaux des crus de la France divisĂ©s en rĂ©gion du sud, au sud du 46 e degrĂ©, et rĂ©gion du nord, au nord du 46' degrĂ©, que le nombre des crus qui produisent des vins distinguĂ©s, est plus grand dans la rĂ©gion du nord que dans celle du midi. On pourrait croire d’aprĂšs cela, que la rĂ©gion du uord jouit d’un climat plus favorable Ă  la vigne que nos provinces mĂ©ridionales ce serait une erreur. Dans la rĂ©gion du midi, la somme des plus fortes rĂ©coltes de 1804 Ă  1808, — La sommes des plus faibles est de . . . 072 Dans la rĂ©gion du nord, la somme des plus fortes rĂ©coltes durant ces cinq annĂ©es, Ă©tant ... 1 — La somme des plus faibles est de . . . 0 4 t 22 STATISTIQUE DE LA VIGNE, PAU EENOIR. Ces diffĂ©rences sont la meilleure mesure des avantages ou des inconvĂ©niens du climat. Ce n’est donc pas au climat qu'il faut attribuer la supĂ©rioritĂ© incontestable des vignobles du nord sur ceux du midi. Cette supĂ©rioritĂ© est due toute entiĂšre Ă  l’activitĂ©, Ă  l’industrie, Ă  la persĂ©vĂ©rance des cultivateurs, peut-ĂȘtre aussi Ă  la nĂ©cessitĂ©. ÉCONOMIE RURALE 1E COLUMELLE. CHAPITRE I. des terrains et des climats propres a la vigne. Nous prĂ©fĂ©rons la vigne aux autres plantes, non seulement Ă  cause de la douceur de son fruit, mais encore Ă  cause de la facilitĂ© avec laquelle elle rĂ©pond aux soins de l’homme, presque dans toutes les contrĂ©es, et sous tous les climats du monde, si l’on en excepte les climats glacials ou brĂ»lants. Cependant la culture de la vigne n’est pas la mĂȘme pour tous les climats ni pour tous les terroirs, et il n’y a que l’expĂ©rience qui puisse apprendre quelle est l’espĂšce qui sera plus ou moins propre Ă  tel ou tel pays. Un cultivateur Ă©clairĂ© regardera toutefois comme certain, que l’espĂšce de vignes qui supportera sans en ĂȘtre incomodĂ©e, les neiges et les frimats, sera propre aux plaines, que celle qui supportera la sĂ©cheresset KCONOM1K RURALE ‱4 les vents, sera propre aux collines; il donnera Ă  un champ gras el fertile, une vigne qui ne soit pas forte en bois ni naturellement trop fĂ©conde; Ă  un terrain maigre, une vigne fĂ©conde ; Ă  un terrain compact, une vigne forte el qui ait beaucoup de bois; Ă  un terrain meuble et fertile, une vigne qui ait peu de bois. Mais outre cela il saura encore que les diffĂ©rentes tempĂ©ratures de l’air influent plus que le terrain mĂȘme sur les vignes, comme le froid ou le chaud, la sĂ©cheresse ou l’humiditĂ©, le vent ou le calme ainsi il mettra dans un climat froid ou nĂ©buleux deux espĂšces de vignes, ou les hĂątives dont la maturitĂ© des fruits devancera l’hiver, ou celles dont le grain sera ferme et dur, parce quelles dĂ©fleuriront au milieu des brouillards, et que leur fruit mĂ»rira ensuite aux gelĂ©es et aux frimats, comme les autres mĂ»rissent aux chaleurs. Il mettra Ă©galement avec hardiesse les vignes fermes et dont le grain sera dur, dans un climat sujet aux vents et aux orages; d'un autre cĂŽtĂ©, il mettra dans un climat chaud les vignes les plus tendres et celles dont le raisin sera le plus serrĂ©. Mais si l’on peut choisir Ă  souhait un terrain et un climat pour les vignes, le meilleur terrain sera celui qui, sans ĂȘtre trop Ă©pais ni rĂ©duit en poussiĂšre, approchera le plus de cette derniĂšre qualitĂ©, celui qui, sans ĂȘtre maigre ni fertile, approchera cependant le plus de la fertilitĂ©; celui qui, sans ĂȘtre en plaine ni escarpĂ©, tiendra cependant d une plaine Ă©levĂ©e ; celui qui, sans ĂȘtre sec ni humide, sera cependant modĂ©rĂ©ment arrosĂ©; celui qui, sans avoir de sources d’eau sur sa surface ni dans ses entrailles, fournira nĂ©an- DE COLUMEIXE. 25 moins aux racines de la vigne une humiditĂ© suffisante, qu’il tirera des lieux circonvoisins. La vigne se plaĂźt plus dans les climats chauds que dans les climats froids ; les pluies lui font plus de tort que la sĂ©cheresse, et elle aime mieux un sol sec qu'un sol trop humide, comme elle aime un vent modĂ©rĂ© et doux, au lieu que les tempĂȘtes lui sont pernicieuses. Telles sont les qualitĂ©s du climat et du sol, qui sont le plus Ă  rechercher. CHAPITRE II. DU CHOIX DU PEANT. On plante des vignes, soit pour en manger le raisin, soit pour en faire du vin. Il n’y a pas de profit Ă  faire un vignoble pour en destiner le raisin Ă  ĂȘtre mangĂ©, Ă  moins que le terrain ne soit si voisin des villes, que l’on puisse trouver son compte Ă  vendre le raisin aux marchands; lorsque I on sera dans ce cas, il faudra surtout avoir des vignes hĂątives, des vignes recommandables non seulement par le goĂ»t agrĂ©able, mais aussi par la belle apparence de leur fruit, et des vignes dont on serre le raisin dans des vases pour le garder pendant l'hiver. Lorsqu’on a le vin pour but, on choisit la vignequi est forte en fruit et en bois, parce que l’un contribue beaucoup aux revenus du cultivateur et l’autre Ă  la longue durĂ©e de la plante; mais pour lors, il faut prĂ©fĂ©rer celle qui ne se couvrant pas trop de feuilles cl quittant sa fleur de bonne heure, sans mĂ»rir trop 26 ÉCONOMIE RURALE lard, se dĂ©fend en mĂȘme temps aisĂ©ment contre les gelĂ©es, lebrouillard et la brĂ»lure, sans que la pluie pourrisse ses fruits ou que les sĂ©cheresses les rĂ©duisent Ă  rien. VoilĂ  comme il faut la choisir, ne fĂ»t-elle que mĂ©diocrement fĂ©conde, si l’on a un terroir qui produise un vin de prix et d’un goĂ»t distinguĂ© et prĂ©cieux. Mais si le vin en est mauvais et de peu de valeur, il faut choisir la vigne la plus productive, afin d’augmenter son revenu par la quantitĂ© du produit. 11 y a tant d’espĂšces de vignes que nous ne pouvons ni en fixer le nombre ni en dire les noms avec quelque certitude ; ce serait, dit Virgile, vouloir savoir » combien le vent agite de grains de sable dans la mer » de Lybie. » En effet, chaque contrĂ©e, et presque chaque partie des diffĂ©rentes contrĂ©es, ont des espĂšces de vignes qui leur sont particuliĂšres, et auxquelles elles donnent chacune un nom Ă  sa guise il se trouve mĂȘme telles vignes qui ont changĂ© de nom en changeant de lieu ; d’autres qui, en changeant de lieu, ont aussi changĂ© de qualitĂ©, de façon Ă  ne pouvoir plus ĂȘtre reconnues. Aussi dans notre Italie mĂȘme, sans parler de toute l’étendue du globe, des peuples, quoique voisins les uns des autres, ne s’accordent-ils pas sur les noms qu'ils donnent aux vignes, et souvent il arrive qu’ils leur en donnent chacun de diffĂ©rens. C’est pourquoi un agriculteur prudent doit s’en tenir au prĂ©cepte qu’ont donnĂ© Celsus et Caton, savoir qu il ne faut pas planter d’autres espĂšces de vignes, que celles qui ont une rĂ©putation Ă©tablie, ni en garder long-temps d’autres que celles dont l expĂ©ricnce aura constatĂ© la bontĂ©, comme aussi, selon leconseil de .Tu- DE COLUMELLE. U7 lius GrĂŠcinus, Ă  moins que les circonstances trĂšs favorables d'une contrĂ©e ne nous stimulent Ă  y planter des vignes de renom , nous nous attacherons plutĂŽt aux vignes qui donnent beaucoup de vin, parce qu’il y aura toujours moins Ă  perdre sur le prix qu’à gagner sur la quantitĂ©. CHAPITRE III. LA culture de la vigne est-elle profitable ? Maintenant, avant de disserter sur la plantation des vignes, je crois qu’il ne sera pas hors de propos d'examiner, et de nous assurer si la culture des vignes peut enrichir le pĂšre de famille. En effet, cet examen doit servir comme de fondement Ă  notre dissertation ; d’autant que le doute sur cette question est si gĂ©nĂ©ral, qu’il y a mĂȘme plusieurs particuliers qui Ă©vitent et qui redoutent une terre cultivĂ©e en vignoble, estimant qu’il faut plutĂŽt dĂ©sirer d’avoir en sa possession des prĂ©s, des pĂąturages et des bois taillis il faut donc commencer par montrer Ă  ceux qui veulent s’adonner Ă  l’agriculture, que le revenu des vignes est trĂšs considĂ©rable. .Te pourrais citer Ă  cette occasion cette fertilitĂ© extraordinaire dont parlent M. Caton et TĂ©renlius Varron. Maissans parler de celte ancienne fertilitĂ© ni de celle des vignobles que possĂšde SĂ©nĂšque, cet homme d’un gĂ©nie et d’une Ă©rudition rares, si l’on recherche pourquoi les vignes sont 28 ÉCONOMIE RURALE 'maintenant si dĂ©criĂ©es, on trouvera que ce n’est pas pour quelque vice qui leur soit inhĂ©rent, mais bien par celui des cultivateurs. Ce vice consiste premiĂšrement en ce que personne n’apporte d’attention dans le choix du plant, d’oĂč il arrive que presque tout le monde forme des vignobles, oĂč il ne se trouve que des ceps de la pire espĂšce ; on ne donne pas au jeune plant une Ă©ducation convenable pour lui faire prendre des forces, et si par hasard la vigne plantĂ©e parvient Ă  sa grandeur, on la cultive nĂ©gligemment. D’un autre cĂŽtĂ©, on rĂ©serve pour planter de la vigne la plus mauvaise terre, comme si la meilleure pour celte culture Ă©tait celle qui ne convenait pour aucune autre. Puis il est rare qu’on assigne une dot Ă  ses vignes, c’est-Ă -dire qu’on tienne prĂȘtes les fournitures nĂ©cessaires. Enfin la plupart ne visent qu’à avoir au plus vite le plus de fruit possible, sans s’embarrasser de l'avenir, et comme s’ils ne vivaient qu’au jour la journĂ©e, ils font la loi Ă  leurs vignes, et les chargent de beaucoup de branches Ă  fruit, sans avoir Ă©gard Ă  leur postĂ©ritĂ©. Lorsqu’ils se sont ensuite rendus coupables de tous ces mauvais procĂ©dĂ©s, ou du moins de la plus grande partie d’entr’eux, ils se plaignent que leurs vignobles ne rĂ©ussissent pas, quand c’est eux-mĂȘmes qui les ont perdus par leur avarice, par leur ignorance ou par leur nĂ©gligence. Ma is il est certain, au contraire, que ceux qui joindront l’activitĂ© aux connaissances, trouveront celle espĂšce de culture avantageuse pour leur fortune , quoiqu’elle exige de trĂšs grandes dĂ©penses. Un vigneron DE COLUMELLE. 29 suffit pour sept jugera 49 ouvriers ; mais un bon V'gneron est un article essentiel. CHAPITRE IV. EE PROPRIÉTAIRE DOIT CHOISIR LUI-MEME SON PLANT. Celui dont le projet est dĂ©former un vignoble, doit surtout se garder de s'en rapporter aux soins des autres plutĂŽt qu’aux siens propres, relativement au choix du plant. U ne doit point acheter ses marcottes, mais au contraire planter chez lui l’espĂšce de vigne qu’il aura le plus Ă©prouvĂ©e, et faire une pĂ©piniĂšre dont il puisse ffier ce qui lui sera nĂ©cessaire pour garnir sa terre de ceps. Car du plant Ă©tranger qui se trouve transplantĂ© cheznousd’unecontrĂ©ediffĂ©rentc, s’habitue moins bien a notre sol que celui qui en est natif. On ne peut d ailleurs jamais ĂȘtre assurĂ© si celui jqui l’a plantĂ© en a examinĂ© avec soin l’espĂšce, et s’il l’a bien Ă©prouvĂ©e a Upa rayant. CHAPITRE V. DES PÉPINIÈRES. U ne faut point faire de pĂ©piniĂšre de vignes dans une terre maigre, ni dans une terre humide. Comme 3 o ÉCONOMIE RURALE il faut cependant que celte terre ne soit pas totalement dĂ©pourvue de sucs, on la choisira plutĂŽt mĂ©diocre que grasse. Un cultivateur prudent doit plutĂŽt transplanter d’une mauvaise terre dans une meilleure , que d’une bonne dans une mauvaise. C’est pourquoi la mĂ©diocritĂ© est la qualitĂ© que j’approuve le plus dans le choix du terrain ; il n’est pas raisonnable non plus de former une pĂ©piniĂšre dans un terrain trĂšs maigre, parce que la plus grande partie des marcottes y dĂ©pĂ©rit, et que celles que l’on peut sauver, n’arrivent que trĂšs tard au point nĂ©cessaire pour ĂȘtre transplantĂ©es. Ainsi un terrain mĂ©diocre et lĂ©gĂšrement sec est le plus propre Ă  former une pĂ©piniĂšre. Il faudra commencer par le retourner au hoyau, aprĂšs quoi les lignes sur lesquelles seront plantĂ©s les mailletons seront tracĂ©es Ă  la distance de trois pieds l’une de l’autre, et l’on mettra six cents mailletons dans chacune des rangĂ©es, qui auront deux cent quarante pieds de longueur. Ce nombre demandera 24,000 mailletons pour un jugerum entier, de 240 pieds de longueur sur 120 de largeur '. i Ou peut dire que le pied de NeuchĂątel est exactement Ă©gal au pied roman, puisqu’il n’en diffĂšre quede6/io de lignes en moins. Ainsi un jugerum romain de 28,800 pieds Ă©quivaudrait Ă  7 ouvriers et 1/32 de NeuchĂątel. DE COLUMELUK. 3t CHAPITRE VI. DTJ CHOIX DES MAIIXETONS. 11 y a deux choses Ă  observer dans le choix des maille- ‱ons car, 1 " il ne suffit pas d’examiner engendrai si la mĂšre dont on le tire est fĂ©conde, mais il faut encore examiner plus particuliĂšrement s’ils ont Ă©tĂ© tirĂ©s des parties du cep qui vertu productrice et qui sont les plus fertiles ; et 2 ° quoiqu’une vigne soit chargĂ©e de beaucoup de grappes, on ne pourra pas dire nĂ©anmoins Qu’elle soit fertile, si elle n’en a qu’une seule sur chaque branche ; mais s’il y a un grand nombre de grappes sur chaque pampre de celte vigne, si elle jette beaucoup de branches Ă  fruit de chacun de ses boutons, si enfin les branches qui sortent de son bois dur, ou les rejetons des pampres eux-mĂȘmes produisent quelques raisins; une telle vigne Ă©tant sans difficultĂ© fĂ©conde, c’est sur elle que l’on doit choisir des maille- tons. Un mailleton est une jeune branche Ă  fruit nĂ©e sur un bois de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente ce nom lui vient de s a ressemblance avec un petit maillet, fondĂ©e sur ce qu’il dĂ©borde de droite et de gauche dans la partie par laquelle on l’a sĂ©parĂ© de l’ancien sarment. Nous pensons qu’il faut choisir les mailletons sur les ceps les plus fĂ©conds, dans le temps oĂč l'on taille la vigne, et les mettre en terre avec attention dans un lieu mĂ©- ECONOMIE RURALE 32 diocremenl humide, en leur laissant trois ou quatre boulons hors de terre. Disons encore que c’est un point trĂšs essentiel, d'examiner si la vigne dont on les a tirĂ©s n est point sujette Ă  perdre sa fleur, si son raisin na point de difficultĂ© Ă  grossir, et s'il ne mĂ»rit pas trop tard. Une seule vendange ne suffit pas pour nous mettre Ă  mĂȘme de reconnaĂźtre si une vigne jouit de ces avantages. 11 en faut quatre, parce que c’est le nombre d'annĂ©es qu'il faut au soleil, pour revenir au point du zodiaque dont il Ă©tait parti. On commet d’ordinaire le soin de recueillir les mail- letons prĂ©cisĂ©ment aux gens les plus ignorans, et Ă  ceux qui sont incapables de faire toute autre besogne. Ils ne se piquent d’aucune attention ni d’aucun scrupule, pourvu qu’ils viennent Ă  bout de complĂ©ter la quantitĂ© de maillelons que le mĂ©tayer leur aura ordonnĂ© de ramasser, en se bornant Ă  leur prescrire de ne poin t prendre les sartriens sortis du bois dur, mais de prendre le plant dans tout le reste du cep. Pour nous, nous suivons un usage que la raison nous avait dictĂ©, et que l’expĂ©rience a confirmĂ© depuis, c’est-Ă -dire que nous ne choisissons pas d’autres maillelons, et que nous ne pensons pas mĂȘme quil y en ait d autres propres Ă  donner du fruit, que ceux qui, placĂ©s dans la partie fructifiante de la vigne, y ont en effet portĂ© du fruit. Ne nous contentons pas mĂȘme des bois qui auront portĂ© une grappe, mais prĂ©fĂ©rons ceux qui se seront fait distinguer par la plus grande abondance de fruits. Nos ancĂȘtres ont Ă©tĂ© dans les mĂȘmes sentimens que moi sur cet objet, tĂ©moins les vers de Virgile. Ils on* condamnĂ© les sarmens sortis du bois dur, ainsi que les DE COLUMELLE. 33 flĂ©chĂ©s, c’est-Ă -dire la partie supĂ©rieure des sarmens, et encore beaucoup plus les branches qui, quoique nĂ©es dans une partie fructifiante de la vigne, n’avaient Point portĂ© de fruit. CHAPITRE VII. D U SOL PROPRE A LA VIGNE ET DE SA PREPARATION. AprĂšs le choix des mailletons, vient l’opĂ©ration qui eonsiste Ă  retourner la terre au pastinum. Mais avant d examiner ce genre de culture, nous dirons qu’il est trĂšs important de choisir, si on est Ă  mĂȘme de le faire, One terre en friche, prĂ©fĂ©rablement Ă  celle qui aurait dĂ©jĂ  portĂ© des moissons des arbres mariĂ©s Ă  des vignes. Car, quant aux vignobles qui sont dĂ©truits par le laps de temps, tous les auteurs conviennent que s i on recommençait Ă  les planter en vignes, ils ne rĂ©ussiraient jamais, parce que l’intĂ©rieur de leur sol se 'fouve comme empĂȘtrĂ© dans des filets formĂ©s par la Otultitude de racines qui l'embarrassent, outre qu’il es t imprĂ©gnĂ© de ce venin et de cette moisissure qu’im- prttne la vieillesse. Le plus mauvais terrain est donc relui qui Ă©tait habituĂ© prĂ©cĂ©demment Ă  porter des vignes. Si, nĂ©anmoins, l’on est contraint d’en employer Un de cette nature, il faut auparavant en extirper tous les ceps, sans en laisser un seul, puis le fumer en en- tieravec du fumier le plus nouveau que faire se pourra, et ensuite le retourner et amasser sur la superficie de 3 34 ÉCONOMIE RURALE ce terrain toutes les racines que l’on aura arrachĂ©es avec soin pour les y brĂ»ler; enfin le recouvrir avec profusion, aprĂšs l’avoir labourĂ© au pastinum , soit de vieux fumier, parce qu’il n’engendre point d’herbes, soit de terre rapportĂ©e prise dans les buissons. Comme je l’ai dit ci-dessus, un terrain dont la terre est meuble et mĂ©diocrement friable, est le plus propre aux vignobles. Ils s'accommodent pourtant de certaines terres dures qui s’amollissent et se rĂ©duisent en poussiĂšre par les mauvais temps et les gelĂ©es, ainsi que par les chaleurs de 1 Ă©tĂ©, et tiennent au frais les racines de la vigne pendant l’étĂ©, en mĂȘme temps qu elles ne laissent point Ă©vaporer le suc de la terre; deux points trĂšs essentiels pour nourrir les arbrisseaux. Par la mĂȘme raison, on approuve aussi le gravier bien menu et les champs pleins de gros sables et de pierres mouvantes, pourvu cependant qu’il s’y trouve de la bonne terre mĂȘlĂ©e parmi, autrement on les rejette absolument. Le caillou mĂȘme n’est pas moins ami de la vigne, pourvu qu’il soit un peu recouvert de terre, parce qu'Ă©tant frais et conservant bien l’humiditĂ©, il n’en laisse pas dessĂ©cher les racines durant la canicule. La terre mĂȘlĂ©e d’argile passe pour ĂȘtre bonne Ă  la vigne; car pour l’argile pure dont se servent les potiers, elle lui est trĂšs contraire, ainsi que le sable qui n’est mĂȘlĂ© d’au-'- cune bonne terre; la terre rouge est Ă©paisse et peu propre Ă  laisser un passage libre aux racines, mais une fois quelle leur a livrĂ© passage, elle nourrit trĂšs bien la vigne; il est vrai qu elle est plus difficile Ă  cultiver qu’une autre. DE COLUMELLE. 35 CHAPITRE VIII. DU LABOUR AU PASTINUM '‱ U faut donner la mĂ©thode de cette culture tant aux a griculleurs qui se proposent de cultiver la vigne Ă  la mode d’Italie, qu’à ceux qui se proposent de la cul- ‱iver Ă  la mode des provinces; car pour ce qui est des contrĂ©es Ă©loignĂ©es, on n’y connaĂźt pas cette façon de r etourner le terrain en le labourant, mais on y plante communĂ©ment les vignes dans des fosses ou dans des tranchĂ©es. Voici comme on les plante dans des fosses on com- Rlenceparfouillerleterrain Ă  deux piedsdeprofondeur, sur une longueur d’environ trois pieds, et sur la largeur dĂ©terminĂ©e par celle de l’instrument dont on se sert ; aprĂšs quoi on Ă©tend de part et d’autre des mail- letons, de façon qu’aprĂšs avoir Ă©tĂ© courbĂ©s, leurs extrĂ©mitĂ©s se relĂšvent aux deux cĂŽtĂ©s opposĂ©s de la fosse, ensuite on couvre le tout de terre , Ă  l’exception de deux yeux qu’on laisse hors de terre, et enfin on aplanit le terrain. On recommence la mĂȘme opĂ©ration, en laissant entre la seconde fosse et la premiĂšre un intervalle de la mĂȘme longueur que la fosse mĂȘme, sans le labourer; de cette façon, les ceps sont Ă  trois pieds de distance ; on continue toujours sur la mĂȘme ligne , * Instrument Ă  deux dents de fer trĂšs rapprochĂ©es. ECONOMIE RURALE 36 jusqu Ă  ce qu’on ail fini une rangĂ©e. Ensuile on laisse, entre celte rangĂ©e el celle d Ă  cĂŽtĂ© , un intervalle tel que le requiert l’usage oĂč chacun est de cultiver les vignes, soit Ă  la charrue, soit au hoyau, et on recommence une seconde rangĂ©e, qu’on achĂšve de la mĂȘme façon. Mais ceux qui, redoutant les frais de la culture au pastinum, veulent cependant s'en rapprocher, forment des tranchĂ©es de six pieds de largeur, en laissant entre chacune des espaces de mĂȘme largeur sans les labourer, et aprĂšs les avoir fouillĂ©es Ă  trois pieds de profondeur, ils en relĂšvent la terre sur les bords Ă  la mĂȘme hauteur, et arrangent leurs ceps ou leurs mailletons Ă  dos de cette tranchĂ©e. Quand la premiĂšre rangĂ©e est finie, ils laissent un espace trois fois plus grand que la largeur de la tranchĂ©e, sans le cultiver, et fouillent ensuile la tranchĂ©e de la rangĂ©e suivante, et quand ils ont achevĂ© cette opĂ©ration dans tout le terrain qu’ils destinent Ă  leur vignoble, ils dressent Ă  dos des tranchĂ©es leurs marcottes, et plantent entre elles une multitude de mailletons, et lorsque ces mailletons se sont fortifiĂ©s par la suite, ils les provignent dans des fosses qu’ils font en sens contraire des premiĂšres, sur le terrain qu’ils avaient laissĂ© sans le labourer. J’en viens Ă  la mĂ©thode de labourer un terrain au pastinum. D’abord il faut en arracher toutes les broussailles et tous les arbres qui s'y trouveront et les enlever, afin que le terrain, une fois labourĂ©, ne soit pas exposĂ© Ă  ĂȘtre foulĂ©; car il est important que la terre que l’on aura labourĂ©e au pastinum soit trĂšs gonflĂ©e, et qu’on n’y voie, si faire se peut, aucune trace de DE COtUMELLE. 3 7 P>eds sur la superficie, afin qu’étant remuĂ©e Ă©galement dans toutes ses parties, elle cĂšde avec facilitĂ© aux racines du jeune plant, de quelque cĂŽtĂ© que ces racines veuillent y pĂ©nĂ©trer, et quelle se laisse imbiber des eaux du ciel pour les distribuer au plant qu'elle aura a nourrir. Il faut fouiller les plaines Ă  la profondeur de deux pieds et demi, les terrains en pente Ă  celle de trois Pieds et les collines plus escarpĂ©es jusqu’à celle de Quatre, parce que si l'on n’y faisait point un lit de terre labourĂ©e au pastinum, beaucoup plus profond que celui que l’on fait dans une plaine, la terre venant a s’ébouler du haut en bas, il resterait Ă  peine la quantitĂ© suffisante de terre gonflĂ©e par le labour au pastinum, D’un autre cĂŽtĂ©, il ne faut pas mettre la vigne Ă  tuoins de deux pieds de profondeur, mĂȘme dans le bas des vallĂ©es , Ă  moins que la rencontre d’une source d’eau marĂ©cageuse, telle qu’il s’en trouve dans le canton de Ravenne, n’empĂȘche de creuser au delĂ  d’un pied et demi de profondeur. En fouillant la terre, on se rĂ©glera sur un cordeau, Pour que les cĂŽtĂ©s de la tranchĂ©e soient droits, et en arrangeant par derriĂšre soi la terre, au fur et Ă  mesure quon la fouillera, jusqu’à ce qu’on soit parvenu Ă  la Profondeur ordonnĂ©e; on promĂšnera ensuite le cordeau, en le tenant bien droit, dans toute la profondeur de la fouille, et on fera ensorle que la largeur du fond soit la rĂ©pĂ©tition de celle d’en haut, par laquelle on aura commencĂ©. L’ouvrage mesurĂ© de celte maniĂšre va toujours en avant, comme un guĂ©ret que l’on laboure, et Ă  mesure que l’on fait marcher le cordeau, ECONOMIE RURALE 38 on lui fait comprendre autant d’espace de terrain que la fouille de la tranchĂ©e doit avoir de longueur et de largeur. VoilĂ  la maniĂšre la plus approuvĂ©e de prĂ©parer le terrain. CHAPITRE IX. DES DIFFÉRENTES MANIERES DE PLANTER LA VIGNE. Vient aprĂšs cela la plantation de la vigne, qu’il est temps de faire ou au printemps ou en automne; au printemps prĂ©fĂ©rablement, si le climat est pluvieux ou froid, si le terrain est gras, ou que ce soit une campagne plate et humide ; dans l’automne; au contraire, si le climat est sec ou chaud, si c’est une campagne de petite qualitĂ© et aride, ou une colline maigre ou escarpĂ©e. La plantation du printemps se fait pendant quarante jours Ă -peu-prĂšs, depuis le milieu de fĂ©vrier jusqu’à l’équinoxe; et celle d’automne, depuis le milieu d’octobre jusqu’au i er dĂ©cembre. Il y a deux façons de planter la vigne, toutes deux Ă©galement usitĂ©es par les cultivateurs; savoir par mailletons ou par plants enracinĂ©s. Les mailletons sont plus d’usage dans les provinces, parce qu’on ne s’y attache pas Ă  avoir des pĂ©piniĂšres, et qu'on n’y est pas dans l’usage de faire venir des marcottes; au lieu que la plupart des cultivateurs d’Italie ont dĂ©sapprouvĂ© avec raison cette mĂ©thode de planter par mailletons, parce que la marcotte a bien des avantages sur le mail- DE COLUMELLE. 3g letori; elle est moins sujette Ă  pĂ©rir que le mailleton, v 'u qu’elle a plus de force pour soutenir le froid, le chaud et les autres mauvais temps; de plus, elle croĂźt plus promptement, d’oĂč il rĂ©sulte qu elle est plus tĂŽt Ă©latde donner des fruits, et, d’ailleurs, on est plussĂčr d’un sujet transplantĂ©. On peut nĂ©anmoins planter trĂšs bien des maillelons dans des terres poudreuses et faciles, au lieu que des terres Ă©paisses et dures exigent a bsolument de la vigne toute faite. CHAPITRE X. DE LA PLANTATION DE LA VIGNE. On plante donc la vigne dans une terre labourĂ©e au pastinurn, prĂ©alablement nettoyĂ©e et aplanie, en laissant cinq pieds d’intervalle entre chaque rangĂ©e si le terrain est maigre et six s’il est mĂ©diocre; mais il en faut laisser sept dans uue terre grasse, afin que le bois de la vigne, qui sera infailliblement touffu et haut dans une pareille terre, trouve un espace suffisant oĂč il puisse s’étendre. Il sera aisĂ© de faire un plant de vigne en quinconce en procĂ©dant comme suit Il faudra coudre sur un cordeau des morceaux de pourpre ou de tout autre drap d’une couleur Ă©clatante, d’espaces en espaces mesurĂ©s chacun par un nombre de pieds Ă©gal Ă  la mesure d’intervalle d’entre les rangĂ©es, et lorsque ce cordeau sera ainsi marquĂ©, on le tendra Ă  travers le ter- 4o ÉCONOMIE RURALE rain labourĂ© au pastinum, et l’on fichera en terre des roseaux vis-Ă -vis chacun des endroits oĂč se rencontreront ces morceaux de pourpre, moyennant quoi on fera ses rangĂ©es Ă©galement espacĂ©es. Quand cela sera fait, celui qui doit faire les fosses se mettra Ă  l'ouvrage, et sautant alternativement un des espaces marquĂ©s sur la rangĂ©e, il fouillera depuis un roseau jusqu’à celui qui le suit, une fosse qui n'ait pas moins de deux pieds et demi de profondeur dans les terrains plats, de deux pieds neufs pouces dans ceux qui vont en pente, et mĂȘme de trois pieds dans ceux qui sont escarpĂ©s. Plusieurs agriculteurs, tout en approuvant mes autres prĂ©ceptes, ont critiquĂ© celui qui concerne la profondeur Ă  donner aux fosses destinĂ©es Ă  recevoir des plants de vignes, parce que j’ajoute neuf pouces Ă  la profondeur de deux pieds fixĂ©e par Celsus et par Atticus. La vĂ©ritable raison de fouiller plus profondĂ©ment, c est que les vignes destinĂ©es aux jougs s’élĂšvent davantage Ă  proportion de ce qu elles sont plantĂ©es dans des fosses plus profondes. En effet, les fosses de deux pieds de profondeur sont Ă  peine dans le cas d’ĂȘtre adoptĂ©es par les cultivateurs de provinces , parce que ceux-ci arrĂȘtent communĂ©ment leurs vignes trĂšs bas et prĂšs de terre, tandis que les vignes qui sont destinĂ©es au joug doivent ĂȘtre assurĂ©es sur des fondemens plus profonds et qu elles ont besoin d’autant plus de secours et de terre qu elles doivent monter plus haut. Ces fosses Ă©tant fouillĂ©es Ă  la profondeur que nous avons prescrite, on y dĂ©posera les marcottes, de façon qu elles soient couchĂ©es Ă  l’opposite l’une de l’autre depuis le milieu de la fosse, et relevĂ©es Ă  ses deux DE COEUMEELE. 4 e sera plus menacĂ© du froid , qui pourrait brĂ»ler la greffe ou la plaie occasionĂ©e par la fente du cep. Quant au choix des greffes, il n’y a pas d’autres soins a se donner que ceux que nous avons prescrits pour le choix des mailletons. Lors donc qu’on aura choisi sur une vigne de bonne qualitĂ© les mailletons les plus fĂ©conds et les plus mĂ»rs, et qu'on les en aura sĂ©parĂ©s, on prendra pour faire 1 opĂ©ration de la greffe, un jour oĂč le temps soit doux, et oĂč. il ne fasse pas de vent. Ensuite on examinera si la greffe est bien ronde et bien ferme, si la moelle H en est pas spongieuse, et si elle a beaucoup de bourgeons et des entre-nƓuds trĂšs courts. Car il importe que le sarment que l’oA veut insĂ©rer ne soit pas long et qu’il ait pourtant beaucoup d’yeux par lesquels il puisse germer. Il est Ă©vident que s’il a de longs entre-nƓuds, on se trouvera dans la nĂ©cessitĂ© de le tail- ECONOMIE RURALE 70 1er Ă  un bourgeon ou deux tout au plus, afin de le rĂ©duire Ă  une longueur telle qu'il puisse soutenir les orages, les vents et les pluies sans ĂȘtre Ă©branlĂ©. On greffe la vigne, ou en la coupant, ou en la perçant de part en part avec une tarriĂšre ; mais la premiĂšre façon est la plus usitĂ©e, et celle que presque tous les agriculteurs connaissent, au lieu que la seconde est plus rare, et que peu d’agriculteurs l’emploient. Je parlerai de celle qui est le plus en usage. On coupe communĂ©ment la vigne hors de terre ; quelquefois cependant on la coupe dans la terre mĂȘme, Ă  l’endroit oĂč elle se montre la plus solide et sans nƓuds. Lorsqu’on la greffe dans la terre, on enterre la greffe jusqu’à la cime, au lieu que lorsque la greffe est insĂ©rĂ©e au dessus de la terre, on enduit exactement la plaie avec un lut pĂ©tri exprĂšs, que l’on recouvre de mousse, le tout bien attachĂ©, afin qu elle puisse ĂȘtre garantie des chaleurs et des pluies. On taille la greffe Ă  peu prĂšs dans la forme d’une flĂ»te, de façon qu elle joigne bien ensemble les lĂšvres de la fente. 11 faut qu’il se trouve un nƓud dans le cep au dessous de cette fente, afin de l’empĂȘcher de s’étendre. La greffe ne doit pas ĂȘtre amincie sur une longueur de plus de trois doigts, on l’amincira, d’un cĂŽtĂ© jusqu’à la moelle, et du cĂŽtĂ© opposĂ© jusques un peu au delĂ  de l’écorce, et on lui donnera la figure d’un coin, ensorte que la partie infĂ©rieure soit affilĂ©e, l un des cĂŽtĂ©s trĂšs mince, et l’autre plus Ă©pais, afin qu’on puisse l’insĂ©rer par le cĂŽtĂ© le plus mince, et la serrer du cĂŽtĂ© le plus Ă©pais, en la faisant joindre les deux lĂšvres de la fente ; car Ă  moins que l’écorce de la greffe DE COLUMELXE. 71 ne soit appliquĂ©e Ă  celle de la vigne, de façon qu’il n y ait aucun jour entre elles deux, la greffe ne s’identifie jamais avec le cep. On peut se servir de plusieurs sortes de liens pour ta greffe dont nous parlons. Les uns se servent d’osier, d autres entourent la fente avec de l’écorce, la plus grande partie l’attachent avec du jonc, ce qui vaut ‱Eieux, parce que l’osier venant Ă  se sĂ©cher, il pĂ©nĂštre dans 1' Ă©corce et la coupe. Mais le soin le plus important qu’il y ait Ă  prendre, consiste Ă  dĂ©chausser la vigne avant l’opĂ©ration, Ă  en couper tant les racines qui sont Ă  la superficie de la terre que les rejetons, et Ă  recouvrir de terre le tronc a prĂšs l’opĂ©ration. DĂšs que la greffe aura pris, elle demandera de nouveaux soins car il faudra l’épamprer souvent lorsqu’elle commencera Ă  germer, et arracher souvent les t'ejetons qui sortiront de ses cĂŽtĂ©s et de ses racines; ensuite il faudra lier le pampre qui sera sorti de la greffe, de peur que la greffe elle-mĂȘme ne soit Ă©branlĂ©e par les secousses du vent, ou que ce pampre encore tendre ne soit abattu. Lorsqu’il aura pris de l’ac- croisseinent, il faudra le dĂ©pouiller de ses rejetons, Ă  moins qu’on ne les laisse croĂźtre pour propager la vigne, dans le cas oĂč la place serait dĂ©garnie de ceps. Ensuite, lorsque le bois aura bien mĂ»ri', on y appliquera la serpe en automne. Mais voici la mĂ©thode que l'on observera en taillant ta greffe dans les endroits oĂč l’on n’aura pas besoin de provins, on n’attirera qu’une tige au joug et l’on coupera toutes les autres, en observant de faire la plaie 72 ÉCONOMIE RURALE Ă  raz, du tronc, sans cependant Ă©corcher le dur du bois. Il n’y a pas d’autre façon d’cpainprer la vigne greffĂ©e, que celle que l’on suit Ă  l’égard des nouvelles marcottes ; mais il faut la tailler de façon Ă  lui laisser peu de bois jusqu’à la quatriĂšme annĂ©e, temps auquel la plaie du tronc sera cicatrisĂ©e. VoilĂ  comme on s’y prend pour la greffe en fente. Que vos vignes soient entiĂšrement greffĂ©es Ă  l’équinoxe du printemps ; greffez-les en raisin noir dans les lieux secs et arides, et en raisin blanc dans les lieux humides. Il n’y a pas de nĂ©cessitĂ© de provigner les greffes si le tronc est d’une mĂ©diocre grosseur, ensorte que la greffe en grossissant puisse recouvrir toute la plaie, et si d’ailleurs il n’y a pas de place dĂ©garnie et des ceps morts Ă  remplacer. CHAPITRE XXIII. DES APPUIS DE LA VIGNE. 11 faut Ă  prĂ©sent donner la façon de se pourvoir d’appuis, attendu que ce sont des espĂšces de dots que l’on doit toujours tenir prĂȘtes pour les vignes, et que dans le cas oĂč un agriculteur n’en serait pas pourvu, il n’aurait aucun motif de former des vignobles, parce que le prix qu’il mettrait Ă  les acheter augmenterait les dĂ©penses de ses vignes. C’est pourquoi, il faut commencer par avoir des plantations d’osiers et de roseaux et des forĂȘts ordinaires ou plantĂ©es exprĂšs en DE COEUMEELE. y.'l chĂątaigniers. Un jugerum d’osier suffit pour attacher 2 S jugera de vignes ; un jugerum de roseaux pour fournir de jougs 20 jugera ; un jugerum de chĂątaigniers pour fournir de pieux ces 20 jugera. Le chĂątaignier approche de la nature des chĂȘnes. C est pour cela qu’il est trĂšs bon pour fournir les vignes d’appuis. La chĂątaigne semĂ©e dans un terrain dĂ©foncĂ© lĂšve promptement, et si l’on en coupe les jets au bout de cinq ans, elle repousse comme le saule, et les pieux que l’on a faits durent jusqu’à la coupe suivante ; c’est-Ă -dire, jusqu’à la cinquiĂšme annĂ©e, temps auquel on peut couper de nouveau les chĂątaiguiers. Le chĂątaignier veut une terre douce et ameublie, sans nĂ©anmoins se dĂ©plaire dans un sable humide, ni dans un tuf pulvĂ©risĂ© il recherche les hauteurs ombragĂ©es et septentrionales, et craint les terrains compacts, ainsi que ceux qui sont pleins de terre rouge. On sĂšme les chĂątaigniers depuis le mois de novembre durant tout l’hiver, en terre sĂšche et labourĂ©e au pas- tinum, Ă  la profondeur de deux pieds et demi ; on les Ă©loigne l’un de l’autre d’un demi pied dans les rangĂ©es, et on laisse un intervalle de cinq pieds d’une rangĂ©e Ă  l’autre. On les enfonce dans des sillons creusĂ©s Ă  neuf pouces de profondeur, et lorsque ces sillons sont ensemencĂ©s, on y fiche, avant de les aplanir, un petit roseau Ă  cĂŽtĂ© de chaque chĂątaigne, afin qu’on puisse labourer et sarcler la terre sans endommager la plantation. Au bout de deux ans, les jeunes plantes sont en Ă©tat d'ĂȘtre transplantĂ©es. Alors on en arrache une partie en laissant deux pieds de distances entre celles qui 74 ÉCONOMIE RURALE restent. On les sĂšme plus Ă©pais, parce qu’il arrive quelquefois que le defaut de pluie fait sĂ©cher les semences, ou que la trop grande abondance d’eau les pourrit. Un terrain d'un jugerum contiendra deux mille huit cent quatre-vingts pieds de chĂątaigniers, qui donneront aisĂ©ment douze mille Ă©chalas. En effet, on fend ordinairement les grosses branches en quatre, et les petites en deux. Ces appuis, refendus, se conservent plus long-temps que les pieux ronds. Quant Ă  la culture qu'une plantation de chĂątaigniers exige, c’est la mĂȘme que celle de la vigne. On peut aussi semer le gland du chĂȘne de la mĂȘme façon, mais comme on coupe cet arbre deux ans plus tard que le chĂątaignier, le bon sens veut que l’on cherche Ă  gagner du temps, en semant prĂ©fĂ©rablement des chĂątaignes, Ă  moins que l'on n’ait en sa possession des terres qui demandent plutĂŽt du gland que de la chĂątaigne. CHAPITRE XXIV. DES VIGNES DE PROVINCE. J’ai traitĂ© jusqu’ici des vignobles d'Italie, je vais donner Ă  prĂ©sent la culture des vignes telle quelle est en usage chez les agriculteurs de province. I! y a plusieurs sortes de vignes en province ; mais de toutes celles que j’ai connues par moi mĂȘme, il n’y en a pas' que j’approuve plus que celles qui, sein- DE COLUMELLE. 75 blables Ă  de petits arbrisseaux, ont la tige courte et se tiennent toutes seules et sans appuis; et aprĂšs elles, celles que les cultivateurs appellent canteriatƓ, et qui sont soutenues sur des appuis, et attachĂ©es chacune Ă  des jougs sĂ©parĂ©s; au troisiĂšme rang viennent celles nui, Ă  l'aide de roseaux, sont disposĂ©es en cercles. Les vignes de la pire condition sont celles qui sont rem- pantes, et qui, Ă  la naissance du cep, s’étendent sur la ‱erre et y restent couchĂ©es. On les plante toutesĂ  peu prĂšs de la mĂȘme façon; c’est- Ă -dire, qu’on met le plant ou dans des fosses ou dans des tranchĂ©es car les agriculteurs des pays Ă©trangers ne sont point au fait de notre labour au pastinum, et d’ailleurs il est presque inutile dans les pays oĂč le sol est naturellement ameubli. Aussi la Campanie, quoique dans notre voisinage et par consĂ©quent Ă  portĂ©e de prendre exemple sur nous, n’est pas dans l’usage de donner cette façon Ă  la terre, mais lĂ  ou le terrain est plus compact, les cultivateurs delĂ  province remplacent par des tranchĂ©es notre labour au pastinum. Je vais reprendre, l’une aprĂšs l’autre, toutes les vignes que je viens de nommer. Celle qui se tient toute seule et sans appui, doit ĂȘtre mise dans une fosse si le terrain est lĂ©ger, et dans une tranchĂ©e s’il est compact. Dans les pays tempĂ©rĂ©s, il vaudra mieux faire ces fosses et ces tranchĂ©es dans l’annĂ©e qui prĂ©cĂ©dera la plantation des vignes. Cependant on s’assurera auparavant de la bontĂ© du terrain, parce que s’il est maigre et lĂ©ger, il faudra les faire au temps mĂȘme de la plantation des vignes. 76 ÉCONOMIE RURALE Quant aux intervalles entre les rangĂ©es, les agriculteurs leur donneront plus de largeur, s’ils doivent labourer leurs vignes Ă  la charrue, et moins s’ils doivent les labourer au hoyau, cependant jamais plus de dix pieds, ni moins de quatre. 11 y a nĂ©anmoins bien des personnes qui, en faisant leurs rangĂ©es, n*y laissent que deux ou tout au plus trois pieds de distance d’une plante Ă  l’autre, tandis qu’ils laissent au contraire un plus grand intervalle entre les rangĂ©es, afin de faciliter davantage le passage Ă  ceux qui labourent la vigne. Pour les soins qu’exige la plantation , ce sont absolument les mĂȘmes que ceux que j’ai prescrits ci-devant, Cependant Magon le carthaginois ajoute le prĂ©cepte de ne pas remplir entiĂšrement la fosse de terre, au moment qu’on y met le plant, mais d’en laisser Ă  peu prĂšs la moitiĂ© vide, de façon qu’elle ne soit comblĂ©e que par degrĂ©s durant les deux annĂ©es suivantes il imagine que c’est un moyen sĂ»r pour contraindre la vigne Ă  jeter ses racines par en bas. Je ne disconviendrai point qu'on ne puisse tirer quelque utilitĂ© de cette mĂ©thode dans les terrains secs, mais je ne crois pas qu’on doive la suivre dans les pays marĂ©cageux, non plus que dans ceux oĂč le ciel est pluvieux, parce que l’eau qui sĂ©journe en trop grande abondance dans ces fosses Ă  demi vides, tue le plant avant qu’il se soit fortifiĂ©. C’est pourquoi je crois qu’il vaut mieux combler les fosses aussitĂŽt qu’on y a dĂ©posĂ© le plant ; mais quand une fois il aura pris, il faudra, dĂšs aprĂšs l’équinoxe d’automne, le dĂ©chausser exactement et profondĂ©ment, et aprĂšs avoir coupĂ© les petites racines qu'il pourra avoir jetĂ©es prĂšs de la su DE COLUMELLE. 77 perficie du sol, remplir de nouveau la fosse au bout de quelques jours. C’est le moyen de parer aux in- eonvĂ©niens indiquĂ©s, parce que tout Ă  la fois on em- Peche que le plant ne jette ses racines; par en haut, et que les pluies immodĂ©rĂ©es ne l’endommagent pendant que ces racines sont encore faibles. Mais il n’y a point de doute que dĂšs qu’elles auront pris des forces, les eaux du ciel ne leur fassent beaucoup de bien. C’est aussi pourquoi il sera bon de laisser les vignes dĂ©couvertes et dĂ©chaussĂ©es pendant tout l’hiver, dans les pays oĂč la douceur de cette saison s’y prĂȘtera. Quant Ă  l'espĂšce de plants, les uns prĂ©fĂšrent planter des mailletons ; les autres du plant enracinĂ© j j’ai dĂ©jĂ  dĂ©clarĂ© ma façon de penser sur cet objet. J’ajouterai nĂ©anmoins ici, qu’il y a des terres dans lesquelles le plant, qui a Ă©tĂ© transplantĂ© d’un lieu Ă  un autre, ne rĂ©ussit pas aussi bien que celui qu’on n’a point ĂŻ'emuĂ© de sa place, quoique ce cas arrive trĂšs rarement. Il faut donc remarquer avec soin et examiner ce que chaque pays comporte, comme ce qu’il refuse. Lorsque la Vigne mailleton ou plant enracinĂ© sera plantĂ©e,011 la façonnera de maniĂšre qu’elle donne nn cep qui puisse se soutenir sans appuis. Or, c’est a quoi on ne pourra pas parvenir sur-le-champ. C’est pourquoi on attache la plante, en la mettant en terre, Ă  un roseau qui sert Ă  protĂ©ger et Ă  former pour ainsi dire son enfance, jusqu’à ce quelle soit parvenue Ă  la hauteur que veut lui donner l’agriculeur; hauteur qui ne doit pas ĂȘtre considĂ©rable, puisqu’il ne faut pas la laisser monter Ă  plus d’un pied et demi. Lors- qu'ensuile elle aura pris des forces, et qu’elle pourra 78 ÉCONOMIE RURALE se soutenir sans appui, elle recevra son accroissement ou dans sa tĂȘle ou dans ses bras. Car il y a deux façons de cultiver ces vignes ; les uns aiment mieux des ceps Ă  tĂȘte; les autres des ceps disposĂ©s en bras. Ceux qui prĂ©fĂšrent cette derniĂšre forme doivent distribuer le bois en quatre bras, chacun de la longueur d’un pied, de façon qu’il y en ait un qui soit tournĂ© vers chaque partie du monde. Cependant 011 ne laisse pas, dĂšs la premiĂšre annĂ©e, Ă  ces bras toute la longueur que nous venons de fixer, de peur que la vigne ne soit trop chargĂ©e pendant qu’elle est encore frĂȘle, on ne les y fait parvenir qu’à la suite de plusieurs tailles. Ensuite il faut laisser sortir des bras des espĂšces de cornes en saillies et Ă©tendre ainsi le cep entier en tous sens, en l’arrondissant. La mĂ©thode usitĂ©e pour tailler ces vignes, est la mĂȘme que celle que l’on suit en taillant les vignes qui sont attachĂ©es aux jougs. Pour former la vigne Ă  tĂȘte, on retranche les bras jusqu’au corps mĂȘme du tronc, et on ne laisse qu’un ou deux bourgeons adhĂ©rens au tronc. Ceux qui donnent cette forme Ă  leurs vignes les cultivent principalement Ă  la charrue, et ils leur ĂŽtent tous leurs bras, afin que les troncs n’ayant point de parties saillantes, ne risquent pas d’ĂȘtre endommagĂ©s par la charrue ou par les bƓufs. Quant aux vignes que l’on attache Ă  un seul joug, ainsi que celles dont on laisse croĂźtre le bois, pour l’attacher Ă  des roseaux qui lui servent d'appui en l’arrondissant en forme de cercle ; elles demandent Ă  peu prĂšs l’une et l’autre la mĂȘme culture que les vignes attachĂ©es au joug. DE COttTMELEE. 79 Enfin il nous reste Ă  parler de la culture des vignes couchĂ©es sur la terre. On ne doit entreprendre cette culture que dans les climats les plus sujets aux vents, parce qu’elle est d’un travail difficile, et que les vignes de celte espĂšce ne donnent jamais de vin de bon goĂ»t. Il n’y a pas beaucoup de diffĂ©rence, quant Ă  la *aille, entre les vignçs couchĂ©es Ă  terre et celles qui se bennent debout, si ce n’est quele bois qu’on laisse Ă  celles nui sont couchĂ©es sur la terre, doit ĂȘtre moins long 90e celui qu’on laisse aux autres. Ensuite il faut les e pamprer avec mesure, afin que, sans ĂȘtre surchargĂ©es de feuilles inutiles, elles puissent nĂ©anmoins couvrir et protĂ©ger leur fruit. THÉÂTRE D’AGRICULTURE D’OLIVIER DE SERRE. CHAPITRE I. QUALITÉS DU VIN PROFIT DE LA VIGNE. AprĂšs le pain, vient le vin, second aliment donnĂ© par le crĂ©ateur Ă  l’entretien de cette vie, et le premier cĂ©lĂ©brĂ© par son excellence. Bu en grande quantitĂ©, il endort et tue l’ivrogne, et au contraire, il aiguise l’esprit, pris selon son lĂ©gitime usage. Au dire d’Ana- charsis, la vigne produit trois grappes, la premiĂšre de plaisir, la seconde d’ivresse, la troisiĂšme de tristesse et de pleurs. L’abondance des bons vins que la vigne produit], la rend trĂšs recommandable. Outre ce rapport, elle donne du vin de dĂ©pense pour le mĂ©nage, qu’on fait théùtre d’agriculture d’olivier de SERRE. 8l a vec de l’eau jetĂ©e sur le marc des raisins des sarmens pour brĂ»ler en la taillant ; et dans certains endroits, des chevelues et des marcottes, dont on lire de l'argent par chaque annĂ©e. Ces choses servent, en dĂ©chargeant les façons de la vigne, Ă  lui faire rendre plus nettement son revenu. PI ine, Ă  la louange de la vigne, fait un grand rĂŽle des hommes qui, le temps passĂ©, l’ont heureusement cultivĂ©e; le rĂ©cit qu’il fait de sa fertilitĂ© Ă©tant admirable , de mĂȘme que c’est une chose Ă©trange ce que Columelle Ă©crit des vignes de Caton, de Varro, de SĂ©nĂšque et autres de son temps. C’est vĂ©ritablement une chose assurĂ©e, qu’une bonne vigne rend grand Profit Ă  son maĂźtre quand elle est placĂ©e en bon lieu, PeuplĂ©e de bonne espĂšce de raisins, artistement et diligemment cultivĂ©e, et il n'y a point d’autre chose qui ait tant fait dĂ©crier la vigne, comme on le voit en divers lieux, que la paresse grossiĂšre par laquelle elle a Ă©tĂ© plutĂŽt rejettĂ©e qu’on n’en a voulu connaĂźtre les causes ; l’ignorance de beaucoup de gens leur fait aussi craindre cette sorte de labourage, en y Ă©conomisant par avarice ce qui fait plus honorer et Priser la vigne. Ici n’est pas l’application de l’humeur de Caton qui n’estimait ni les hommes ni les terres de grande dĂ©pense quoique de grand rapport, car c’est folie de penser que la vigne rapporte beaucoup, si au PrĂ©alable on n’y emploie le travail nĂ©cessaire, qui ne peut se faire sans frais, d’autant plus grands, que plus on dĂ©sire avoir des raisins en grande quantitĂ©. En un mot, c’est autant qu’on veut que la vigne porte. 6 82 THÉÂTRE D’AGRICULTURE CHAPITRE H. ELECTION DU LIEU ET DU PLANT DE LA VIGNE. L'air, la terre et le plant sont le fondement du vignoble. Le climat et le terroir donnent le goĂ»t et la force au vin ; oĂč le ciel et la terre favorisent entiĂšrement le vignoble, lĂ  indiffĂ©remment toutes sortes de raisins produisent de bon vin, toutefois meilleur, que mieux la race en est choisie. Au contraire nul raisin , quoique bon de lui-mĂȘme, ne rend qu’un pauvre et faible vin en pays forcĂ© et qui n’est pas du tout propice Ă  la vigne. RĂ©former l’air pour l’approprier Ă  la vigne, n’est pas l’ouvrage d'homme. C’est pourquoi oĂč les froidures rĂ©gnent trop long-temps et trop violemment, il ne faut pas s'attacher Ă  planter la vigne , qui ne pourrait y venir; ou si elle y poussait, elle ne produirait aucun fruit, et encore qu’elle leproduisit, il ne pourrait parvenir en maturitĂ©. Il en est de mĂȘme des chaleurs ardentes, sous lesquelles, ni le bois delĂ  vigne ne peut ĂȘtre de longue durĂ©e, se dessĂ©chant trop, ni les raisins y fructifier, s’y brĂ»lant pendant les jours caniculaires. Ne pouvant atteindre le vrai milieu, comme en toute action humaine, presque jamais cela n’arrive que par rencontre, le meilleur sera de planter la vigne, plutĂŽt en pays chaud que froid, Ă  cause que d’OEIVIER DE SERRE. 83 le naturel des raisins est d’aimer mieux la chaleur que la froi dure. Si votre climat souffrant l’accroĂźt de la vigne est plus froid que chaud, plantez Ă  l’aspect du m idi ; s’il est plus chaud que froid , Ă  celui du septentrion. S’il est tempĂ©rĂ©, sans autre observation que v otre commoditĂ©, vous logerez votre vigne au levant au couchant, prĂ©fĂ©rant le levant Ă  tout autre aspect. Quant Ă  la terre, la vigne la dĂ©sire vigoureuse et de bon ne volontĂ©, lĂ©gĂšre, ni lĂąche, ni pesante, plus sablonneuse qu’argilleuse, plus menue et subtile, que grosse et Ă©paisse ; plus maigre que grasse, plus sĂšche qu’humide, mĂȘlĂ©e plutĂŽt de petites pierres et gravois, que de n’en avoir aucuns, ou d’ĂȘtre importunĂ©e de rochers ; vuide de tous arbres, plutĂŽt que d’avoir quelqu’ombrage, si petit qu’il soit ; venant de pĂąturages ou terres novales et en friche , plutĂŽt que de labourages ; et de labourages, plutĂŽt que de vieilles vignes, le lieu pour mettre la vigne se choisissant ainsi par degrĂ©s. A la qualitĂ© de la terre il convient de joindre la situation ; le coteau l'emporte sur la plaine et la montagne, celte assiette est mise au premier rang. Par cette cause on rejettera pour la vigne le fond des vallĂ©es et le sommet des montagnes, Ă  quoi on ajoutera la considĂ©ration de la maison , dont la vigne veut cire fort prĂšs, pour le profit et l’agrĂ©ment. 11 y a du remĂšde au dĂ©faut de la terre ; mais ce n est qu’avec de la dĂ©pense qu’on l’amendera. Les fumiers, le sablon et les cendres engraisseront la terre trop maigre, amaigriront la trop grasse, allĂ©geront 84 THEATRE DAGRICÜLTURE et rendront menue la trop pesante et grosse. Si la terre Ă  vigne est aquatique, l’eau en sera Ă©puisĂ©e par des tranchĂ©es ouvertes ou fermĂ©es avec des pierres dedans, et si la pente est trop roide, elle sera adoucie par des murailles traversantes. On ne peut corriger le vice du vallon, quand il est par trop enfoncĂ©. Quant au lieu trop pierreux, le seul moyen est d’en ĂŽter le superflu, en le transportant dehors, ou en l’enfouissant sur la place mĂȘme. Le fonds Ă©tant chargĂ© d’arbres ou occupĂ© de vieux ceps de vigne, en sera dĂ©barrassĂ© en ĂŽtant soigneusement ces choses pour l'utilitĂ© de la vigne, qui se plaĂźt d’ĂȘtre seule, et au contraire se fĂąche jusqu’à mourrir, du voisinage d’un autre que de son espĂšce. Toutes ces choses peuvent se faire avec de l’argent, Dieu ayant donnĂ© Ă  l’homme la libertĂ© de cultiver la terre Ă  son plaisir. Si nous sommes contraints de planter la vigne dans un endroit ne produisant de lui-mĂȘme qu’un vin petit, nous y mettrons les espĂšces de raisins qui rapportent abondamment, afin de rĂ©compenser par la quantitĂ©, ce qui pourrait y manquer sur la qualitĂ©. Le lieu Ă©tant plus froid et plus plat que nous ne dĂ©sirerions, nous y placerons les sortes de raisins qui ont peu de moelle, et qui, Ă  cause de leur naturel, rĂ©sistent mieux que nulle autre aux bruines et frimais , et aussi celles qui ont les grains rares, clairs, durs, et faciles Ă  mĂ»rir promptement ; ainsi compensant ces choses, la vigne se rendra de passable revenu. Le contraire nĂ©anmoins ne doit pas ĂȘtre observĂ© dans l’assiette opposĂ©e Ă  la susdite; car dans les lieux chauds , secs, sablonneux et Ă©levĂ©s, les raisins faciles DOEIVJER DF. SERRE. 85 mĂ»rir fructifient toujours mieux que les difficiles ; mais aussi la qualitĂ© de celte assiette avançant d’elle- mĂȘme la maturitĂ© des raisins tardifs, fait que les meilleurs pour ces endroits, sont ceux qui tiennent l’entre' deux de celte qualitĂ©; et en outre, dont les grappes °nt les grains tout contre l'un de l’autre, subtils et dĂ©licats, et qui perdant vite leur fleur, ne craignent Pas trop les brouĂ©es, gelĂ©es, ni les fortes chaleurs , et se pourrissent pas non plus, ni ne flĂ©trissent pas extraordinairement par les pluies et les sĂ©cheresses. L’article du plant est tout Ă  la disposition du mĂ©nager, pouvant le choisir tel qu’il le dĂ©sire ; c’est pourquoi ce sera preuve de son ignorance, et Ă  sa honteuse perte, s’il fournit son vignoble de plant de raisins infertiles, ou de peu de valeur; mais moyennant un hon choix de plant, ayant l’air et la terre propres, il fendra sa vigne excellente pour produire abondance * de vins prĂ©cieux. Ce point consiste tout dans l’expĂ©- fience, science sĂ»re pour cette culture. Lavis de Co- lumelle, qu’il tire de Caton et de Celsus est, de ne planter aucune sorte de vigne , que le bruit commun n’autorise pas comme de ne pas garder long-temps le plant, s’il n’est pas trouvĂ© bon par expĂ©rience. Suivant ce conseil salutaire, nous nous rĂ©soudrons Ă  fournir nos vignes des espĂšces de raisins qui, chez nous ou prĂšs, rapportent une grande abondance de bons vins et de longue garde. Ce n’est pas toutefois un commandement si strict qu’il ne soit raisonnable, les bonnes races manquant prĂšs de nous, d’en aller prendre au loin; car, ce serait toujours en venir Ă  n’avoir pas d’autre vin que d’ordinaire, chose Ă  quoi 86 THEATRE I’aGRICULTJRE les gens d’esprit ne s’arrĂȘtent pas, mais ils lĂąchent non seulement de corriger les dĂ©fauts qui peuvent ĂȘtre dans leur mĂ©nage, mais encore Ă  exceller par dessus le bon et le beau qui y est, surtout en matiĂšre de vins, oĂč. chacun dĂ©sire den’ĂȘlre second Ă  aucun , par la gloire d’avoir chez soi le meilleur vin de la contrĂ©e. A cela nĂ©anmoins, il convient d'aller fort retenu. Le moyen de ne pas glisser en ce pas, n’est pas impossible, ni trop difficile, pourvu que vous vous y employiez vous-mĂȘme, sans croire que beaucoup de gens puissent vous y satisfaire. Sans vous arrĂȘter donc aux discours et promesses d’autrui, en voyageant prĂšs et loin de votre maison en temps de vendanges, vous contemplerez soigneusement les espĂšces de raisins que vous y verrez, pour vous instruire, afin d en tirer dans la saison des races, s’il y en a qui vous plaisent, n’oubliant pas alors de prendre des renseignements aux gens du pays, de l’ordre qu’ils tiennent pour planter et gouverner leurs vignes, et pour faire et conserver leurs vins, afin que comparant ces choses aux vĂŽtres, vous puissiez en espĂ©rer plus d’utilitĂ©, que les qualitĂ©s s’en trouveront moins discordantes. Toutes sortes de plantes ont ceci de commun avec les semences, qui est de dĂ©sirer la mutation de bon en meilleur terrain. Toutefois on ne s’arrĂȘte pas entiĂšrement Ă  cette maxime en fait de vignes, parce que dĂ©sirant en avoir d’excellentes, il faut de nĂ©cessitĂ© s’en pourvoir aux lieux oĂč on les trouve, qui communĂ©ment sont mĂ©ridionnaux Ă  notre aspect, et plus chauds et plus fertiles pour la vigne que les nĂŽtres. Dans ce cas, nous surmonterons ces difficultĂ©s, en les BOUVIER UE SERRE. 87 Plaça nt si bien chez nous dans une terre soigneusement prĂ©parĂ©e, qu elles se ressentent du changement , le moins qu’il nous sera possible. On doit remarquer qu’il ne faut pas se fournir de rrocetles de vignes arbustives pour en faire des basses , m de basses pour les arbustives. Que la fertilitĂ© des raisins en annĂ©e abondante ne v ous trompe pas;caren riche saison de vendange,'tontes sortesdevignes, jusqu’aux moins prisĂ©es, fructifient largement. Envoyant un ou deux raisins Ă  un sarment, ne 1 estimez pourtant pas de meilleure race; mais faites plutĂŽt cas des espĂšces qui, en temps presque stĂ©rile , produisent Ă  foison , et de celles dont chaque sarment jette trois ou quatre raisins ou davantage. Prenez garde aussi d’ĂȘtre trompĂ© aux noms des raisins , Ă  la recherche desquels gĂźt plus de curiositĂ© que d’avantage. La rĂ©volution des siĂšcles et la distance des lieux les ont tellement diversifiĂ©s, qu’à peine s’entend- on aujourd’hui d’un terroir Ă  un autre; je ne dirai pas de province Ă  province; car ici l’on nomme telle sorte de raisin qui est blanche et hĂątive , qui lĂ  sĂ© trouve noire et tardive. Le seul raisin muscat est Ă  ce nom reconnu par toutes les nations. Par cette confusion de noms, il n’est pas possible d’assigner Ă  chaque espĂšce de raisins sa place et son gouvernement particulier, quoique cela fĂ»t Ă  dĂ©sirer pour l’avantage de la vigne. Or, n’importent les noms qu’ayenl nos vignes, pourvu qu’elles soient de la bontĂ© requise. Et afin qu elles rĂ©pondent Ă  notre intention, d est nĂ©cessaire, dans la recherche du plant, que le pĂšre de famille ait celle grande connaissance, qui con- 88 THÉÂTRE D’AGRICULTURE siste dans son Ɠil et son jugement, ou ce serait qu il fĂ»t pourvu de quelque vigneron entendu, dont le savoir et la fidĂ©litĂ© ne lui fussent pas suspects, qu’il payera largement, et non pas au prix de ceux qui communĂ©ment cultivent la terre. Nous insistons beaucoup avec raison sur cet article, parce que le mauvais plant coĂ»te autant Ă  Ă©lever et Ă  entretenir que le bon ; et que la terre n’est pas plus occupĂ©e Ă  la nourriture de l’un que de l'autre. C’est une chose qu’on ne refait pas tous les ans que la vigne ; on doit donc prendre garde soigneusement Ă  ne pas se tromper en la plantant, puisqu’il y a tant de difficultĂ© Ă  en corriger les dĂ©fauts. Par raison et par expĂ©rience, on ne doit pas retenir pour bons d’autres chapons , maillots, mailletons, crocettes diffĂ©remment appelĂ©s selon les contrĂ©es, et ainsi dits par la ressemblance qu’ils ont avec les crosses et maillets, Ă  cause du vieux bois qu’on leur laisse au bout, que ceux qu’on tire d’un cep fertile, et encore de sa partie la plus assurĂ©e en fĂ©conditĂ©, en quoi il y a du choix, d’autant que tout ce qui vient d’un bon cep, n’est cependant pas bon Ă  fructifier, mais seulement ce qu’il jette sur le bois tendre de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, qu’on appelle tĂȘte de rapport, ou pourtoir, parce qu’il apporte le fruit ; mais non des rejetons sortants du bois dur du cep en bas, qui sont de faux bourgeons, ni aussi des parties plus Ă©levĂ©es, mais seulement ce qui naĂźt au milieu du cep ; l’ignorance de ne pas savoir bien choisir les crocettes ou maillots, est la cause premiĂšre que nos vignes sont peu fertiles. Les tronçons des raisins restants sur les sarmens font d'olivier de serre 8g preuve de la fertilitĂ© requise des crocettes, sur quoi il sera facile de prendre avis. Aussi est-ce un tĂ©moignage de fertilitĂ©, quand elles ont les nƓuds tout contre l’un de l’autre ; Ă©tant toujours peu fructifiantes les vignes dont les sarmens sont nouĂ©s au large. Il faut aussi se donner de garde, comme d’un passage dangereux, de cueillir des maillots d une vigne ayant souffert par la tempĂȘte l’étĂ© prĂ©cĂ©dent, attendu que le bois de rejet Ă©tant contraint de naĂźtre aprĂšs la ‱empĂȘle, ne peut devenir bien qualifiĂ© par trop de jeunesse; et contre l’opinion de ceux qui disent que les vins extraordinaires procĂšdent des raisins qui ne sont Pas bons Ă  manger prĂ©fĂ©rez Ă  toute autre race, ceux de meilleur goĂ»t, et vous ne pourrez manquer d’en tirer satisfaction. CHAPITRE III. DISPOSITION DE LA VIGNE. C’est une chose trĂšs hasardeuse de peupler la vigne d’une seule espĂšce de raisins, quoique des meilleures et plus assurĂ©es en bontĂ©, d’autant qu’on serait en danger de n’avoir aucune vendange, si ce temps Ă©tait contraire Ă  cette seule espĂšce de fruit. Celle qui aime le chaud se perd par le froid ; celle qui se plait Ă  l’humiditĂ©, se brĂ»le en la sĂ©cheresse. Pour avoir la vigne dans l’état qu’avec raison on JO THÉÂTRE I> AGRICULTURE peut la dĂ©sirer, il faudra la fournir de cinq Ă  six espĂšces de raisins, des plus parfaits en bontĂ© que vous pourrez choisir, afin que le naturel de quelques unes, par la rencontre des saisons Ă  elles propres, rendront, chaque annĂ©e une quantitĂ© raisonnable de vendange. Ces espĂšces seront sĂ©parĂ©ment plantĂ©es et distinguĂ©e» par de longs quarreaux , afin que plus facilement elles soient gouvernĂ©es, mĂȘme au tailler oĂč le dommage est trĂšs grand, vu que l’une demande Ă  ĂȘtre coupĂ©e promptement, l’autre tard; celle-ci court, celle-lĂ  long, chose difficile Ă  faire quand la vigne est confusĂ©ment plantĂ©e par l’ignorance des vignerons, qui, sans voir la feuille des vignes , n’en peuvent bien discerner les espĂšces. On doit remarquer pour le raisin muscat , qu'en pays plus chaud que froid, la vigne veut ĂȘtre plantĂ©e au nord. On le pratique ainsi aujourd'hui vers Fron- tignan, lieu cĂ©lĂ©brĂ© pour les bons muscats, et touchant la taille, particuliĂšrement le muscat sera taillĂ© long, par les raisons ci-aprĂšs reprĂ©sentĂ©es. La plus importante utilitĂ© de la distinction susdite, est que la vigne Ă©tant ainsi disposĂ©e, on ne sera pas contraint d’en cueillir le fruit verd avec le mĂ»r, ni en danger de perdre la vendange hĂątive , en attendant la maturitĂ© de la tardive ; mais on vendangera les raisins en leur droit point, par journĂ©es sĂ©parĂ©es, selon leurs espĂšces, plaçant ainsi sĂ©parĂ©ment les vins dans les caves, pour aprĂšs les mĂ©langer en moĂ»t ou autrement, afin de leur donner le goĂ»t et la couleur que l’on voudra; alors les vinsse rendront nobles, de bon goĂ»t, de couleur agrĂ©able et de longue garde. d’olivier de serre. 91 Les raisins noirs, par leur duretĂ©, sont eslimĂ©s ma les, les blancs, par leur dĂ©licatesse, femelles. C’est Pourquoi, les trois quarts de la vigne seront plantes des premiers, et le quart restant des derniers. Par ce moyen, la couleur noire surabondant, la conservation des vins en sera plus assurĂ©e que si c’était la blanche, et la dĂ©licatesse des raisins blancs leur donnera ce PrĂ©cieux goĂ»t que chacun dĂ©sire. Vous n’aurez pas moins de plaisir que de revenu Profitable de votre vignoble, ainsi disposĂ©, on se promĂšnera aisĂ©ment par toute la vigne, dans les allĂ©es fuites Ă  l’entre-deux des espĂšces de raisins, ce qui vous excitera Ă  la visiter souvent, et ensuite Ă  lui fournir les choses nĂ©cessaires pour l'augmentation de son revenu ; d’autant plus qu’on se soucie peu de ce que l'on ne voit point. L’on s’abstiendra de planter dans la vigne aucun arbre, afin que sans embarras elle jouisse de la lumiĂšre et de la chaleur du soleil. Cet axiome se trouve suffisamment vĂ©rifiĂ©, que L'ombre du maĂźtre Fait la vigne croĂźtre ; tout autre lui Ă©tant pernicieuse et prĂ©judiciable. Que la vigne soit aussi Ă©loignĂ©e du voisinage des racines de toute autre plante, et que toute la substance de la terre soit donnĂ©e aux siennes seules, Ă©tant bien assurĂ© fiue toujours la vigne souffre par l’approche de tout arbre, quel qu’il soit. On voit de grandes variĂ©tĂ©s dans la maniĂšre de gouverner la vigne, oĂč , depuis le plant, jusqu’à la façon des vins, leur garde et dĂ©bit, il n’y a que contrariĂ©- 92 THÉÂTRE AGRICULTURE tĂ©s d'avis; ne se trouvant point dans aucun endroit trois hommes qui s’accordent ensemble sur cette culture, si ce n’est dans le dĂ©sir commun que chacun a d’avoir en toutes saisons abondance de bons vins ; ce qui me gardera d’en vouloir particulariser toutes les façons, ce qui est une chose impossible et non nĂ©cessaire, mais qui me fera arrĂȘter Ă  ce que j’estime ĂȘtre le plus urgent pour avoir promptement un profitable vignoble. Les anciens ont divisĂ© leurs vignes en cinq sortes savoir, l’une traĂźnante et rampante Ă  terre sans aucune Ă©lĂ©vation; une autre soutenue d’elle-mĂȘme sur sa tige et son pied, un peu rehaussĂ©e, sans autre appui que son propre bois ;. une autre Ă©levĂ©e et soutenue par des paisseaux ou Ă©chalats; une autre en treillage, hautement ; et la cinquiĂšme, jetĂ©e sur les arbres, s’aggraf- fant aux branches. La rĂ©volution des temps a ĂŽtĂ© de ce nombre la premiĂšre, celte vigne rampante n’étant pas aujourd’hui en usage; les autres quatre restant, que nous mettrons en trois ordres, savoir, en basse, moyenne et haute. Nous donnerons le nom de basse, Ă  celle qui , sans aide, se porte elle-mĂȘme sur son bois; de moyenne Ă  l’échalassĂ©e et de peu de perchĂ©es, comme celles Ă  lignolot; et de haute, aux ar- buslives ou branchĂ©es et autres, Ă©levĂ©es hautement en treillages. La plus prisĂ©e de toutes les vignes est la basse, mĂȘme selon le jugeaient de Columelle ; aussi c’est dans les endroits oĂč les vins les plus exquis croissent, que la seule vigne basse est en rĂ©putation. Comme au contraire, l’arbustive ne produit le vin que petit, faible et verd. Le Languedoc, la Provence, DOEIVIER DE SERRE. g3 Gascogne, une partie du DauphinĂ©, de la Guienne, de l’Anjou, n’ont presque que des vignes basses Ă  cause de la chaleur de leurs situations. L'Ile-de- France, la Brie, la Champagne, la Bourgogne, le Bourbonnais, le Berri et autres provinces, n’ont que des Ă©chalassĂ©es et perchĂ©es, tant Ă  cause de la nature de leur ciel, que pour continuer leurs coutumes. Dans le haut DauphinĂ©, prĂšs de Grenoble et en Savoie, la plus grande partie est arbustive et haute, grimpant extrĂȘmement haut sur les arbres, oĂč l’on est contraint de les loger Ă  cause des froidures des montagnes voisines. En PiĂ©mont et dans plusieurs endroits de l’Italie, les vignes fructifient abondamment sur les arbres, ce qui cependant n’est pas par la contrainte du ciel, qui lĂ  est assez chaud pour les meilleures vignes, mais par une coutume invĂ©tĂ©rĂ©e, tirĂ©e de l’antiquitĂ©. Les anciens avaient soin de gouverner les vins suivant la propriĂ©tĂ© des climats, Ă  laquelle ils s’étaient entiĂšrement pliĂ©s. D’aprĂšs cet ordre, nous disposerons notre vignoble; c’est-Ă -dire que, sans rien altĂ©rer des coutumes, suivant le pays oĂč nous serons, nous continuerons Ă  planter nos vignes basses, moyennes ou hautes, Ă  cause du danger oĂč nous nous exposerions d’encourir quelque perte par le changement, vu que trop de curiositĂ© est toujours suspect, et nous tĂącherons de les rendre parfaites en bontĂ© par une culture industrieuse et diligente, autant que notre air et notre ‱erre le permettront ; mais comme nous nous dispensons sur la matiĂšre, en cherchant au loin les bonnes races de raisins quand il n’y en a pas prĂšs de nous, nous nous licencierons de mĂȘme sur la forme, en 94 THÉÂTRE Ă»'AGRICULTURE empruntant, non seulement des pays voisins, mais encore des Ă©loignĂ©s, quelques façons nouvelles pour nous d’élever et cultiver la vigne, si nous y trouvons de l’avantage, cependant, sans beaucoup hasarder. Si dans votre pays le vin croĂźt bon, de bonne garde, et s’y vend raisonnablement, il ne faut pas craindre d’excĂ©der en grandeur de vignoble ; mais si au contraire votre terroir ne produit que du petit vin, facile Ă  se corrompre, ou si vous n’ĂȘtes pas en pays pour le vendre, que feriez-vous d’un grand vignoble ? C’est pourquoi contentez-vous alors d’élever des vignes seulement pour votre grande provision. Ce sera donc la rĂšgle de notre vignoble que 1 & dĂ©bit, comme l’article de revenu. Au dĂ©bit, nous ajouterons que la vigne sera plus fructueuse, quelle sera plus primĂ©raine, par le hasard qu'il y a Ă  la longue garde du vin; outre que l’argent venant toujours de bonne heure, il est plus prisĂ© que celui qui se fait long-temps attendre. Les vins muscats ont cela de particulier, qu’ils peuvent ĂȘtre en vente presqu’aussitĂŽt qu’on les a exprimĂ©s des raisins. 11 y a, dans diffĂ©rens endroits de ce royaume, plusieurs autres vins hĂątifs, blancs et clairets , oĂč il faudra premiĂšrement viser pour s’en fournir, et ensuite des autres qui, par leur facile garde, se maintiennent long-temps en bontĂ©, sans altĂ©ration. 'olivier de serre. 9 ^ CHAPITRE IV. nu TEMPS ET DE ORDRE POUR PLANTER A VIGNE , ET DE SON ENTRETIEN , SELON LA DIFFÉRENCE DE SES ESPÈCES. Les anciens el les modernes sont tous d’accord, que dans les pays chauds et secs, le meilleur temps pour planter la vigne, est le plus tĂŽt qu’on peut aprĂšs les vendanges, la feuille Ă©tant tombĂ©e des sarmens, comme depuis le commencement d’octobre jusqu’à la mi-no- vembre; dans les pays froids et humides, le plus lard qu’il sera possible, qui est depuis la fin de fĂ©vrier Jusqu’au commencement de mai ; dans les tempĂ©rĂ©s , en l'une et l'autre saison, mĂȘme entre les deux, les injures du temps ne la gĂȘnant pas. Celte mĂȘme considĂ©ration a lieu pour les plants; car les raisins dont les sarmens ont la moelle petite, peuvent ĂȘtre plantĂ©s en tout temps; mais ceux qui l’ont grande, ne peuvent l’ĂȘtre que dans la primevĂšre, par la crainte de les Perdre, le froid pĂ©nĂ©trant facilement dedans. On plante diffĂ©remment, non pas tant Ă  cause des diverses sortes de vignes, que par les humeurs variĂ©es des hommes qui sont moins d’accord sur la maniĂšre de gouverner la vigne, que sur tout autre objet de la mĂ©nagerie. Les vignes basses et Ă©chalassĂ©es pourraient ĂȘtre avantageusement plantĂ©es d’une façon, par la sympathie de leurs qualitĂ©s, ne s’éloignant pas beau- 96 THEATRE D’AGRICULTURE coup davantage de terre l’une que l’autre. Cependant la maniĂšre de les planter et de les entretenir est diffĂ©rente, plus par coutume que par nĂ©cessitĂ©. En beaucoup d’endroits, on plante la vigne basse, Ă  mesure qu’on en rompt la terre; dans d’autres, on attend pour y mettre la crocette ou la chevelue, qu’on ait entiĂšrement rompu le fond. L’échalassĂ©e se plante dans la plupart de ces endroits, long-temps aprĂšs en avoir creusĂ© les fossĂ©s, ce qui donne le loisir au fond de se cuire pour bien recevoir la vigne ; cependant la terre sĂ©journant sur le terrain entre deux , ne peut par celte cause se rompre entiĂšrement, ce qui se retarde jusqu’à ce que quelques annĂ©es aprĂšs on la provigne universellement, selon sa façon particuliĂšre. Pour particulariser les façons de planter le vignoble, nous commencerons par la vigne basse, l’honneur de marcher la premiĂšre lui appartenant, puisque, par un jugement universel, les meilleurs vins sortent d’elle. On la plante communĂ©ment de deux maniĂšres ; par crocettes ou maillots, et par chevelues ou sautelles, au fossĂ© ouvert ou Ă  la taravelle, appelĂ©e par quelques- uns, la Fiche, et en Anjou le Godeau. C'est par crocettes ou maillots qu’on plante la vigne basse, le plan enracinĂ© manquant et au fossĂ© ou rayon ouvert, quand le pays ne souffre pas la taravelle ; car les chevelues ou sautelles, dites aussi marcottes, profitent plus que les maillots ou crocettes, par l’avantage des racines qu elles ont, Ă©tant employĂ©es. La vigne aussi se dresse plus commodĂ©ment et plus utilement par la taravelle, que par le fossĂ© ou rayon ouvert, moyennant que la terre de la vigne ait Ă©tĂ© rompue univer- d’olivier de serre. g7 sellennent, comme il sera montrĂ© ; c’est pourquoi 1 usage de la taravelle a Ă©tĂ© dĂ©criĂ©, quand par avarice, sans rien remuer, on se contente de fourrer la cro— Ce Ue dans le trou fait avec l'instrument de la taravelle, Cn ferre ferme, qui par sa duretĂ©, refuse de recevoir les racines du nouveau plant. Ainsi, si vous ne trouvez a ucune sujĂ©tion au dressement de votre vigne, choisissez pour plant les chevelues, et dans leur emploi, s ervez-vous de la taravelle; alors votre vigne se disposera profitablement et agrĂ©ablement, paraissant alignĂ©e sur tous sens et d’une belle vue. Mais il se prĂ©sente une petite difficultĂ© en cet endroit. Les racines des sautelles ne pouvant entrer dans le trou que fait la taravelle, l'on est Ă  celle occasion contraint de les couper, en les fourrant dans terre. Si elles sont chevelues d’un ou deux ans, n'importe, vous nierez seulement les plus longues et les plus hautes; et vous laisserez les courtes et basses; ainsi vous les emploierez sans crainte que de nouvelles racines ne ressortent bientĂŽt Ă  suffisance de la souchette de la tutelle, au lieu de celles que vous aurez coupĂ©es. Les plus vieilles Ă©tant chevelues, comme de trois Ă  quatre a ns, le meilleur sera de les planter avec toutes leurs racines, sans rien leur rogner; dans ce cas, on sera forcĂ© de les planter Ă  fossĂ© ouvert ; et de loger les racines au long du rayon, Ă  mesure qu’on le creusera. Ce serait un grand avancement d’ouvrage, que de frouver des sautelles ou chevelues dĂ©jĂ  faites des especes quĂ© vous dĂ©sirez; mais le pĂ©ril serait trop grand, d avoir des vignes de valeur, en s’exposant Ă  l'ignorance et Ă  l’avarice des revendeurs. C’est pourquoi 7 98 THÉÂTRE D’AGRICULTURE n'espĂ©rez rien de bon de ce cĂŽtĂ© lĂ , mais tout de vos soins, comme du seul moyen de vous fournir de bonnes races de raisins. Etant donc assure des endroits dont vous dĂ©sirez vous pourvoir decrocettes, maillots ou chapons, vous les ferez cueillir dans la partie du cep, et au temps remarquĂ© ci-devant; en y laissant du vieux bois, environ deux doigts, qui est celui de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente et en les tenant de la longueur du rameau ou sarment, sans en rien rogner, ayant soin de les couper de la mesure nĂ©cessaire quand vous les emploierez. Dans le dĂ©cours de la lune, en beau jour, non pluvieux, ni neigeux, brumeux, trop froid, ou venteux, vous cueillerez les crocetlcs pour ĂȘlreplantĂ©es aussitĂŽt ou quelques jours aprĂšs, ou bien mises barber ou chcvelcr pour en faire des sautelles. S’il arrive que vous tiriez vos maillots dans votre voisinage, ou que ce ne soit pas beaucoup Ă©loignĂ©, sans autre mystĂšre, vous les ferez porter liĂ©s en faisceaux , en beau temps, si vous le pouvez choisir; mais si le temps est venteux, vous les envelopperez dans des linges, pour empĂȘcher qu’ils ne se dessĂšchent ; car par ce moyen , ils se conserveront trois ou quatre jours. Il faudra employer plus de façon pour leur conservation, si vous les faites venir de rĂ©gion lointaine, comme de GrĂšce, de Candie. Dans ce cas, vous aurez de longs barils, comme ceux Ă  harengs, dans lesquels vous enfermerez vos maillots, entremĂȘlĂ©s avec de la terre dĂ©liĂ©e et arrosĂ©e de fois Ă  autre par un trou, qui Ă  cet effet sera laissĂ© Ă  l’un des bouts de chaque baril. Ainsi les maillots se maintiendront toujours sains et d’olivier de serre. 99 entiers, depuis le mois d’octobre jusqu'au mois de mars. Vos maillots Ă©tant arrivĂ©s chez vous, on les mettra aussitĂŽt tremper dans l'eau dormante pendant trois °u quatre jours, afin de les remettre en force et en Vl gueur, et ensuite vous les planterez suivant votre dĂ©sir. S’il est question de convertir vos maillots en sau- lelles ou chevelues, pour enracinĂ©s en composer des Vignes de toutes espĂšces, il faudra y procĂ©der de cette maniĂšre. Vous destinerez un coin de terre Ă  vigne, lĂ©gĂšre et vigoureuse, que vous ferez dĂ©charger soigneusement de tous embarras, jusqu’à la rendre dĂ©liĂ©e comme de la poussiĂšre. Elle sera placĂ©e en lieu facile a arroser, si faire se peut, pour humecter au besoin le jeune plant, et par ce moyen l’empĂȘcher de dessĂ©cher, surtout si vous ĂȘtes en Languedoc, Provence et autres endroits chauds de ce royaume, ce qui n’est pas Ă  craindre en France et dans les provinces circonvoi- sines. C’est en cet endroit que vous planterez vos maillots , dans des rayons d’un pied et demi de profondeur, tirĂ©s en ligne-droite et Ă©galement distans d’un Pied. Mais ce sera sans les recourber nullement ; vous les y poserez droits, loin l’un de l'autre de trois Ă  Quatre doigts, en les faisant ressortir hors de terre trois pouces. Ils seront tous rognĂ©s de la mĂȘme mesure, avant que de les mettre en terre, d’un pied trois quarts peu plusou moins, et il sera ĂŽtĂ© du vieux bois tout ce que vous croirez pouvoir empĂȘcher l’entrĂ©e dans le trou de la taravelle, en les replantant. On rompra la terre entiĂšrement en creusant les rayons, 00 THÉÂTRE DAGRICULTURE de maniĂšre qu'ils ne reste aucune partie endurcie entre deux, et les maillots s'enracineront sans embarras , moyennant la bonne culture sans laquelle ce serait travailler en vain dans cet endroit. La culture sera de houer ce nouveau plant trois ou quatre fois pendant l’étĂ©, et une en hiver, sans souffrir que jamais aucune herbe croisse dessus, eu l’arrosant dans les grandes chaleurs , le lieu le requĂ©rant. Il ne faut pas vous soucier de fumer ces chevelues, de peur quĂȘtant contraint de les transplanter en lieu maigre, elles ne dĂ©pĂ©rissent, ce qui serait risquer de les perdre. On ne doit pas douter de la consĂ©quence de l'arrosement, parce que quand il pleut, c'est universellement sur toutes sortes de plantes , ainsi elles s’arrosent et s’accoutument Ă  cela. Celles qui le moins endurent la soif, croissent avec plus d’avancement. Par cette culture, les chevelues seront capables d'ĂȘtre replantĂ©es dans une annĂ©e, ayant acquis pendant ce peu de temps des racines en suffisance et si vous voulez les laisser davantage en terre, n’étant pas en commoditĂ© ou volontĂ© dĂ© les transplanter dans ce temps, vous pourrez le faire ainsi jusqu’à quatre annĂ©es, pourvu qu’à chacune les sautelles ou chevelues soient taillĂ©es comme une vigne dĂ©jĂ  faite et toujours labourĂ©es Ă  profit, afin que le fond ne produise aucune herbe, qui ne pourrait ĂȘtre que nuisible au nouveau plant. Le meilleur sera cependant de les replanter Ă  la seconde annĂ©e, en ne les laissant pas en terre plus long-temps, si ce n’est par contrainte. Vous ferez enraciner des maillots en abondance, et en beaucoup plus grand nombre qu’il ne vous faudra de sautelles, 701 n’ DF. SKRRK. pour jue venant Ă  les choisir, vous ifen employiez. f pie des mieux qualifiĂ©es, sans ĂȘtre forcĂ© de vous ser- v,r d'aucune languissante, ni d'autre que de bonne espĂ©rance, vu futilitĂ© de la bonne Ă©lection du plant, ta perle de le mal choisir et la facilitĂ© de ce mĂ©nage. De ce plant, enracinĂ© et choisi, vous ferez des v, gnes fructifiĂąmes dans peu de temps, le plant aura ‱avancĂ© en ce lieu autant, ou peu s’en faudra, que s’il eĂ»t Ă©tĂ© plantĂ© en crocĂ©lfes pour la derniĂšre fois en sa vigne. En quoi il y a de l’économie, vu que le peu de ‱erre oĂč les chevelues auront sĂ©journĂ© ii'aura pas tant CoĂ»tĂ© Ă  cultiver pendant ce temps lĂ , que toute la v, gne aurait fait ; outre que le fond destinĂ© Ă  la vigne 'tira pendant ce temps servi Ă  quelqu’autre usage. A la reprise assurĂ©e des chevelues, et Ă  leur avancement pour s’accroĂźtre, se joint cette utilitĂ© notable la considĂ©ration de replanter, qui,- par certaine facultĂ© de la nature, apporte un trĂšs grand profit Ă  toutes sortes de plantes, qui se plaisent beaucoup Ă  cette industrie. Les jardiniers le pratiquent ainsi heureusement , replantant presque toutes leurs herbes; les autres ou la plupart qui ne sont pas traitĂ©es de mĂȘme restant sauvages. Vous trouverez que la vigne, composĂ©e de plant enracinĂ©, deviendra plutĂŽt fructueuse que par maillots, et durera long-temps en service. On tient une autre mĂ©thode pour se pourvoir de chevelues dans les environs de Paris et autres lieux ; o est que, sans couper les sarmens du cep, on les enracine, en les recourbant dans terre, oĂč ils tiennent leux ou trois ans, jusqu’à ce que sevrĂ©s de leur mĂšre, ils soient transportĂ©s ailleurs pour ĂȘtre convertis en loa THÉÂTRE D’AGRICULTURE nouvelle vigne. Le cep dont on dĂ©sire tirer de la race, est marcottĂ© en tout ou en partie; c’est-Ă -dire, prĂ©parĂ© Ă  donner des marcottes ou des chevelues. Si c'est en tout, il est universellement couchĂ© dans terre, et lĂ  provignĂ©, en faisant servir toutes ses branches, et en les faisant ressortir Ă  l’air. Si c’est en partie, on se contente d’en prendre une ou plusieurs des mieux nourries, qu'on plie et enfonce dans terre, aussi avant qu’on peut, la mĂšre demeurant Ă  dĂ©couvert. Du bout des sarmens ainsi couchĂ©s, sortent sur terre deux ou trois yeux, qui sont lĂ  justement coupĂ©s. On laisse ces marcottes, appelĂ©es autrement provins, ainsi accommodĂ©es jusqu’à trois ans, plus ou moins, comme on le veut alors on les coupe de leur mĂšre souche, et sans sĂ©journer, on les porte planter dans la nouvelle vigne. Quand on les tire de terre, on fait une fosse en dĂ©chaussant les ceps, dont les marcottes Ă©tant coupĂ©es, les tronçons qui restent, produisent aprĂšs des raisins en abondance, si on laisse la plus grande partie de la fosse dĂ©couverte en rond, en figure d’une Ă©cuelle plate, pour donner de l’air aux bourgeons qui ressortent des troncs des vieux ceps. Par cet ordre, vous ĂȘtes privĂ© d’avoir des vignes Ă©trangĂšres, et vous ne pouvez vous servir d’autres espĂšces de raisins, que de celles de chez vous et de votre voisinage. C’est pourquoi ne vous arrĂȘtez pas Ă  celte façon de marcottes ; outre que c’est se donner beaucoup de peine sans nĂ©cessitĂ©, vu qu’avec bien moins de travail, les crocetles et maillots s’enracinent, comme il a Ă©tĂ© montrĂ©. La vigne se plante plus fructueusement dans un endroit que dans l’autre, selon l’ordre de la division d’ouvikr DE SERRE. IO? susdite, dont le premier lieu est donnĂ© Ă  la lerre no- V; de, qui n’a jamais clĂ© dĂ©frichĂ©e; le second Ă  celle Ă  grains; et le dernier Ă  la vigne vieille, laquelle, si par nĂ©cessitĂ©, il faut la replanter, on en arrachera profondĂ©ment et totalement les racines des vieux ceps, pour ^ue le levain qui provient du dĂ©faut de vieillesse s’en aille avez elles. Or, quelle que soit la terre, pour la prĂ©parer dignement Ă  recevoir la vigne, elle sera rompue entiĂšrement * un pied et demi de profondeur, et de telle maniĂšre ’iu’en la renversant sens-dessus-dessous, la bonne et c uite de la superficie soit mise au fond et ;la mauvaise e ' crue du fond Ă  la superficie. Par cet Ă©change, les 'emps cuiront la crue Ă  la longue, pendant que la bonne nourrira au fond les racines de la nouvelle v igne. En faisant cela , toutes les ordures et tous les embarras des racines et des pierres sortiront du dedans de la terre, qui restera libre Ă  l’entretien de la v 'gne. Pour travailler en cet endroit, comme il convient et avec Ă©conomie, on commencera Ă  rompre la terre Par l’endroit le plus bas et le plus enfoncĂ© ; car les °uvriers y travailleront avec plus d’aisance qu’eu la prenant en sens contraire, en jetant la terre de bas en haut; mais il n’en est pas ainsi delĂ  culture ordinaire de la vigne aprĂšs l’avoir plantĂ©e; car pour bien la maintenir, il convient de ne pas toujours la prendre d un mĂȘme cĂŽtĂ©, mais diversement suivant les Ɠuvres f u on lui donne ; une fois dans cet endroit, une autre fois dans un autre, afin de bien mĂȘler et renverser la terre. Et pour que la terre ne s'avale pas par trop Ă  I*! pourrait espĂ©rer en la marrant sommairement, comme font quelques ignoranls, croyant bien travailler; et, Ă  la ruine de la jeune vigne, ses racines se logeraient Ă  la superficie de la terre exposĂ©es Ă  la merci des chaleurs, et dessĂ©cheraient en peu d’annĂ©es. La seconde, la troisiĂšme et autres Ɠuvres n’ont aucun ‱erme limitĂ©; elles se donneront quand vous verrez la nouvelle vigne en avoir besoin, ce qui sera quand les herbes y recroĂźtront tant soit peu, ou que le fonds s'affermira de lui-mĂȘme, ou par de fortes pluies; car amais il ne faut souffrir dans votre vigne aucune lierbe, ni que sa superficie s’endurcisse par trop, par les grands maux que la vigne endure de ces incommo- dilĂ©s, qui trĂšs souvent la font mourir. Vous espierez Ă  cet effet, la commoditĂ© de la pluie, pour la prendre quand elle se prĂ©sentera; c’est Ă  savoir, en houant et marrant votre vigne pendant son premier Ă©tĂ©, toutes les fois qu’il aura plu abondamment, s'il est possible; et ce sera la limite des Ɠuvres que vous lui donnerez dans son commencement, conduite qui la sollicitera Ă  croĂźtre avec beaucoup de vigueur. Parmi ces bĂȘchc- mens, celui du mois d’aoĂ»t est d’une grande efficacitĂ©, avançant la vigne par un nouvel effort ; comme on le reconnaĂźt par ses rejetons qui allongent jusqu’aux froidures qui les empĂȘchent de s’accroĂźtre. La vigne demeurera en cet Ă©tat jusqu'au mois d’octobre ou de novembre, qu’elle sera remuĂ©e une seconde fois avec la houe, de la sorte de labourage, dite hiverner, a cause de la saison ; afin que par la faveur des gelĂ©es des glaces, sa terre se cuise et se prĂ©pare, en ayant I I 2 THÉÂTRE D'AGRICULTURE d'elle-mĂȘme bon besoin, Ă©tant encore crue, comme nouvellement tirĂ©e du fond de la fosse. Cela expĂ©diĂ©, il ne faudra employer d’autre dĂ©pense Ă  la nouvelle vigne, jusqu’au temps de la tailler, ce qui sera l’hiver; et alors on y mettra la serpe, le jour Ă©tant beau et serein, ni froid, ni pluvieux, ni neigeux, ni trop venteux. Elle sera prĂ©alablement toute dĂ©chaussĂ©e par une petite fossette qu’on fera Ă  l’entour de chaque cep, assez profondĂ©ment pour avoir le moyen d’en curer le pied , en coupant toutes les racines poussĂ©es en la partie dĂ©couverte, afin de faire mieux affermir les autres qui sont au fond. On s’évitera ce dĂ©chaussement, si avant que de tailler la vigne, on la houe Ă  chevalier, par lequel toutes les rangĂ©es des ceps se trouvant dĂ©couvertes ; on les nettoye et dĂ©barrasse aisĂ©ment des racines incommodes. 11 n’y a pas grande peine Ă  cette premiĂšre taille ; deux coups de serpe Ă  chaque cep, en faisant raison; savoir, en coupant entiĂšrement le plus haut rejeton sorti de l’un des yeux que vous y aurez laissĂ©s en plantant j'entends vieux et nouveau, comme en tranchant le tronc d’un arbre, et l’autre venant de l’Ɠil en bas, sera justement rognĂ© prĂšs du tronc, en y laissant seulement un Ɠil ou bourgeon, pour produire le bois requis. Les bĂȘchemens et labourages susdits se feront aussi uniment qu’on pourra ; c’est-Ă -dire qu’on aplanira la terre sans y laisser aucun relĂšvement, pour la premiĂšre annĂ©e, mais non pas jes suivantes ; car pendant cinq ou six ans de suite au printemps, et pour la premiĂšre fois de l’annĂ©e, la jeune vigne sera labourĂ©e de cette sorte d’Ɠuvre appelĂ©e houer ou fous- d'olivier DE SERRE. II3 ser Ă  chevalier, dont je viens de parler, trĂšs profitable aux nouvelles vignes, vu que par elle, les racines s'arrĂȘtent profondĂ©ment, comme on doit le dĂ©sirer pour le bien et la durĂ©e de la vigne. Car la terre Ă©tant ainsi labourĂ©e , il se fait entre deux rayons une crĂȘte Ă©levĂ©e en dos-d'Ăąne, et les pieds de la vigne Ă©tant dĂ©couverts, elle se cultive commodĂ©ment, comme il appartient. Ce mot de chevalier, vient de ce que le travailleur assemble la terre entre ses jambes, qu’à cette cause il tient Ă©largies, en la tirant avec son instrument des deux cĂŽtĂ©s, dont il dĂ©chausse les ceps, en se faisant par ce moyen un relĂšvement sur lequel il se trouve comme Ă  cheval. Cette façon de gouverner la terre vous fait voir les rangs de votre nouvelle vigne tous dĂ©couverts d’un cĂŽtĂ©, ce qui est trĂšs agrĂ©able et encore plus profitable ; car la vigne sans ĂȘtre trop chargĂ©e de terre, produit ses rameaux Ă  volontĂ©. Le double chevalier est un ouvrage plus beau et plus utile, qui se fait de cette maniĂšre, qu’entre quatre ceps, il y a un relĂšvement, poiulu comme une pyramide, que le manƓuvre fait, y amoncelant la terre de tous cĂŽtĂ©s; ainsi vous voyez les rangs de votre vigne ouverts dans tous les endroits. Par cette adresse, outre le bien de faire enraciner profondĂ©ment la vigne, but de tout bon vigneron, la terre s’apprĂȘte parfaitement bien ; car par ces crĂȘtes et monticules, les gelĂ©es passant Ă  travers, en prĂ©parent si bien la terre, quelle en demeure aprĂšs si souple et si dĂ©liĂ©e, que pour la biner, qui est la seconde Ɠuvre, il ne faut que traĂźner le hoyau pour en abattre ces rehaussemens, afin d’en 8 1 4 THÉÂTRE D’AGRICULTURE rechausser la vigne pour la garantir des sĂ©cheresses de l’étĂ©. Prenez cependant garde que vos nouveaux plants soient toujours tenus sans ĂȘtre renversĂ©s par aucun accident ou par la violence des vents; c’est pourquoi il esta dĂ©sirer d’avoir la commoditĂ© des bois, pour fournir des petits paisseaux suffisamment, afin d’en mettre un Ă  chaque cep, pour lĂ , fermement attachĂ©, ĂȘtre prĂ©servĂ© de tout Ă©branlement nuisible, et qu’aidant par ce moyen Ă  la jeunesse de la vigne elle s’avance et croisse d’autant plus, que moins elle en sera dĂ©tournĂ©e. Ne vous mettez pas en peine de l'Ă©pamprer ou Ă©bourgeonner en aucune maniĂšre, pendant ses deux ou trois premiĂšres annĂ©es; c’esl-Ă -dire d’en ĂŽter les rejetons superflus, de peur que les vents rompant les bons drageons comme cela arrive trĂšs souvent aux mois de mai et juin, vous n’ayez pas aprĂšs le moyen de la remettre par bas, ainsi qu’on le fait commodĂ©ment par ces rejetons, estimĂ©s auparavant inutiles; et la vigne d’elle-mĂȘme s’en rĂ©pare trĂšs bien, moyennant le bon et le frĂ©quent labourage qui la pousse Ă  cela avec grande vigueur. Vous donnerez aussi ordre qu’en place des ceps morts, il en soit substituĂ© de vifs que vous ferez placer tous enracinĂ©s, et ce dans la premiĂšre ou seconde annĂ©e, car ce serait peine perdue que d’attendre plus long-temps, vu que les racines des premiers ceps auraient tellement occupĂ© le terroir, qu’elles ne pourraient en souffrir d’autres prĂšs d’elles ; il faudra encore que ce plant enracinĂ© soit de l’ñge de votre vigne, afin d’olivier de serre. IIÜ qu’elle reprenne d’autant mieux parmi l’autre dĂ©jĂ  grande. La nouvelle vigne sera taillĂ©e dans la vieille lune ou en dĂ©cours, quatre ans de suite, Ă  compter de son commencement, pour lui faire grossir le pied, afin que sur un ferme fondement, les tĂȘtes de rapport puissent s’édifier. C’est le propre de ce point de la lune, que de faire produire des racines; comme au contraire celui de la nouvelle des rameaux. Par cette observation votre vigne se fortifiera pendant ce temps, ce qui sera autant de gagnĂ©, puisque dans cette jeunesse, vous ne pouvez en espĂ©rer de vendange de grande valeur; autrement, en la taillant dans le croissant, elle monterait trop vite, et le pied du cep demeurerait faible et branlant, incapable de pouvoir porter plus d’une ou deux tĂȘtes, au lieu de quatre ou cinq qu'il faut qu’un cep ordinaire ait pour le moins. Cet avis de tailler la nouvelle vigne n’est pas indiffĂ©remment reçu par tout, y en ayant plusieurs, comme j’ai dit, qui n’emploient en cet endroit que la montĂ©e de la lune ; fondĂ©s sur leurs coutumes auxquelles je renvoie. La seconde annĂ©e, la vigne sera taillĂ©e Ă  la façon de la premiĂšre, savoir fort courte et si justement, qu’en chaque tĂȘte il ne reste qu’un Ɠil le plus proche du tronc. On donnera au jeune cep Ă  la troisiĂšme un bourgeon davantage et chacune de ses tĂȘtes sera chargĂ©e de deux, en y comprenant celui attenant au bois dur, nommĂ© par quelques-uns agassin. Le nombre des tĂȘtes ne peut se prescrire, cela dĂ©pendant de la suffisance du pied; on y en ajoute ordinairement une Ă  Il6 THEATRE n’AGRICULTURE chacun des premiers ans, et il arrive qu’au bout de quatre ou cinq ans, le cep se trouve chargĂ© d’autant de tĂȘtes; ce qui se fait facilement, Ă  l’aide du bon labourage qui en fournit le pouvoir. Vous donnerez ordre autant que vous pourrez, que les tĂȘtes viennent du pied de la tige, afin que profondĂ©ment fondĂ©es, elles demeurent fermes contre les vents, pour mieux supporter leur charge ; et alors votre vigne commençant Ă  se façonner, elle commencera aussi Ă  vous rembourser de la dĂ©pense et paiera le maniement de la serpe, par les premiers fruits qu’elle vous produit, ce qui arrive ordinairement Ă  la troisiĂšme annĂ©e de son Ăąge. Ceux qui prĂ©fĂšrent l Ă©conomie Ă  l’avancement de leurs vignes, se trompent en cet endroit, comme s’ils voulaient asseoir leur plus certain revenu, en les entretenant avec avarice. Tout au contraire, celui qui dĂ©sire avoir profit de son vignoble, doit l’entretenir plutĂŽt avec prodigalitĂ© qu’avec libĂ©ralitĂ©, sans crainte d’excĂ©der en culture; le fruit, comme }’ a i dit, procĂ©dant de la prĂ©cĂ©dente dĂ©pense. 11 faut bien se donner de garde de conduire la jeunesse de la vigne avec avarice; mais on doit comparer cette espĂšce de mĂ©nage avec la nourriture de toute sorte de jeune bĂ©tail, et la nouvelle vigne avancera par le bon traitement tant qu’il sera possible. Une fois les quatre ou cinq premiĂšres annĂ©es passĂ©es et la vigne Ă©tant dĂ©jĂ  assez bien fortifiĂ©e, la saison sera venue de la prĂ©parer Ă  la production des raisins, en accommodant sa taille Ă  cet usage, comme gouvernant le fruit, puisque jusqu'alors elle n’a Ă©tĂ© employĂ©e qu’à fortifier le cep. Les raisins sortent des yeux ou D ! OLIVIER de serre. 117 bourgeons, d’oĂŒil rĂ©sulte que plus il y a d’yeux Ă  un cep, plus il produit de fruit. Il faut ĂȘtre retenu Ă  cela de peur de perdre la vigne en la surchargeant, qui trĂšs souvent se ruine par un trop grand rapport et une trop grande fertilitĂ© ; car il ne faut pas l’abandonner Ă  sa bonne volontĂ©, pas plus qu’un jeune et vigoureux cheval. Il est assez ordinaire que le dernier Ɠil placĂ© au bout de la tĂȘte , se trouve celui qui est le plus chargĂ© de fruit, comme au contraire, le premier attenant au tronc du cep, le moins. Ainsi, en compensant ces facultĂ©s, on donne trois yeux pour charge Ă  chaque tĂȘte de rapport , de sorte que puisque le premier, dit agassin, ne sert presque Ă  rien que rarement, il faut que les deux qui le suivent, satisfassent Ă  notre intention. Il ne convient pas de tailler indiffĂ©remment ainsi toutes sortes de vignes basses, il y a quelques espĂšces qui dĂ©sirent la taille plus longue, comme le muscat et le piquardant, qui ne veulent presque rien produire Ă©tant laissĂ©s courtes, et autres tailles de raisins que chacun particuliĂšrement remarquĂ© dans les provinces. Il a Ă©tĂ© dit que le nombre des tĂȘtes de rapport se limite par la suffisance du fonds et de l'entretien. On Voit cependant que dans un bon terroir bien cultivĂ©, le moins qu’on en puisse loger sur un bon cep, est quatre ou cinq si on dĂ©sire avoir un raisonnable revenu de la vigne ; comme aussi dix ou douze sont tout ce que la vigne peut porter; le milieu de ces deux nombres Ă©tant le plus Ă  dĂ©sirer. Vous ne pouvez pas vous tromper sur cela ; car si vous voyez votre cep jelĂ©r des rameaux par les cĂŽtĂ©s 1X8 THÉÂTRE d'AGRICULTURE de la tige et que ses rameaux sortent d'une partie dure de son tronc, cela fait voir qu’il ne se contente pas des issues que vous lui avez donnĂ©es par ses tĂȘtes , et ce cep abondant en humiditĂ©, est contraint de la vider en crevant, ainsi que la fontaine fait de son eau quand elle n'a pas les canaux proportionnĂ©s Ă  son abondance. Au contraire, s’il fait par ses tĂȘtes les rejetons petits, leur bois demeurant court et languissant, il se plaint de sa trop grande charge. Il sera pourvu Ă  ces choses par Ja prudence du vigneron, en augmentant ou diminuant le nombre des tĂȘtes, selon les circonstances, et la vigne se rĂ©jouira Ă  mesure qu’elle se sentira chargĂ©e ou dĂ©chargĂ©e. Avant de tailler la vigne, on la dĂ©chaussera comme il a Ă©tĂ© enseignĂ© ; mais tellement Ă  profit que la fosse autour du pied soit profondĂ©ment creusĂ©e, afin de dĂ©couvrir les racines naissantes prĂšs de la superficie de la terre et de les couper, contraignant par lĂ  les autres et principales Ă  se nourrir en bas. La taille se fera avec des serpes bien tranchantes, lĂ©gĂšres et subtiles, pour ne pas Ă©clater le bois, en Ă©loignant autant dans la plupart des positions, dĂ©veloppe l’arome plus agrĂ©able. Les Ă©lĂ©mens dont la combinaison produit la saveur, rĂ©sident exclusivement dans le suc des raisins. Le principe de l’arome paraĂźt rĂ©sider exclusivement dans la pellicule, et peut ĂȘtre seulement dans la matiĂšre colorante dont elle est imprĂ©gnĂ©e ; ce qui le prouve, c’est f l u e des raisins rouges qui produisent du vin de la CULTURE DE LA VIGNE 154 mĂȘme couleur trĂšs chargĂ© d’arome, donnent un vin blanc qui ne conserve presque rien de cet arĂŽme, quand on les soumet au pressoir avant toute fermentation. Ce qui tend Ă  le prouver encore, c’est que les vins blancs faits avec des raisins de la mĂȘme couleur, sont trĂšs peu susceptibles de contracter, comme les vins rouges, ces arĂŽmes dĂ©testables qu’on dĂ©signe gĂ©nĂ©ralement par le nom de goĂ»t de terroir. Tous les propriĂ©taires des vignobles cĂ©lĂšbres , pour attribuer exclusivement au sol la qualitĂ© de leurs vins , la font rĂ©sider dans l’arome. Quant Ă  moi, je pense que l’arome n'est qu’un accessoire de la saveur, indispensable, Ă  la vĂ©ritĂ©, pour que celle-ci soit parfaite. Or comme la saveur tient beaucoup plus au cĂ©page qu’au sol, je rĂ©pĂšte qu’on peut obtenir une amĂ©lioration importante sous ce rapport, par un choix habile des cĂ©pages. Quant Ă  l’arome, il ne manquera pas aux bons vins, soit que le sol le donne naturellement, soit qu’on l’ajoute. De toutes les additions qu’on peut se permettre de faire aux vins, et on s’en permet beaucoup, c’est certainement celle qui changerait le moins les proportions naturelles des principes constituans du vin. Tout vin prend dans le tonneau oĂč on le renferme, dix fois, cent fois peut-ĂȘtre plus de matiĂšre* extractive du bois, qu’il ne faudrait y ajouter d’une substance quelconque pour lui communiquer un arĂŽme trĂšs prononcĂ©. PAR REKOIR. 155 Un autre avantage de la translation des meilleures espĂšces de vignes du nord au sud, avantage dont je n’ai pas encore parlĂ©, c’est que, dans la nouvelle patrie qu’on leur assigne, leur dĂ©veloppement est plus tardif que celui des espĂšces indigĂšnes, ce qui les expose moins aux intempĂ©ries; et leur maturitĂ© est plus prompte et par consĂ©quent plus parfaite. Cet avantage seul est immense. La vigne qui commence Ă  vĂ©gĂ©ter plus tard, Ă  mesure qu’on s’avance vers le nord, y portera des fruits qui mĂ»rissent en moins de temps que dans le midi. Qu'on ne dise pas que cette maturitĂ© n’est point complĂšte ; elle l est autant qu’elle peut l ĂȘtre. Ces raisins du nord ne sont sans doute pas aussi sucrĂ©s que ceux du midi ; ils eu diffĂšrent par les proportions de leurs principes constituans c’est lĂ  un effet inĂ©vitable de ^ influence du climat ; mais un plus long sĂ©jour sur le ’ep/avec une prolongation de la mĂȘme tempĂ©rature, ne changerait rien Ă  cette proportion. Les raisins ne peuvent plus rien acquĂ©rir ils sont donc mĂ»rs. L’industrie de l’homme a dĂ©jĂ  beaucoup fait sur la V gne ; cependant il lui reste beaucoup plus Ă  faire. 11 est Ă©vident, par exemple, que si l’on s’appliquait a ta recherche des ceps des meilleures espĂšces dont tas raisins ont une saveur plus parfaite, on arriverait a des rĂ©sultats trĂšsinlĂ©ressans. Lorsque la diffĂ©rence de saveur sera trĂšs remarquable , que risquera-t-on en plantant dans un terrain choisi une douzaine de ceps? celte quantitĂ© suffira pour essayer en petit le vin qu’ils peuvent produire; ca r c est une erreur de croire qu’on ne puisse pas CULTURE DE LA. VIGNE 1 56 faire d’aussi bon vin sur de peliles masses que sur de plus grandes. Avec celles-ci, on obtient une fermentation plus tumultueuse, plus forte et qui se termine plus promptement, mais qui n’est pas plus complĂšte que celle d'une masse trĂšs faible. Donner Ă  son pays une vigne plus tardive Ă  se dĂ©velopper, plus prompte Ă  mĂ»rir, ou un nouveau cĂ©page plus appropriĂ© au sol , ou une variĂ©tĂ© plus parfaite; c’est lui rendre un service important d’ailleurs les lĂ©gers soins que je propose de prendre, ne peuvent ĂȘtre qu’un objet de distraction agrĂ©able pour les propriĂ©taires cultivateurs qui ont du loisir. CHAPITRE TROISIÈME. DES DIFEERENS MODES DE PROPAGATION DE LA VIGNE. L’usage le plus gĂ©nĂ©ra est de planter la vigne par boutures, que l’on nomme selon les provinces , cro- cettes, maillots, maillelons, chapons, etc. Il est beaucoup plus rare qu’on emploie les marcottes enracinĂ©es qu’on nomme aussi chevelues, sautelles, etc. Le motif de cette prĂ©fĂ©rence est, dit-on , que les vignes formĂ©es de marcottes ont moins de durĂ©e que celles qu’on plante de boutures. On convient, du reste, que ces derniĂšres sont beaucoup plus lentes Ă  se mettre Ă  fruit que les plants enracinĂ©s. PAR LENOIU. i5 7 L’objection qu’on fait contre l’emploi du plant enracinĂ©, est-elle fondĂ©e? c’est ce qu’il faut d'abord examiner. On emploie trois moyens pour se procurer du plant enracinĂ© ; Le provignage total d’un cep ; Le provignage partiel des sarmens ; La plantation des crocettes en pĂ©piniĂšre, ou on les laisse deux et quelquefois trois ans, pour former leurs racines et leur bois. Le provignage total des ceps est le moyen le plus gĂ©nĂ©ralement employĂ© au nord , il consiste, comme on sait, Ă  dĂ©chausser la souche du cep et Ă  la coucher en entier dans une petite fosse qu’on remplit de terre; les sarmens tenant Ă  la souche sont aussi enfouis Ă  six ou huit pouces de profondeur, sur un pied de long , le surplus sortant de terre, est taillĂ© Ă  deux ou trois yeux. Ces sarmens tirant leur nourriture de la souche et des nombreuses racines qui sortent des yeux infĂ©rieurs plongĂ©s en terre, forment des pousses vigoureuses qui sont ordinairement trĂšs chargĂ©es de fruits ces sarmens sĂ©parĂ©s de la souche et relevĂ©s de terre a prĂšs un an, quelquefois la seconde annĂ©e, et trĂšs rarement la troisiĂšme, forment ce qu’on appelle des chevelues. Dans le provignage partiel, le cep n’est pas couchĂ© en terre; ses plus longs sarmens sont tirĂ©s en bas, pliĂ©s en arc, et enfouis dans leur courbure; la portion qui sort de terre est aussi taillĂ©e Ă  deux ou trois yeux. Les deux modes de provignage donnent Ă  peu prĂšs les mĂȘmes rĂ©sultats. La principale diffĂ©rence consiste CULTURE DE LA VIGNE ĂŻ 58 en ce que, dans le provignage total, les premiĂšres racines du sarment couchĂ© sortent des yeux infĂ©rieurs, tandis que dans le provignage partiel, les yeux infĂ©rieurs du sarment sont hors de terre, et que les racines qui se forment, sortent de sa partie moyenne; celte espĂšce de chevelue donne moins souvent du Fruit dans l’annĂ©e du provignage, et elle est moins vigoureuse que lorsque le cep est couchĂ© en totalitĂ©. De cette diffĂ©rence il doit en rĂ©sulter une dans la durĂ©e des vignes qui en proviennent. Voici les causes qui contribuent Ă  rendre l’emploi des chevelues moins avantageux qu il ne devrait ĂȘtre. Il est rare qu’un propriĂ©taire ait Ă  la fois, dans ses vignes, la quantitĂ© de chevelues nĂ©cessaires pour une plantation un peu considĂ©rable ; il est donc forcĂ© d en acheter, ce qui prĂ©sente plus d’un inconvĂ©nient dont le plus grave est le dessĂšchement des racines, ce qui force Ă  les retrancher. Les chevelues ne sont plus alors que des boutures dĂ©jĂ  fatiguĂ©es par une production inutile de racines. Dans le midi, on plante gĂ©nĂ©ralement les chevelues avec la taravelle, espĂšce de grand plantoir en fer, qui fait un trou conique de 18 pouces, il serait impossible de faire entrer dans ce trou le plant garni de ses racines, sans les rebrousser en totalitĂ© aussi est-on dans l’usage de les retrancher. Dans le nord, on plante les chevelues dans des fosses , ce qui permet d en conserver les racines ; mais comme elles sont presque toujours dessĂ©chĂ©es, on les retranche aussi. PAR LENOÏR. l5J Ceci suffit dĂ©jĂ  pour expliquer la courte durĂ©e c pi on reproche aux vignes plantĂ©es avec des chevelues. Une autre cause peut contribuer encore Ă  celte courte durĂ©e. Les chevelues ont souvent portĂ© du fruit Pendant la durĂ©e du provignage; leur bois est fait et l °ut disposĂ© Ă  fructifier encore. Les chevelues ont donc, ce qu'on pourrait appeler une habitude de fruc- ttfication. Cette habitude n’est pas anĂ©antie par la sĂ©paration du cep; elle l’est si peu, que j’ai vu des chevelues produire dĂšs la premiĂšre annĂ©e de leur plantation , mais toujours au dĂ©triment de leur vigueur. Le troisiĂšme mode de se procurer du plant enracinĂ©, c’est de faire une pĂ©piniĂšre de crocettes, qu’on relĂšve la seconde, ou au plus tard la troisiĂšme annĂ©e, Pour les planter Ă  demeure. Ce mode est prĂ©fĂ©rable sous tous les rapports aux deux autres ; c’est cependant celui qu’on suit le moins. Mais les crocettes enracinĂ©es, lorsqu’elles ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©es en pĂ©piniĂšre avec les prĂ©cautions convenables, PrĂ©sentent dans la plantation d’une vigne tous les a vantages que l’on doit dĂ©sirer. Leur reprise est sĂ»re ; elles enfoncent profondĂ©ment leurs racines dans le S °1 » elles poussent avec vigueur et elles se mettent Ă  fruit deux ans au moins plus tĂŽt que les crocettes plantĂ©es immĂ©diatement. J’ajouterai que la vigne qui en provient a autant de durĂ©e qu’en comportent la culture qu’on lui donne et le sol oĂč on la plante. ComparĂ©es aux boutures, les crocettes enracinĂ©es PrĂ©sentent les avantages suivans CULTURE DE LA VIGNE 160 Qu’on plante des boutures immĂ©diatement pour en former une vigne, ou qu’on les mette deux ans en pĂ©piniĂšre, avant de les planter Ă  demeure, ce n’est tobjours qu’à la cinquiĂšme annĂ©e qu elles commencent Ă  donner ce qu’on peut appeler une rĂ©colle. Mais il y a cette notable diffĂ©rence, que les boutures occupent pendant cinq ans le terrain destinĂ© Ă  la vigne, sans donner de produit, tandis que le plant enracinĂ© ne l’occupe improductivement que pendant trois annĂ©es. Les deux autres se passent dans la pĂ©piniĂšre, dont la surface est au plus le quinziĂšme de celle de la vigne. Iby a donc diminution de dĂ©pense et jouissance plus prompte. Lorsqu’on plante des boutures, ce qui ne peut se faire qu'au moment de la taille, s’il survient des sĂ©cheresses considĂ©rables, qui sont assez frĂ©quentes Ă  celle Ă©poque, une partie des boutures ne prend pas ; quelquefois mĂȘme il en prend si peu, qu’on est obligĂ© de refaire une nouvelle plantation l’annĂ©e suivante. On n’a point Ă  craindre ces inconvĂ©niens, en plantant des crocettes enracinĂ©es on rejĂšte celles qui sont d’une mauvaise venue, ou qui sont mal pourvues de racines, et l’on est d’autant plus sur que celles qu’on plante ne manqueront pas, qu’on est toujours libre de choisir pour cette opĂ©ration le moment le plus favorable; et comme chaque cĂ©page est plus reconnaissable par ses feuilles que par son bois, on Ă©limine de la pĂ©piniĂšre tous ceux qu’on ne veut pas introduire dans la vigne qu’on se dispose Ă  planter; tandis que s’ils Ă©taient dĂ©jĂ  en place, on hĂ©siterait Ă  les sacrifier. PAR RENOIR. l6l Les boutures mises en pĂ©piniĂšre dans un espace trĂšs resserrĂ©, peuvent recevoir plus de soin, avec tnoins de travail et de dĂ©penses, que lorsqu’elles sont dissĂ©minĂ©es sur un espace beaucoup plus Ă©tendu. Il est plus aisĂ© de les soustraire aux effets des gelĂ©es tardives et des longues sĂ©cheresses; et, comme on peut sans inconvĂ©vient Ă©tablir la pĂ©piniĂšre sur un terrain plus propre Ă  celte premiĂšre vĂ©gĂ©tation que celui oĂč d doit ĂȘtre transfĂ©rĂ©, pourvu cependant qu’il ne soit pas d’une fertilitĂ© beaucoup plus grande, le plant s’y dĂ©veloppe avec vigueur et forme de bonnes racines, Ce qui n’arrive pas toujours dans des terrains d'ailleurs trĂšs propres Ă  la vigne. On est dans l’usage de laisser Ă  l’extrĂ©mitĂ© infĂ©rieure de la bouture, une partie du bois de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente sur lequel elle a cru. Cette pratique qui est gĂ©nĂ©rale, n’en est pas moins vicieuse. Il est reconnu que toute section faite aux racines, a u tronc et aux branches d’un arbre ou d’un arbris- s eau, doit ĂȘtre recouverte par une prolongation de I Ă©corce, avant que les nouvelles racines ou les nou- y eau x jets, dont celte section dĂ©termine la naissance, P U sse se dĂ©velopper avec vigueur. Il est Ă©vident que le recouvrement ne peut avoir lieu lorsqu’on laisse Ă  l’extrĂ©mitĂ© de la bouture une P arl, e du vieux bois ; cette partie qui ne concourt pas a la formation des racines, se pourrit lentement ; et, quand elle se sĂ©pare du vif, elle laisse une plaie qui ne Se recouvre que difficilement, parce qu’elle a Ă©tĂ© JufectĂ©e de la pourriture qui lui a Ă©tĂ© communiquĂ©e. Cette pourriture se prolonge et le plant ne vĂ©gĂšte plus CCLTltRE DE LA VIGNE 162 alors que par les racines latĂ©rales qui sont sorties de ses yeux les plus Ă©levĂ©s. C’est du bourrelet qui se trouve Ă  l’insertion du nouveau bois sur l'ancien, que sortent les premiĂšres racines. Toute bouture coupĂ©e au dessus de ce bourrelet ne produit que des racines latĂ©rales elle prend cependant , quoique avec plus de difficultĂ©. Le plant qui provient d’une telle bouture est toujours plus faible et moins productif que celui qui est donnĂ© par une bouture Ă  bourrelet ; et cette observation, faite dans tous les temps, a fait accorder une juste prĂ©fĂ©rence Ă  la derniĂšre espĂšce; mais, soit qu’on n'ait pas examinĂ© les effets que produit le morceau de bois incapable de vie, qui est le support du bourrelet, soit plutĂŽt qu’on ait voulu s’éviter la peine trĂšs lĂ©gĂšre d'enlever la crocelte sans attaquer le bourrelet, on a adoptĂ© gĂ©nĂ©ralement la mĂ©thode de planter la bouture avec le vieux bois. Quant au contraire on enlĂšve le vieux bois nettement et sans endommager le bourrelet , celui-ci, aussitĂŽt qu’il est en contact avec la terre, se gonfle et s’étend sur la section du jeune bois qu’il commence Ă  recouvrir en partie ; il s’élĂšve sur tout son contour, des mamelons qui sont des rudimens de racines qui pompent dĂ©jĂ  et lui apportent de nouveau sucs. Le bourrelet continue Ă  se gonfler et Ă  s’étendre, bientĂŽt ses bords se rejoignent ; alors les racines qui jusquelĂ  se sont alongĂ©es lentement, s’élancent avec vigueur et plongent dans la terre dans ce cas, le plant ne s’épuise pas Ă  pousser des racines de ceux de ses nƓuds qui PAR LENOIR. l63 sont le plus prĂšs delĂ  surface du sol, racines entiĂšrement inutiles, puisque plusieurs des façons que la V1 gne exige ont pour but principal de les dĂ©truire. Ces observations sont trĂšs anciennes ; il y a prĂšs de t8 siĂšcles que Columelle les a consignĂ©es dans son Ă©conomie rurale. Il se prĂ©sente ncore sur la plantation des boutures de la vigne, deux questions Ă  rĂ©soudre. Tous les yeux du sarment, depuis son insertion sur ^e vieux bois jusqu’à son extrĂ©mitĂ©, sont-ils Ă©galement Propres Ă  produire des bourgeons vigoureux et portant e n eux le germe de la fĂ©conditĂ©? Doit-on coucher la bouture ou doit-on la planter droite ? Ces deux questions sont liĂ©es ensemble ; car si on a dmet que la partie du sarment qui a portĂ© du fruit es t la seule qui puisse produire du bois fertile, il est Ă©vident que la crocette devra ĂȘtre rognĂ©e trop court, Pour pouvoir ĂȘtre coucbĂ©e en la plantant. Tous les anciens recommandent expressĂ©ment de Ue conserver de la crocette que les nƓuds qui ont PortĂ© du fruit, et par consĂ©quent de la planter droite. Olivier de Serres, qui a puisĂ© presque toutes ses mĂ©- thodes de culture dans les agronomes de l’antiquitĂ©, et qui paraĂźt avoir vĂ©rifiĂ© avec beaucoup de soin toutes leurs observations, donne aux prĂ©ceptes qu’ils ont laissĂ©s sur ce sujet la sanction de son expĂ©rience. Le terrain destinĂ© Ă  une pĂ©piniĂšre de croceltes doit et re de nature propre Ă  la vigne, profond, lĂ©ger et substantiel, sans cependant l’ĂȘtre trop ; on le dĂ©fonce CULTURE DE LA VIGNE l64 complĂštement et on y trace des sillons profonds de 5 Ă  6 pouces, au fond desquels on plante les crocetles. Celte plantation se fait au plantoir Ă  six pouces de distance dans le sens des rangĂ©es qui doivent ĂȘtre espacĂ©es de 12 Ă  j 5 pouces ; lorsque la crocetle, prĂ©alablement sĂ©parĂ©e de tout le vieux bois qu’il est possible d’enlever, est introduite dans le trou fait avec le plantoir, 011 rĂ©pand autour de la terre bien meuble qu'on tasse lĂ©gĂšrement pour qu’elle soit partout en contact avec le bois de la crocetle; cette prĂ©caution est essentielle, car toutes les parties de la bouture qui ne touchent pas Ă  la terre, ne tardent pas Ă  se couvrir de moisissure , et si la crocetle survit Ă  cet accident, ce qui est rare, elle n’a plus qu’une vĂ©gĂ©tation languissante. La crocelte doit ĂȘtre plantĂ©e droite, il suffit de l’enfoncer en terre de 6 Ă  8 pouces ; on 11e lui laisse qu’un Ɠil au dessus du sol. Les crocetles doivent ĂȘtre choisies, au moment de la taille, avec toutes les prĂ©cautions indiquĂ©es dans le chapitre deuxiĂšme; ce qui suppose que les ceps qui les fournissent ont Ă©tĂ© marquĂ©s avant la rĂ©colte. La plantation ne doit pas ĂȘtre faite au moment oĂč on lĂšve les crocettes il est bon , au contraire, de la retarder jusqu’au moment oĂč on n’a plus Ă  craindre de fortes gelĂ©es tardives. Pour leur conserver, pendant cet intervalle, leur facultĂ© vĂ©gĂ©tative, sans exciter leur dĂ©veloppement, le moyen le plus sĂ»r est de les enfoncer Ă  moitiĂ© au pied d’un mur exposĂ© au nord. L’usage assez ordinaire de les plonger dans l’eau ne vaut rien, parce qu’elles y poussent trĂšs souvent PÀR RENOIR. li! des racines qui se dessĂ©chent lorsqu’on les plante cette production inutile ne sert qu’à les Ă©puiser. Une prĂ©caution trĂšs utile dans la formation d’une PĂ©piniĂšre de crocettes, c’est de planter ensemble toutes celles qui appartiennent Ă  un mĂȘme cĂ©page. Par lĂ  , ° n est Ă  l’abri de toute erreur lorsqu’on les transplante. Les soins Ă  donner Ă  la pĂ©piniĂšre consistent Ă  la tenir toujours nette d’herbes, par de frĂ©quens binages sarclages, qui doivent toujours ĂȘtre faits par un beau temps et jamais immĂ©diatement aprĂšs un jour de pluie. La premiĂšre annĂ©e, le plant doit pousser en libertĂ©, sans subir aucun Ă©bourgeonnement ni rognure. Au Printemps suivant on le taillera Ă  un seul Ɠil, et Ă  la fin de l’automne ou au printemps de la troisiĂšme a nnĂ©e, le plant pourra ĂȘtre relevĂ© pour ĂȘtre mis en place ; on peut sans inconvĂ©vient le laisser en pĂ©piniĂšre une annĂ©e de plus. L’arrachage du plant doit ĂȘtre fait avec soin, et de naaniĂšre Ă  endommager le moins possible ses racines; ° n Ă©vitera surtout de faire cette opĂ©ration par un ,er nps sec dans tous les cas, le plant arrachĂ© sera mis en tas et couvert, pour ĂȘtre transportĂ© de suite sur le terrain oĂč il doit ĂȘtre plantĂ© Ă  demeure; on lui conservera en le plantant toutes ses racines saines, et on se bornera Ă  rafraĂźchir celles qui auraient Ă©tĂ© mutilĂ©es. Les racines seront rangĂ©es, autant que possible, dans leur position naturelle et recouvertes avec de la terre ameublie qu’on fera couler enlr’elles, de maniĂšre TR il ne reste aucun vide. CULTURE DE LA VIGNE 166 Avec ces prĂ©cautions qui sont indispensables dans toute plantation, la reprise du plant sera assurĂ©e et la nouvelle vigne sera promptement en rapport. CHAPITRE QUATRIÈME. GREFFE DE LA VIGNE. Changer en peu de temps l'essence d’une vigne, en lout ou en partie; varier la proportion des cĂ©pages quelle contient; en introduire de nouveaux ; donner Ă  chaque espĂšce le sol et l’exposition qui lui conviennent le plus; opĂ©rer ainsi la sĂ©paration des espĂšces dans une vigne dĂ©jĂ  faite , le tout avec la certitude de ne perdre qu’une partie d’une seule rĂ©colte car un grand nombre de gretĂźes portent du fruit dĂšs la premiĂšre annĂ©e; tels sont les principaux avantages de la greffe de la vigne; mais ce ne sont pas les seuls. Les effets de la greffe ne se bornent pas Ă  reproduire l’espĂšce qui l’a fournie. Celle-ci Ă©prouve toujours quelques modifications par l’influence du sujet sur lequel on l’a insĂ©rĂ©e ; et, dans la plupart des cas, ces modifications sont avantageuses. La greffe serait peut-ĂȘtre un moyen d'affranchir la vigne de ces affreux goĂ»ts de terroir qui infectent les vins de tant de contrĂ©es. Toutes les greffes sur la vigne que j’ai vu pratiquer en France cl ailleurs, se font sur le sol ou y sont PAR LENOIR. 167 plongĂ©es. El les greffes en lerre se font soit sur le tronc ravalĂ© jusques Ă  peu de distance des premiĂšres racines, soit sur les principaux sarmens que l’on couche ensuite avec tout le cep, en laissant sortir les exlrĂ©mitĂ©es des greffes comme des provins. Il est facile de concevoir l'Ă©norme diffĂ©rence qui doit exister entre les rĂ©sultats de ces deux maniĂšres de greffer. Ce n’est qu’en pratiquant la greffe sur le sol *fu on peut juger l’étendue de l’influence de la greffe sur la vigne. La greffe en terre dont l’effet est plus certain, est celle qu’on doit employer de prĂ©fĂ©rence, lorsqu’on se propose seulement de changer la nature °u la proportion des cĂ©pages dont une vigne se compose, sans aucune vue d’amĂ©liorer, par ce moyen , Ce ux qu’on leur substitue. La greffe hors de terre, ne peut avoir un effet permanent que sur les vignes qui ne sont pas soumises au provignage; son effet n’est plus le mĂȘme sur les v, gnes provignĂ©es, parce que les sarmens nĂ©s de la greffe produisent alors des racines ; cependant si l’adhĂ©- ,e nce de la greffe au tronc est ancienne, 1 influence de celui-ci est bien loin d’ĂȘtre aussi complĂštement anĂ©antie que quand la formation des racines de la greffe est presque contemporaine de son insertion. La greffe en terre est trĂšs facile et son succĂšs est certain, lorsqu’elle est faite sur le jeune bois qu’on plonge en terre en couchant le cep et en ne laissant sortir q ue deux yeux de la greffe. On peut se contenir de tailler le sarment et la greffe en bec de flĂ»te , alongĂ©s de deux pouces Ă  deux pouces et demi, qu’on joint ensemble et qu’on attache avec un brin de jonc; CULTURE DE LA VIGNE 168 on enduit le tout avec un lut composĂ© d’un mĂ©lange de terre et de bouse de vache; on peut aussi fendre le sarment et y insĂ©rer la greffe taillĂ©e en forme de coin allongĂ©. La greffe rĂ©ussit encore mieux lorsque les deux sarmens sont taillĂ©s de la maniĂšre suivante. Le sarment est taillĂ© en bec de flĂ»te trĂšs court ; on lui fait ensuite, Ă  deux pouces ou deux pouces et demi en arriĂšre une entaille parallĂšle Ă  la section du bec de flĂ»te, et qui pĂ©nĂštre jusqu’à son centre ; on enlĂšve la moitiĂ© du bois depuis le bec de flĂ»te jusqu’au fond de l’entaille oblique. La greffe est prĂ©parĂ©e de la mĂȘme maniĂšre, de sorte qu’en la rapprochant du sarment, les deux partie s taillĂ©es s’ajustent avec exactitude et se trouvent en contact non seulement par leurs parties latĂ©ralles mais aussi par leurs extrĂ©mitĂ©es qui pĂ©nĂštrent dans les entailles obliques. La greffe doit ĂȘtre prise immĂ©diatement au-dessus de la crocette. L’époque la [plus convenable pour faire les greffes sous le sol, est celle oĂč la sĂšve commence Ă  ĂȘtre en mouvement; il vaut mieux l’anticiper que la dĂ©passer. La greffe hors de terre est plus difficile Olivier de Serres assure mĂȘme qu’il est trĂšs rare de la faire reprendre. Le sujet qui porte la greffe peut, selon sa nature , lui communiquer plus de vigueur ou rendre la saveur de ses fruits plus parfaite. PAR RENOIR. 169 CHAPITRE CINQUIÈME. DU MÉLANGE OU DE LA SEPARATION DES CEPAGES. Hans noire climat, les principes constiluans du moĂ»t extrait de chaque espĂšce de raisins, sont rarement dans les proportions convenables pour faire de bons Vins. Il y a des raisins oĂč le ferment est en excĂšs ; il y en a d’autres cela est surtout trĂšs commun dans le D'idi, oĂč il ne se trouve pas en proportion suffisante pour dĂ©composer toute la matiĂšre sucrĂ©e. La matiĂšre eolorante cl le principe astringent qui l’accompagne presque toujours, dominent dans certaines espĂšces ; d’autres sont presque sans couleur; quelques-unes s °nt plus disposĂ©es Ă  se charger d’un arĂŽme agrĂ©able; Un trĂšs grand nombre en sont dĂ©pourvues, mais ont d’autres qualitĂ©s qui compensent ce dĂ©faut, etc. Les raisins pĂ©chant ainsi, tantĂŽt par excĂšs, tantĂŽt P ar dĂ©faut d’un ou de plusieurs de leurs principes, il semble qu’on a dĂ» ĂȘtre naturellement conduit Ă  mĂ©- langer les cĂ©pages, pour compenser parce que les uns °ut de trop ce qui manque aux autres. Le motif qui parait avoir le plus influĂ© sur la composition des mĂ©langes de cĂ©pages, c'Ă©tait de rendre les rĂ©coltes moins variables, parce qu’on avait reconnu que toutes les espĂšces n’étaient pas frappĂ©es Ă©galement par les diverses natures d’intempĂ©ries. CULTURE DE LA VIGNE 17O Mais une circonstance qui a dĂ» contribuer beaucoup Ă  la formation de mauvais mĂ©langes de cĂ©pages, surtout dans les vignobles oĂč les espĂšces sont peu nombreuses, c’est la nĂ©cessitĂ© oĂč l’on a cru ĂȘtre de n’y introduire que celles dont les raisins mĂ»rissent Ă  la mĂȘme Ă©poque. Et cette nĂ©cessitĂ© ne rĂ©sulte que du mode de plantation, qui rĂ©unit pĂȘle-mĂȘle toutes les espĂšces, et du prĂ©jugĂ© qui suppose que toutes les espĂšces de raisins nĂ©cessaires pour produire du vin de bonne qualitĂ©, doivent fermenter ensemble. Si tous les cĂ©pages Ă©taient cultivĂ©s sĂ©parĂ©ment, la simultanĂ©itĂ© de maturation importerait fort peu ; les raisins de chaque espĂšce seraient cueillis Ă  l’époque prĂ©cise de leur maturitĂ© complĂšte, et on mĂ©langerait ensuite les vins de chaque cuvĂ©e dans les proportions que l'expĂ©rience ferait reconnaĂźtre comme les plus convenables. Pour que la combinaison de ces vins soit parfaite , il faut que le mĂ©lange en soit fait pendant que la fermentation insensible subsiste encore. Si cette fermentation Ă©tait terminĂ©e, il faudrait la faire renaĂźtre, en ajoutant au mĂ©lange un peu de moĂ»t conservĂ© Ă  cet effet par le mutage. La nĂ©cessitĂ© d’obtenir la simultanĂ©itĂ© de maturation de tous les cĂ©pages, et l’habitude de faire cuver ensemble tous les raisins, quoique leur maturitĂ© ne soit jamais rigoureusement simultanĂ©e, sont deux inconvĂ©niens attachĂ©s Ă  la mĂ©thode qui confond dans une mĂȘme vigne plusieurs espĂšces de cĂ©pages; il y en a une foule d’autres dont voici les principaux PAR ÎÆÎsOIR. * 7 * i° Dans les vignes qui se multiplient et se renouvellent par le provignage, si une espĂšce est plus vigoureuse que les autres, elle donne plus de provins. Il rĂ©sulte de lĂ  que, toutes les fois que l’on provigne, °n change la proportion primitive des espĂšces. 2° Parmi les variĂ©tĂ©s de sol, il y en a qui conviennent. davantage Ă  telles espĂšces qu’à telles autres. 3° Il en est de mĂȘme relativement Ă  l’exposition, il y a des cĂ©pages qui supportent mieux une exposition l'oins favorable. 4° U y a des espĂšces de vignes qui se plaisent davan- ,a ge dans la partie la plus basse ; d’autres dans la par- be moyenne, et quelques-unes qui supportent mieux la partie la plus Ă©levĂ©e. 5° La mĂȘme taille, les mĂȘmes engrais, les mĂȘmes es paces, la mĂȘme culture ne conviennent pas Ă©galement Ă  tous les cĂ©pages. 6° La maturitĂ© des raisins est beaucoup plus inĂ©gale dans une vigne dont les plants sont mĂȘlĂ©s, que s’ils liaient cultivĂ©s sĂ©parĂ©ment, chacun sur le sol et Ă  l’cx- Positio n qui lui conviennent le plus. On Ă©vite tous ces inconvĂ©nicns en plantant sĂ©parĂ©- ment chaque cĂ©page. La culture sĂ©parĂ©e des espĂšces de vignes prĂ©sente de si grands avantages, qu’il est difficile de concevoir pourquoi elle n’a pas Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralement adoptĂ©e. La raison q u ’en donne Columelle, est tirĂ©e de la difficultĂ© de l’opĂ©ration en elle-mĂȘme. Il avoue qu’il n’avait pu gagner sur ses gens de se conformer Ă  cette mĂ©thode, et quelle n’avait, jamais CULTURE DE LA VIGNE 172 Ă©tĂ© pratiquĂ©e par aucun de ceux qui l’avaient le plus approuvĂ©e avant lui. Olivier de Serres donne les mĂȘmes prĂ©ceptes, mais en vain ; car partout oĂč le vin est le produit de plusieurs espĂšces de raisins, les cĂ©pages qui les portent, sont confondus pĂȘle-mĂȘle dans la mĂȘme vigne. CHAPITRE SIXIÈME. DE LA PLANTATION DE LA VIGNE. PrĂ©paratifs de la plantation. Quel que soit le port qu’on se propose de donner Ă  la vigne, le terrain destinĂ© Ă  la recevoir doit ĂȘtre entiĂšrement dĂ©foncĂ©. La profondeur du dĂ©fonçage doit ĂȘtre subordonnĂ©e Ă  la nature des couches infĂ©rieures du sol. Si ces couches sont composĂ©es d’une argile tenace, de marne compacte ou de calcaire en feuillets, on se bornera Ă  en piocher fortement la surface, sans en mĂȘler les dĂ©bris avec la terre qui les recouvrait. Si au contraire ces couches sont de mĂȘme nature que la superficie du terrain , si mĂȘme Ă©tant de nature diffĂ©rente elles peuvent former, par leur mĂ©lange avec la couche supĂ©rieure, une terre plus meuble, plus substantielle, en un mot plus propre Ă  la vigne, le dĂ©fonçage sera poussĂ© jusqu’à un pied et PAR RENOIR. 1^3 demi et mĂȘme jusqu'Ă  deux pieds, si l'on ne craint pas un surcroĂźt de dĂ©pense, dont on sera du reste amplement indemnisĂ© par la vigueur avec laquelle se dĂ©veloppera la nouvelle vigne, et par sa longue durĂ©e. Dans ces cas, toutes les terres remuĂ©es seront mĂ©langĂ©es ensemble. Ce travail doit ĂȘtre fait un an au naoins avant la plantation de la vigne, pour que les ‱erres qui jusque lĂ  avaient Ă©tĂ© soustraites au contact de T air, aient le temps de se mĂ»rir. Cette maturitĂ© de la terre est parfaite, lorsqu'aprĂšs 1 avoir dĂ©foncĂ©e et fumĂ©e Ă  demi, on y sĂšme du sainfoin dont on fait deux rĂ©coltes, et qu’on retourne Ă  la fin de la seconde annĂ©e, pour prĂ©parer la terre Ă  recevoir la vigne. Le moment du dĂ©fonçage est aussi celui de donner a la terre les amendemens que sa nature comporte; des marnes, des graviers, des cendres, des poussiĂšres fie chemins, des dĂ©combres de bĂąlimens, si la terre est trop argileuse; des terres d’alluvion, des vases d’é- tan g, des argiles lĂ©gĂšres, si elle est trop calcaire ou lr °P siliceuse. Le dĂ©fonçage mĂȘle intimĂ©ment toutes ees substances. Si le terrain qu’on veut planter porte une vigne qui a cessĂ© de produire, il faut en arracher avec soin tQ utes les racines, et cette opĂ©ration exĂ©cutĂ©e complĂštement Ă©quivaut Ă  un dĂ©fonçage. Mais malgrĂ© cette prĂ©caution, une nouvelle vigne prospĂ©rerait peu dans u u tel terrain, s’il n’était pas auparavant soumis, pendant quelques annĂ©es, Ă  une autre culture. Si le S °1 est entiĂšrement Ă©puisĂ© par une culture sĂ©culaire CULTURE DE LA VIGNE *74 de la vigne sans engrais, il faut avant de le dĂ©foncer, le couvrir d’une grande quantitĂ© de bon fumier Ă  demi consommĂ©, pour qu’il puisse se mĂ©langer imimĂ©ment avec la terre pendant le dĂ©fonçage. Ensuite on sĂšme du sainfoin, auquel on fait succĂ©der une rĂ©colte d’avoine. Une derniĂšre rĂ©colte sarcelĂ©e est indispensable pour dĂ©barrasser le sol de toutes les mauvaises herbes. Plus l’engrais dont on surchargera la terre au moment du dĂ©fonçage sera persistant de sa nature, mieux il remplira le but; celui de rendre au sol ce qu’une trop longue vĂ©gĂ©tation de la vigne lui a enlevĂ©. Sous ce rapport, on doit donner la prĂ©fĂ©rence aux engrais dont l’action est peu forte, parce que leur dĂ©composition est lente tels sont surtout les fragmens de cornes et d’os, les copeaux de bois, les brindilles d’arbres et d’arbrisseaux, leurs feuilles, etc. Quant aux vignes communes qu’on fume souvent, ce n’est jamais par Ă©puisement du sol qu elles pĂ©rissent, mais par l’effet d’une taille trop alongĂ©e qui les surcharge tous les ans de bois et de fruits lorsqu’on arrache ces vignes, il suffit de tenir le sol en prairie artificielle pendant quelques annĂ©es, pour qu’il redevienne propre Ă  porter une nouvelle vigne. § 2. Mode de plantation. Depuis Olivier de Serres , rien n’a changĂ© sous ce rapport et chaque contrĂ©e Ă  conservĂ© sa maniĂšre de planter la vigne. PAR ÏÆTSOIR. l?5 Dans le midi, la mĂ©thode la plus gĂ©nĂ©rale est de faire avec la taravelle, un trou profond de i5 Ă  18 pouces et d’y insĂ©rer verticalement la crocette ou le plant enracinĂ©, le trou est ensuite rempli avec de la ‱erre meuble comme ce trou est conique, les racines des chevelues ne pourraient pĂ©nĂ©trer jusqu’au fond sans ĂȘtre rebroussĂ©es, aussi est-on dans l’habitude de les couper. D'autres creusent des fosses qui ont la dimension des intervalles qu’on veut laisser entre les ceps, et ils plantent une crocette ou une chevelue aux quatre angles dans ce cas le plant est couchĂ©. Par cette mĂ©thode, une moitiĂ© seulement du terrain se trouve dĂ©foncĂ©. Enfin, pour les vignes les mieux soignĂ©es, on ouvre des tranchĂ©es dans toute la longueur du terrain et on y couche le plant, soit crocettes, soit chevelues. Quelquefois ces tranchĂ©es sont ouvertes sur un terrain dĂ©foncĂ©. Dans le nord, la plantation dans des tranchĂ©es est gĂ©nĂ©ralement en usage. Le plant y est toujours couchĂ©; ° n ne dĂ©fonce pas le terrain qui sĂ©pare deux tranchĂ©es, mais comme cet intervalle est ensuite rempli de ceps par le provignage du plant, les fosses qu’on es t obligĂ© de faire pour coucher les ceps, Ă©quivalent Ă  u n dĂ©fonçage complet quoique successif. De tous ces modes, le meilleur, sans contredit, est ta plantation en tranchĂ©e, avec cette distinction cependant, que, dans les contrĂ©es oĂč le provignage n 7 Ăą lieu que pour remplacer les ceps morts ou de mauvaise nature, la totalitĂ© du terrain doit ĂȘtre dĂ©foncĂ©e ; CULTURE DE LA VIGNE 176 tandis qu’on peut s’en dispenser jusqu’à un certain point, dans les pays oĂč la vigne est propagĂ©e ou pĂ©riodiquement renouvellĂ©e par le provignage. La plantation Ă  la taravelle, Ă  moins qu elle n’ait lieu dans une terre naturellement meuble ou profondĂ©ment dĂ©foncĂ©e, est une mauvaise pratique; car, lorsque la terre est compacte, les racines qui sortent de la partie infĂ©rieure de la crocette ne pouvant s’étendre, pĂ©rissent, et le plant ne vĂ©gĂšte plus que par des racines superficielles. PlantĂ© avec la taravelle, le plant enracinĂ© redevient, une vĂ©ritable crocette, puisqu’on est obligĂ© d’en retrancher toutes les racines. Cependant le plantoir a un certain avantage dans les terres meubles ou ameublies ; c’est qu’il oblige Ă  placer la crocette verticalement. La’ plantation en fosses isolĂ©es, dans lesquelles on dĂ©pose plusieurs plants, est fort mal entendue. Ces plants trouvant la terre de la fosse plus meuble que celle qui l’entoure, y jettent toutes leurs racines qui s’entremĂȘlent et se nuisent mutuellement. La plantation Ă  tranchĂ©es continues serait parfaite, si au lieu d’y coucher le plaut, on le mettait dans une position verticale ; lorsqu’aprĂšs avoir couchĂ© le plant on le relĂšve Ă  angle droit le long du bord de la tranchĂ©e , il se casse en tout ou en partie. Un autre inconvĂ©nient plus grave, qui rĂ©sulte nĂ©cessairement de la mĂ©thode de coucher le plant, c’est qu’il faut le tailler sur sa partie la plus Ă©levĂ©e qui ne produit toujours que de faibles bourgeons. PAR LENOIR. 177 La plantation de la vigne en tranchĂ©es, prĂ©sente ‱ant d’avantages dans tous les climats, qu’on a le droit fie s’étonner de ce qu’elle n’est pas adoptĂ©e gĂ©nĂ©ralement. Dans le nord, elle met le jeune plant Ă  l’abri des gelĂ©es; dans le midi, elle le prĂ©serve en partie des effets fies longues sĂ©cheresses. Partout elle est le moyen le plus sur de forcer la vigne Ă  Ă©tendre ses plus fortes racines dans la profondeur du sol ce qui lui assure Un e existence plus forte et plus longue. Le prĂ©jugĂ© assez gĂ©nĂ©ral qui existe contre le plant enracinĂ©, me paraĂźt tenir Ă  la nature de celui qu’on e mp]oie ordinairement et qui provient toujours du provignage. Un tel plant est Ă  la vĂ©ritĂ© bien pourvu de racines, mais il ne subsistait pas de ses racines seules, il Ă©tait alimentĂ© en grande partie par le cep qui l’avait produit et auquel il tenait encore ; sĂ©parĂ© brusquement flu cep nourricier et maltraitĂ© dans ses racines propres ffu’on est obligĂ© de couper trĂšs court, quand on ne les supprime pas tout-Ă -fait , ayant de plus une plaie a cicatriser, il n’est pas trĂšs Ă©tonnant que ce plant se c °mporte mal et que la vigne qui en provient n’ait fJ 11 une courte durĂ©e. L n’en est pas de mĂȘme des crocettes enracinĂ©es flans une pĂ©piniĂšre; ce plant vĂ©gĂšte par lui-mĂȘme ; Cest un arbrisseau fait, et qui, comme tous ceux qui sont destinĂ©s Ă  porter du fruit, gagne toujours Ă  la transplantation qu'il supporte d’ailleurs facilement. Ayant la pĂ©piniĂšre chez soi, on en peut lever le plant a mesure du besoin et le replanter de suite; on a ainsi la certitude qu’aucun ne manquera. 12 CULTURE DE LA VIGNE 178 CHAPITRE SEPTIEME. PORT DE LA VIGNE. Olivier de Serres explique clairement ce que j’entends par port de la vigne. ' Mais je crois qu’il s’esl trompĂ© en affirmant qu’il n’existait pas de son temps en France, des vignes traĂźnant et rampant Ă  terre; il en existe de telles aujourd’hui dans quelques-uns de nos dĂ©partemens de l’ouest, et, de ce qu’il en existe aujourd’hui, on peut hardiment conclure qu’il en existait Ă  la fin du quinziĂšme siĂšcle; car il est remarquable qu’aucune culture n’a moins changĂ© que celle de la vigne. Columelle dĂ©crivait, il y a dix-huit-cents ans, les diverses maniĂšres de conduire la vigne dans les provinces dĂ©pendantes de l’empire romain, notamment dans les Gaules, et ces modes sont encore ceux que nous suivons aujourd’hui. Ces modes sont tous trĂšs diffĂ©rensdeceux qui Ă©taient en vigueur en Italie; d’oĂč l’on pourrait induire, ce me semble, que la culture de la vigne existait dans nos provinces mĂ©ridionales avant l’occupation des Romains ; car, lorsqu’on transporte un vĂ©gĂ©tal, on transporte aussi le systĂšme de culture auquel il Ă©tait soumis dans le pays d’oĂč on l’a tirĂ©. 1 Voyez page 92. PAR EENOIR. 79 I. Vignes rampantes. Le motif que l'on allĂšgue aujourd'hui pour justifier cette culture de sauvages, dans nos dĂ©partemens de l’ouest, est celui de soustraire la vigne Ă  l’action du Ve nt; partout oĂč la vigne est traĂźnante, le vin est de la plus basse qualitĂ© et, presque sans exception, infectĂ© de goĂ»ts de terroir dĂ©testables. II. Vignes sans appuis. La vigne soutenue d’elle-mĂȘme sur sa tige et pied, es t dominante dans nos dĂ©partemens mĂ©ridionaux, fi' est ce qu’OIivier de Serres appelle assez improprement vignes basses, car sa tige est presque toujours plus haute que celle de la vigne Ă©chalassĂ©e, et ses rai- s,r >s sont au moins aussi Ă©loignĂ©s de terre. Ces vignes sont 1res sujettes Ă  ĂȘtre ravagĂ©es par le v ent qui casse leurs sarmens et flĂ©trit les raisins ; cet mconvĂ©nient, est devenu plus grave depuis Olivier de S^res, par le dĂ©boisement successif de tous les sommets qui se continue encore. CULTURE DE LA VIGNE i8o III. Vignes Ă©chalctssĂ©es. Les vignes Ă©chalassĂ©eS qu’Olivier de Serres qualifie de moyennes, sont gĂ©nĂ©ralement en usage dans le nord et dans l'intĂ©rieur de la France; on les plante en tranchĂ©es sĂ©parĂ©es l’une de l’autre, par des espaces assez larges pour recevoir la terre qui provient de la fouille. Les tranchĂ©es sont ouvertes plusieurs mois au moins, et, ce qui est mieux encore, un an avant la plantation. Elles ont ordinairement 8 Ă  10 poures de profondeur , y compris la couche de terre ameublie qu’on met sous le plant on devrait leur, donner 12, i 5 et mĂȘme 18 pouces de profondeur,, lorsque la, nature, du sol le permet. A mesure que le plant s’élĂšve, on comble les tranchĂ©es ; et lorsqu’il a acquis une force suffisante, on le provigne pour remplir les interyalles qui existent d’ une tranchĂ©e Ă  l'autre. Pour cela, on creuse aussi profondĂ©ment que la vigne a Ă©tĂ© plantĂ©e, et on couche lu cep dans cette fosse oĂč l'on Ă©tend aussi dans toutes les directions les sarmens destinĂ©s Ă  propager la vigne. Il est trĂšs essentiel que le provignage se fasse toujours profondĂ©ment , afin que les troncs et les sarmens couchĂ©s, n’empĂȘchent pas de donner toute la profondeur nĂ©cessaire aux labours. PAR 1BI Pendant les quatre ou cinq ans qui s'Ă©coulent Ă©ntre la plantation et le provignage, le terrain des intervalles qui forme prĂšs des deui tiers de la surface, est utilisĂ© par quelque culture dont le produit paie a peu prĂšs l’entretien de la nouvelle plantation. Chaque cep est soutenu par un Ă©chalas, autour duquel on relĂšve et on attache Ă  plusieurs reprises les sarrnens. Les ceps n’ont ni alignement, ni intervalle fuce, 1 intervalle moyen varie entre i8 pouces et 2 pieds , d’oĂč il suit que chaque hectare contient de il\ Ă  4o,ÛOO Ceps. On ne laisse jamais le tronc de la vigne Ă©ehalassĂ©e Prendre beaucoup de grosseur, ni une Ă©lĂ©vation qui fuirait Ă  la maturitĂ© du raisin ; on le provigne avant ce temps ; et, comme cette opĂ©ration se fait chaque annĂ©e sur un certain nombre de ceps, la vigne, au bout d’un certain temps, se trouve renouvellĂ©e en entier. La pĂ©riode dans laquelle s’opĂšre le renouvellement total delĂ  vigne, est plus ou moins longue; suivant les localitĂ©s ; sa durĂ©e varie de 4 Ă  20 ans; ! La vigne Ă©ehalassĂ©e est certainement la plus pro^ duçtive ; lorsqu’elle est composĂ©e de bons plants et bien conduite, le vin qu’elle produit, mĂȘme dans .le nord, peut soutenir la comparaison avec celui qu’on rĂ©colte sur les vignes soumises Ă  tout autre port, dans les contrĂ©es de la France les plus favorisĂ©es par le climat. Elle doit l’abondance de ses produits au grand nombre de ceps qui sont contenus sur une modique surface, et au rajeunissement pĂ©riodique qu'elle CULTURE DE LA VIGNE 182 Ă©prouve par l’effet du provignage. La frĂ©quence des labours et des autres façons qu’on peut toujours lui donner, parce qu’elle est toujours accessible, y contribue aussi pour beaucoup. Quoique le provignage opĂšre un vĂ©ritable rajeunissement de la vigne, qui se manifeste par plus de vigueur et d’abondance, il ne paraĂźt pas cependant qu elle perde par lĂ , la maturitĂ© qu’elle avait acquise par un long Ăąge ; ses produits diffĂšrent peu en qualitĂ© de ce qu’ils Ă©taient auparavant, et cette diffĂ©rence trĂšs lĂ©gĂšre s’efface en peu d’annĂ©es ; d’ailleurs, comme il n’y a toujours qu’une faible proportion de ceps qui sont provignĂ©s chaque annĂ©e, et que tous les produits d’une vigne sont confondus ensemble, le produit moyen qui en rĂ©sulte est toujours le mĂȘme, sauf les variations produites par la diffĂ©rence des saisons; aussi voit-on des vignobles qui jouissent d’une cĂ©lĂ©britĂ© incontestĂ©e, conserver leur antique rĂ©putation, quoique l’usage de les provigner remonte Ă  une Ă©poque inconnue. Le provignage, bien entendu et exĂ©cutĂ© avec soin, est un moyen sĂ»r de rendre la vigne presque Ă©ternelle et par consĂ©quent d’éviter la dĂ©gĂ©nĂ©ration des cĂ©pages qu’on remarque toujours lorsqu’on en replante les boutures, surtout dans le terrain qui a portĂ© les ceps d’oĂč elles proviennent. Olivier de Serres , malgrĂ© la prĂ©vention bien naturelle qu’il devait avoir en faveur des vignobles de nos contrĂ©es du midi, oĂč il habitait, reconnaĂźt les avantages des vignes Ă©chalassĂ©es, et s’étonne avec raison PAR LKISOIR. l83 de ce que l’usage d'un mode de culture si profitable ne s Ă©tait pas rĂ©pandu dans nos provinces du midi. Si les conseils d'Olivier de Serres n'ont pas Ă©tĂ© suivis dans nos provinces mĂ©ridionales, c’est moins le dĂ©faut de bois qu’il faut en accuser, que l’ignorance des cul- ‱‱valeurs et leur attachement invincible aux vieilles P r atiques, ignorance et attachement aveugle qui ont Peu diminuĂ© depuis l’époque d'Olivier de Serres, et 4° d faut attribuer pour beaucoup Ă  la tenue des terres e u mĂ©tairies, ou Ă  leur exploitation parce qu’on appelle des maĂźtres valets sous la direction des propric- ’atres; systĂšme qui prĂ©vaut dans toutes ces contrĂ©es. Presque partout le colon partiaire pouvant ĂȘtre expulsĂ© Ă  la fin de chaque annĂ©e , sa prĂ©voyance s’é- *end rarement au delĂ  d’une rĂ©colte ; il fait ce qu'il a toujours fait et rien de plus ni autrement. De son cĂŽtĂ© le propriĂ©taire est peu disposĂ© Ă  faire des avances dont il faudrait qu'il partageĂąt le produit , vec son mĂ©tayer. De maĂźtre-valet n’est qu’un homme Ă  gages, qui prend nĂ©cessairement peu d’intĂ©rĂȘt Ă  l’amĂ©lioration de la culture; il fait ce que prescrit le propriĂ©taire , souvent trĂšs peu instruit. De lĂ  une culture misĂ©rable 01 des produits proportionnĂ©s Ă  l’état de la culture. P y a au surplus de nombreuses exceptions Ă  ce que je viens de dire sur la culture des vignes du midi. Dans les vignobles qui produisent des vins recherchĂ©s, * es propriĂ©taires dirigent avec un soin extrĂȘme la cuivre, et ils sont parvenus Ă  obtenir des amĂ©liorations dans la qualitĂ©, ou des accroissemcns dans la quan- *>tĂ©, et quelquefois les unes et les autres. CULTURE DE LA VIGNE 184 Mais ces exemples font, peu de prosĂ©lytes ainsi la culture du MĂ©doc qui est excellente, n’a presque pas dĂ©passĂ© les limites du dĂ©partement de la Gironde, quoiqu’elle soit applicable partout. C’est surtout aux causes que j’ai indiquĂ©es qu'il faut attribuer la persistance dans un systĂšme de culture ; il s’en joint encore un autre qui agit puissamment ; c'est le bas prix du vin dans tout le midi. IV. Vignes en treilles. Il me reste Ă  parler des vignes en treilles, qu’on peut distinguer en hautes, moyennes et basses. Les premiĂšres s’élĂšvent jusqu’à huit et neuf pieds; les lignes sont toujours sĂ©parĂ©es par de grands intervalles, dans lesquels on cultive des cĂ©rĂ©ales ou des lĂ©gumes; ces vignes produisent beaucoup, mais donnent toujours du vin mĂ©diocre. Les raisins blancs mĂ»rissent mieux et acquiĂšrent plus de qualitĂ© en treilles que les. noirs. Les observations ci-dessus s’appliquent aussi aux treillages dont la hauteur ne dĂ©passe pas trois, quatre et cinq pieds. Les produits sont d’autant meilleurs que le treillage est plus bas, ce qui suppose que ces lignes sont plus rapprochĂ©es. Enfin les treillages qui ne s'Ă©lĂšvent qu’à un pied de hauteur ont presque tous les avantages des vignes Ă©chalassĂ©es ; et, pourvu que les rangĂ©es de ceps soient espacĂ©es au moins de deux pieds Ă  deux pieds et demi, PARLENOIR. l85 ° n peut les labourer el mĂȘme les biner avec une petite charrue Ă  un cbeval. Ces treillages sont fort simples ; ils consistent en une sĂ©rie de piquets Ă©levĂ©es de terre de un pied au plus, et liĂ©s enlr’eux par des perches lĂ©gĂšres. Un cep est attachĂ© Ă  chaque piquet, et les deux branches qu’on lui laisse au moment de la taille, sont Ă©tendues sur les perches en les courbant lĂ©gĂšrement. C’est ainsi que sont tenues la majeure partie des Vl gnes du-MĂ©doc et des Graves. LĂ  les rangĂ©es et les Ce ps sont espacĂ©s de trois pieds ; mais si celte culture, qui est trĂšs Ă©conomique sous le rapport de la consommation du bois, Ă©tait adoptĂ©e dans le nord, je crois qu’en conservant le mĂȘme intervalle entre les ceps dans le sens des lignes, il conviendrait de diminuer de prĂšs de moitiĂ© l’espace qui sĂ©pare les rangĂ©es. Nos v, gnes du nord semblent redouter une trop rapide Clr culation de l’air entre les ceps toutes les tentatives laites au nord du 48 e degrĂ©, pour augmenter l’inter- v alle entre les ceps, n’ont jamais Ă©tĂ© suivies de rĂ©sultats satisfaisans. Les vignes en treilles basses seraient trĂšs bien pla- c ees sur les pentes des cĂŽteaux, oĂč on pourrait rapprocher les vignes sans craindre qu'elles projetassent lune sur l’autre une ombre nuisible. CULTURE DE LA VIGNE 186 CHAPITRE HUITIEME. DES ENGRAIS ET DES AMEN DEMENS , ET DE LEUR INFLUENCE SUR L’AROME DES VINS. La vigne est peut-ĂȘtre, le tous les vĂ©gĂ©taux qui vivent sous notre climat, celui qui tire de la terre le plus de substance pour sa nourriture on peut en juger par l’abondance de la sĂšve qui s’écoule, avant que sa vĂ©gĂ©tation se soit dĂ©veloppĂ©e, de toutes les plaies qui lui ont Ă©tĂ© faites par la taille. Cette propriĂ©tĂ© qu’ont les vĂ©gĂ©taux d’absorber tout ce qui est Ă  l’état de solution dans le sol, explique jusqu’à un certain point l’influence exercĂ©e par les fumiers Ă  l Ă©tal de putrĂ©faction, sur les produits de la vigne. Celle-ci absorbe par ses racines, la partie de ces fumiers la plus infecte, parce que c’est prĂ©cisĂ©ment la plus soluble. Il est vrai que les substances absorbĂ©es parles racines sont ensuite digĂ©rĂ©es, si l’on peut s’exprimer ainsi, par les autres organes ; les unes sont assimilĂ©es et deviennent parties constituantes de la vigne; les autres sont expulsĂ©es par les organes sĂ©crĂ©toires; mais malgrĂ© tout ce travail intĂ©rieur, il est impossible de ne pas admettre qu’il y a des substances, les arĂŽmes, par exemple, qui Ă©chappent Ă  l’action des forces difirestivps vĂŽqĂ©iales. PAH RENOIR. 87 L action des engrais infects ne se borne pas Ă  introduire dans la sĂšve de la vigne, des substances qui, plus ou moins modifiĂ©es, pĂ©nĂ©treront dans le raisin et lui communiqueront le germe d’un arĂŽme dĂ©sagrĂ©able elle peut aussi changer la proportion de ses parties constituantes. L action de l’engrais vĂ©gĂ©to-animal non dĂ©composĂ© est forte et persistante ; c’est Ă  cause de cela qu’on le prĂ©fĂšre ; c’est cependant ce qui devrait le faire exclure. effet de cet engrais est de dĂ©velopper dans la vigne u ne vĂ©gĂ©tation trop vigoureuse et trop prolongĂ©e , qui n uu Ă  la qualitĂ© et Ă  la maturitĂ© du fruit. C’est une remarque qû’on peut faire sur toutes les vignes qui °nt Ă©tĂ© fortement fumĂ©es avec cette espĂšce d’engrais e lles vĂ©gĂštent encore au moment oĂč on ne peut plus retarder la vendange, et cependant le raisin n’est pas ’Uur, il es t aqueux, acide et fort peu sucrĂ©. Il y a au surplus des cĂ©pages qui supportent mieux ^ er >grais que les autres. Les ra ; s ; ns ne peuvent-ils pas aussi absorber les Variations putrides qui se dĂ©gagent des fumiers non rĂ©duits en terreau? Letle absorbtion n'aurait-elle pas lieu dans cette c °uche de poussiĂšre trĂšs fine et peu adhĂ©rente qui ,ec °uvre les raisins Ă -l’cpoque de leur maturitĂ©? Je ne Prescrite ces idĂ©es que comme des conjectures. Les vignes qui produisent des vins renommĂ©s 11e doivent recevoir aucun engrais vĂ©gĂ©to-animal, dont I e ffet est toujours d’augmenter la quantitĂ© du vin aux dĂ©pens de sa qualitĂ©. Des terres analogues Ă  celles du CULTURE DELA VIGNE 188 sol que la vigne occupe, sont le seul amendement qu’on est dans l’usage de leur donner. On pourrait aussi faire des mĂ©langes de terres avec du terreau, et aprĂšs les avoir laissĂ©s long temps mĂ»rir Ă  l’abri du soleil et d’une trop grande humiditĂ©, s'en servir pour amender des vignes prĂ©cieuses, dont la vieillesse a Ă©puisĂ© la force ; mais quand on a le bonheur d’avoir des vignes qui donnent des vins recherchĂ©s, et dont par consĂ©quent la vente est facile et avantageuse, il y a peut-ĂȘtre de la sagesse Ă  ne pas chercher mieux. Quant aux vignes qui produisent des vins aussi mĂ©diocres que ceux qu’on rĂ©colte dans la moitiĂ© au moins de nos vignobles, on peut tout tenter sur elles sans craindre de faire pis, et avec l’espoir d’obtenir des amĂ©liorations. Les mĂ©langes de terres prĂ©sentent le moyen le plus sĂ»r pour corriger les vices du sol et pour l’approprier Ă  la vigne; cela a Ă©tĂ© reconnu par les agronomes de tous les temps et cependant on a rarement recours Ă  l'emploi de ce moyen. 11 est reconnu gĂ©nĂ©ralement que plus le sol qui supporte une vigne est compliquĂ© dans sa composition , plus celle-ci prospĂšre ; on en a des exemples dans les terrains granitiques et volcaniques sur lesquels on rĂ©colte toujours de bons vins et en abondance. On ne saurait donc craindre de trop multiplier les Ă©lĂ©mens du sol vignoble les terres de toutes espĂšces, les cendres lessivĂ©es, les dĂ©combres de bĂątimens, pourvu qu’on en sĂ©pare les fragmens trop gros, ou qu’on les brise, les cendres de charbon de terre, la PAR RENOIR. 189 poussiĂšre de charbon de bois, le gravier calcaire, le laitier des forges, lorsqu’il est rĂ©duit en poudre, le 8ypse cru ou cuit, etc., sont d’excellens amendemcns P°ur Ja vigne. ĂŻ-»a terre de bruyĂšre maigre, et les gazons Ă©cobuĂ©s et brĂ»lĂ©s, conviennent surtout aux sols trop compactes 9u naturellement froids. Quant aux engrais, tout est bon les fumiers ordi-J ORires, les marcs de raisins, les gazons, les feuilles darbres, les herbes de toute espĂšce, les poussiĂšres et les boues des grands chemins, les vases des Ă©tangs; Çofin, sans aucune exception * toutes les matiĂšres animales et vĂ©gĂ©tales, et toutes celles qui contiennent des dĂ©tritus d’animaux et de vĂ©gĂ©taĂŒx. Mais pour que les engrais ne produisent pas un Mauvais effet sur les produits de la vigne, il est indispensable qu’ils aient exhalĂ© tous les miasmes infects 9 u i se dĂ©gagent tant qu’ils subissent la fermentation Putride; il faut, qu’ils soient dĂ©sorganisĂ©s complĂštement et rĂ©duits en terreau. ^oici la maniĂšre de obtenir une bonne fermentation. , ; On fait en terre, une fosse de la grandeur suffisante dans un endroit OmbragĂ©, et on amasse tout auprĂšs les substances terreuses de toutes espĂšces qui doivent servir d’excipient Ă  l’engrais. On a soin de bien mĂ©langer ces substances, parce lue c’est de ce mĂ©lange que dĂ©pend surtout l’inten- s, tĂ© de leur action ; cette fosse doit ĂȘtre disposĂ©e de maniĂ©rĂ© qu’elle ne puisse recevoir que les eaux ver- s ees par les pluies sur la surface. CULTURE DE LA VIGNE 19O Lorsque ces prĂ©paratifs sont terminĂ©s, on dĂ©pose dans la fosse les engrais de toute nature qu’on peut se procurer, on les Ă©tend en couches minces et on les recouvre d’une Ă©paisseur Ă©gale de terres mĂ©langĂ©es. Si celles-ci sont trop sĂšches, on les arrose avec de l’eau, et en quantitĂ© suffisante pour les humecter chaque fois qu’on jette de nouvel engrais dans la fosse, on l’étend, on le recouvre avec des terres, et on arrose si cela est nĂ©cessaire. Lorsque la fosse est Ă  moitiĂ© pleine, on pioche et on retourne toute la masse pour diviser ce qui ne l’est pas et pour renouveller les surfaces de contact ? on continue ensuite Ă  la remplir comme ci-dessus. Alors la seconde moitiĂ© est piochĂ©e et retournĂ©e comme la premiĂšre. Des bĂątons enfoncĂ©s dans la masse et qu’on retire de temps en temps, suffisent pour faire connaĂźtre l’état des couches infĂ©rieures s’ils sont abreuvĂ©s d’eau , c’est une preuve qu’on en a trop versĂ© ; dans ce cas, on pioche la superficie pour faciliter l’évaporation de l’eau surabondante. Si on juge que la masse est trop sĂšche, on l’arrose lĂ©gĂšrement Ă  plusieurs reprises, pour ne pas trop laver les couches supĂ©rieures. Les urines des animaux, si on avait le soin de les recueillir, seraient excellentes pour ces arrosemens ; elles accĂ©lĂ©reraient la fermentation , en agissant comme un vĂ©ritable ferment, par la facilitĂ© extrĂȘme avec laquelle elles se dĂ©composent. Au lieu de faire ce compost dans une fosse, on peut l’établir sur le sol cela est mĂȘme convenable dans les PAR IÆTMOIR. lyi terrains exposĂ©s Ă  recevoir des eaux qui s’écoulent d un point supĂ©rieur. Dans ce cas, la premiĂšre couche d’engrais est faite s ur le sol on la recouvre de terres mĂ©langĂ©es ; on fait une nouvelle couche de matiĂšres vĂ©gĂ©tales qu’on recouvre encore de terre et ainsi de suite. A mesure que le tas s’élĂšve, on en recouvre les cotĂ©s avec de la marne ou de la terre franche, ou avec Un mĂ©lange de l’un et de l’autre dĂ©layĂ© et pĂ©tri Ă  consistance de mortier ferme. Les cĂŽtĂ©s sont Ă©levĂ©s en talus rapide pour leur donner plus de stabilitĂ©. La masse peut ĂȘtre Ă©levĂ©e jusqu’à six pieds ; c'est- a 'dire jusqu’à la hauteur oĂč il est facile de projeter la terre avec une pelle. Le revĂȘtement extĂ©rieur se continue jusqu’au haut de la masse. Ces tas doivent rester une annĂ©e en place. Pendant Ce temps, on les arrose autant qu’il est nĂ©cessaire pour Maintenir la masse dans un Ă©tat d’humiditĂ© convenable. Au bout d’un an, chaque tas est piochĂ© et jetĂ© a la pelle, de maniĂšre que toute la masse soit changĂ©e d e place, cette opĂ©ration accĂ©lĂšre singuliĂšrement la dĂ©composition de toutes les substances qui peuvent avoir Ă©chappĂ© Ă  la fermentation. Six mois aprĂšs, le mĂ©lange peut ĂȘtre employĂ©. On accĂ©lĂšre encore la dĂ©composition de toutes les substances vĂ©gĂ©tales en les saupoudrant de chaux vive °u de cendres de chaufourniers, qui contiennent toujours une notable quantitĂ© de chaux. Cet engrais, lĂ©ger, mobile, mais abondant en prin- cipes nutritifs, se mĂȘle intimĂ©ment avec le sol ; il pĂ©nĂ©trĂ© dans toutes ses couches, et dissous facilement CULTURE DE LA VIGNE J 9 2 par les eaux pluviales, il offre aux racines les plus profondes l’aliment dont elles ont besoin, dans l'Ă©tat le plus favorable Ă  son absorbtion, La fibre ligneuse, quel que soit le vĂ©gĂ©tal et la partie du vĂ©gĂ©tal dont elle provient, dĂ©veloppe dans son Ă©tat de dĂ©composition, des odeurs assez suaves. La dĂ©composition en est trĂšs lente, et sous ce rapport cette substance serait trĂšs convenable aux vignobles. Des copeaux de chĂȘne, enfouis en mĂȘme temps que du fumier ordinaire, dans deux piĂšces de terre sĂ©parĂ©es, n’ont montrĂ© une action trĂšs sensible qu’à la troisiĂšme annĂ©e; mais cette action a eu une durĂ©e plus que double de celle du fumier. CHAPITRE NEUVIÈME. CULTURE ANNUELLE DE LA VIGNE. Ce chapitre sera divisĂ© en dix paragraphes, qui traiteronl de la taille, des labours et binages, de l’échalassage, de l’ébourgeonnage, de l’accolage ou palissage, de la rognure, de l’épamprement et du provignage; lfe dixiĂšme sera consacrĂ© Ă  la description de divers modes de culture en usage dans nos principaux vignobles. Chacun des neuf premiers paragraphes ne contien 1 - dra que des prĂ©ceptes gĂ©nĂ©raux dĂ©duits de l’expĂ©rience, et qui peuvent trouver leur application dans tous les modes dĂ© culture. PAR > 9-» Comme quelques-uns de ces modes sont plus particuliĂšrement bons Ă  connaĂźtre, j’en ai rĂ©uni les descriptions dans le dixiĂšme paragraphe. § 1 er . De la taille. L’opinion gĂ©nĂ©ralement adoptĂ©e est que la taille PrĂ©coce peut ĂȘtre bonne dans les contrĂ©es du midi, tĂŒais que les vignobles du nord ne peuvent supporter cpte la taille tardive. AprĂšs une’taille prĂ©coce , la vigne se dĂ©veloppe plus l ĂŽt au printemps, et sa vĂ©gĂ©tation est plus vigoureuse Un e taille tardive produit des effets contraires. Par la taille faite de bonne heure, la vigne est plus ex posĂ©e Ă  l’action des gelĂ©es tardives, mais aussi, si e he y Ă©chappe, elle a plus de temps pour mĂ»rir ses r aisins. Il est impossible d’établir sur la taille des rĂ©glĂ©s fl *es, applicables partout', et ce qu’on peut faire de Ql eux, c’est de se borner Ă  exposer des prĂ©ceptes gĂ©- n Ă©raux. Puisqu’une taille prĂ©coce est le moyen de dĂ©termi- lle r un dĂ©veloppement hĂątif et upe pousse plus vigoureuse, cette taille convient surtout, aux vieilles vignes el aux cĂ©pages faibles. Par la raison contraire, la taille tardive est utile aux jeunes vignes et aux cĂ©pages qui s’emportent Ă  pousser trop de bois; leur rabattant, comme dit Olivier de Serres, leur trop d'orgueil et luxure. i3 CULTURE DE LA. VIGNE >94 Les cĂ©pages dont la maturitĂ© est la plus tardive, devraient ĂȘtre les premiers soumis Ă  la taille, et Ă  l'inverse pour les cĂ©pages dont la maturitĂ© est prĂ©coce. Nouveau motif pour planter sĂ©parĂ©ment les cĂ©pages qui ne concourent pas ensemble Ă  toutes les Ă©poques de leur vĂ©gĂ©tation. Les vignes plantĂ©es en terrain Ă©levĂ©, sec et maigre, doivent ĂȘtre taillĂ©es plus tĂŽt que celles qui sont assises sĂŒr un sol bas et humide. Il est inutile de faire observer que le nombre des sarmens qui doivent ĂȘtre taillĂ©s pour porter fruit, sur chaque cep, doit ĂȘtre proportionnĂ© Ă  sa force; tous les cultivateurs savent cela ; mais une pratique essentielle Ă  laquelle ils ne se conforment pas assez, au moins dans les vignobles Ă©chalassĂ©s, c'est de diriger de bonne heure la taille, de maniĂšre que les coursons laissĂ©s sur chaque cep figurent un triangle , un carrĂ©, etc. Par cette disposition, les nouveaux jets de la Vigne, lorsqu’on les accole Ă  l’échalas, se trouvent sĂ©parĂ©s les uns des autres dans leur partie infĂ©rieure; ce qui facilite la circulation de l’air et l’action du soleil. Il n’en est pas de mĂȘme lorsque, tous les coursons Ă©tant placĂ©s du mĂȘme cĂŽtĂ©, il est impossible de relever les jets, sans les rĂ©unir en faisceau compacte. Si on Ă©puise la vigne, en la chargeant trop, on lui nuit au moins autant en ne la chargeant point en raison de sa force et de sa nature. Une vigne taillĂ©e trop court ou Ă  laquelle on n’a pas laisse assez de coursons, ne produit que des bois infertiles. PAR LETSOIR. 195 c est aussi fort souvent Ă  une taille peu proportionnĂ©e Ă  la force des ceps, qu'il faut attribuer la coulure. Dans le nord, oĂč le premier labour ne doit ĂȘtre donnĂ© Ă  la vigne que lorsque les jeunes pousses ont dĂ©jĂ  une certaine longueur, il faut la dĂ©chausser au Moment de la taille, pour dĂ©barrasser son pied de tous les drageons qui peuvent en ĂȘtre sortis. Cette opĂ©ration doit ĂȘtre faite avec soin, car rien ne nuit plus Ă  la vigne que ces pousses infĂ©rieures qui absorbent une partie de la sĂšve, au dĂ©triment des bourgeons a fruit on doit aussi couper au raz du tronc, toutes les petites racines superficielles, C’est le moyen de faire acquĂ©rir plus de force aux racines infĂ©rieures. Ces retranchemens doivent se faire Ă  la serpette. § 2. Des labours et binages. L’époque du premier labour Ă  donner Ă  la vigne doit varier suivant le climat. PliiS il est rigoureux, et surtout variable, plus ce labour doit ĂȘtre diffĂ©rĂ©. L’ameublissement de la terre a pour premier effet d accĂ©lĂ©rer la vĂ©gĂ©tation de la vigne ; cet ameublissement ne doit donc pas prĂ©cĂ©der l’époque oĂč la vigne peut vĂ©gĂ©ter, non pas sans dangers, mais avec des dangers moindres, qui sont compensĂ©s par l’espoir d Une maturitĂ© plus prĂ©coce. Un autre motif doit mĂȘme faire diffĂ©rer le premier labour, dans toutes les contrĂ©es sujettes aux gelĂ©es CULTURE DE LA VIGNE 196 lardives. C’est que la division du sol par le labour dĂ©termine plus rapidement la congĂ©lation de sa surface. C’est ce qu’on peut remarquer dans tous les hivers, en parcourant la campagne. Les sillons de labour sont toujours congelĂ©s avant les terres non remuĂ©es ; ils sont aussi les premiers qui se dĂ©gĂšlent. La surface du sol une fois congelĂ©e, les bourgeons ne tardent pas Ă  l’ĂȘtre, parce qu’ils perdent plus de calorique dans chaque instant , qu’ils 11’en peuvent recevoir par les racines. Si la vigne est exposĂ©e au levant et que le soleil se lĂšve sans nuages, tout ce qui est frappĂ© de ses rayons est perdu. Il est donc Ă©vident qu'en retardant le premier labour, on diminue les chances de dangers pour la vigne, mais aussi on retarde par lĂ  l’époque de la maturitĂ©. Il faut donc s’arrĂȘter Ă  un moyen terme, et surtout consulter les circonstances locales particuliĂšres Ă  chaque vignoble. Les vignes plantĂ©es dans des terrains froids et hu mides, ou en plaine, ou qui sont exposĂ©es aux premiers rayons du soleil levant, doivent ĂȘtre labourĂ©es le plus tard possible. Le premier labour doit toujours ĂȘtre donnĂ© par un temps chaud et assez assurĂ© pour qu’on puisse espĂ©rer qu’il ne pleuvra pas de quelques jours. La terre remuĂ©e s’imprĂšgne de la chaleur tout aussi facilement qu’elle la perd ainsi ce qu elle acquiert par un jour chaud, elle le restitue Ă  la vigne dans les nuits froides. Ce premier labour doit ĂȘtre donnĂ© Ă  six pouces au moins de profondeur. Rien n’est plus favorable Ă  la PA II H7 Vl gne qu’un profond labour, c’est le meilleur moyeu de la mettre Ă  l’abri des sĂ©cheresses, parce que la terre qui est bien ameublie retient les eaux pluviales. Le Profond labour dĂ©truit les racines superficielles et force les principales Ă  se plonger dans le sol, ce qui contribue puissamment Ă  la longue durĂ©e de la vigne. Le second labour, qu’on nomme ordinairement ^'nage, doit ĂȘtre donnĂ© lorsque les grains du raisin °nt deux ou trois lignes de diamĂštre. Il serait inutile de le faire plus tĂŽt, si le premier a eu toute la profondeur requise ; plus tard, le mouvement de la sĂšve, que le binage accĂ©lĂšre, attendrirait tr op les raisins, ce qui les exposerait Ă  ĂȘtre ce qu’on a Ppelle brĂ»lĂ©s. Une profondeur de trois pouces est suffisante pour ce binage qui. ainsi que toutes les autres opĂ©rations s ur la vigne, doit ĂȘtre exĂ©cutĂ© par un beau temps. Le second binage a surtout pour objet de nettoyer le terrain de toutes les mauvaises herbes ; il doit ĂȘtre trĂšs leger. Il y a des sols qui se couvrent d’herbes si licitement, qu’il est indispensable d’y faire en outre cle frĂ©quens sarclages; il faut choisir pour cela un jour chaud et sec, tant pour ne pas trop fouler la terre, que pour ĂȘtre certain que les herbes qu’on arrache et qu’on jette sur le sol ne recommencent pas Ă  vĂ©gĂ©ter. Un lĂ©ger binage donnĂ© quinze jours avant les vendanges, contribue Ă  accĂ©lĂ©rer la maturitĂ© des raisins. CULTURE DE LA VIGNE 18 § 3 . De l’échalassage. La nĂ©cessitĂ© imposĂ©e par le climat, de laisser peu de distance entre les ceps de la vigne pour y concentrer la chaleur, a rendu indispensable l'emploi des Ă©chalas dans toutes les contrĂ©es du nord sans ce Soutien, la vigne couvrirait la terre de ses pampres, et les rayons du soleil ne pourraient plus y pĂ©nĂ©trer. L’gchat et l'entretien des Ă©chalas occasionent de grandes dĂ©penses ; il est donc tout simple qu’on ait cherchĂ© les moyens d’en supprimer l’usage. M. Cavo- leau en indique trois. Le premier consiste Ă  relever tous les sarmens et Ă  les lier par les extrĂ©mitĂ©s. Il est pratiquĂ© dans quelques vignobles de la Haute-Loire, de l’Ain, du Maçonnais et des arrqndissemens de Perpignan, de Gray et de la Rochelle. Cette ligature des sarmens par les extrĂ©mitĂ©s a Ă©tĂ© essayĂ©e dans plusieurs vignobles du dĂ©partement de Seine et Oise, oĂč elle a Ă©tĂ© peu goĂ»tĂ©e, quoique la dĂ©pense en Ă©chalas y soit plus grande que partout ailleurs; c’est qu’il est beaucoup plus difficile de lier les bourgeons entr’eux sans les froisser, que de les attacher Ă  un support fixe; cette ligature, d’ailleurs, doit ĂȘtre faite plus tard que ne se ferait l’accolage, ce qui expose les bourgeons Ă  ĂȘtre cassĂ©s par le vent ; enfin la ligature ne garantit pas la vigne de l’action du vent çomrne l’échalas. FAR RENOIR. '99 Le second moyen qui se rapproche assez du premier, pour que les mĂȘmes objections lui soient applicables , consislc Ă  tailler la vigne en Ă©ventail, et Ă  lier b moitiĂ© des bourgeons d’un cep, avec la moitiĂ© de c eux d’un cep voisin. Le troisiĂšme moyen, proposĂ© par M. Cavoleau, ne Opprimerait pas la consommation de bois qui rĂ©sulte b l’emploi des Ă©cbalas, mais il la diminuerait de beaucoup. Le serait d’adopter le palissage Ă  vingt ou trente centimĂštres de hauteur tout au plus, qui est pratiquĂ© ^ an s le MĂ©doc. Mais dans nos provinces du nord, il serait Ă  craindre que les raisins ne parvinssent plus Ă  une maturitĂ© complĂšte. bans le nord, tout ce qui facilite une trop rapide circulation de l’air entre les ceps, nuit Ă  la maturitĂ©; Sa ns doute, parce que cette circulation diminue la chaleur du sol, en mĂȘme temps quelle durcit la peau les raisins. Il faut, pour ainsi dire, que l’air soit s,a gnant dans la vigne pour que la chaleur s’y concentre. On a essayĂ© plusieurs fois de planter la vigne en ra ngĂ©es espacĂ©es de dix-huit pouces Ă  deux pieds et. demi, et ces essais ont toujours d’autant plus mal rĂ©ussi que les intervalles Ă©taient plus grands. Les Ă©cbalas doivent ĂȘtre fichĂ©s aussitĂŽt que la vigne est taillĂ©e, et au plus tard, lorsque ses bourgeons commencent Ă  se dĂ©velopper; si on attendait davan- ,a ge, on risquerait d’abattre des bourgeons et en outre 0,1 priverait la vigne de l’abri que lui donnent les 200 CULTURE DE LA VIGNE Ă©chalas, dont les ombres projetĂ©es garantissent toujours une partie des bourgeons de l’action destructive des rayons du soleil aprĂšs une gelĂ©e. § 4 - De l'Ă©bourgeonnage. L’ébourgeonnage consiste Ă  retrancher tous les rameaux qui ne portent pas de fruit et qui ne sont pas nĂ©cessaires pour la taille suivante. On doit aussi consulter la force du cep ; car si dans les annĂ©es peu abondantes, on supprimait la majeure partie des pousses qui n’ont pas jetĂ© des grappes, le cep trop dĂ©garni repousserait de tous cĂŽtĂ©s de nouveaux bourgeons. Cette opĂ©ration qui est souvent confiĂ©e aux femmes et aux enfans, et qui exigerait la main d’un cultivateur intelligent, doit se faire lorsque les grappes sont bien visibles, mais toujours avant la floraison que rien ne doit troubler. L’ébourgeonnage produit-il les effets qu’on lui attribue? Contribue-t-il, en faisant porter toute la sĂšve dans les rameaux conservĂ©s, Ă  leur donner plus dç force et Ă  grossir les raisins ? C’est ce qui est probable, mais ce qui n’est pas encore dĂ©montrĂ© par des expĂ©riences positives. Quoi qu’il en soit, il est certain que l’ébourgeonnage est indispensable dans tous les vignobles Ă©chalas- sĂ©s, pour peu que la vigne soit plantĂ©e Ă  peu d’intervalle et surtout lorsqu’elle est vigoureuse. Si on n’ébourgeonnail pas dans nos pays du nord , les pampres rĂ©unis autour d’un seul Ă©chalas forme- PAR LENOIR. ‱201 raient un faisceau si Ă©pais, que les raisins n'y seraient Jamais frappĂ©s du soleil. Cependant lorsque les vignes sont anciennes et faibles, ce qui oblige Ă  les peu charger Ă  l’époque de la taille, elles peuvent, mĂȘme dans le nord, se passer 1 Ă©bourgeonnage. L Ă©bourgeonnage est absolument inconnu dans les dĂ©partemens des Bouches-du-RhĂŽne, du Cantal, de la Charente, de la Charente-InfĂ©rieure, d’Indre et Loire, de la Loire-InfĂ©rieure, des Deux-SĂšvres et de la VendĂ©e. Si de ces huit dĂ©partemens, on retranche celui d Indre-et-Loire, les sept autres sont au nombre de Ce x qui produisent les plus mauvais vins de France. L Ă©bourgeonnement est universel dans l’Aisne, les Avdennes, l’Aube, le Doubs, l’Eure, le Jura, le Loiret, la Marne, la Haute-Marne, la Meurtbe, la lieuse, la Moselle, la NiĂšvre, l’Oise, le Haut-Rhin, * a Haute-SaĂŽne, la Seine, Seine-et-Marne, Seine-et- Oise, les Vosges et l’Yonne, tous dĂ©partemens com- Pfs dans la rĂ©gion du nord; Et dans les Basses-Alpes, les Hautes-Alpes, l’Ar- deche, l’AriĂšge, la CorrĂšze, les Landes, le Lot, Lot- el '0atonne, le Puy-de-DĂŽme, les Basses-PyrĂ©nĂ©es et Tarn, tous dĂ©partemens compris dans la rĂ©gion du tdi, usais dont la plupart sont situĂ©s sous un climat pius rigoureux que leur latitude ne semble le comporter. Hans les autres dĂ©partemens, l’ébourgeonnage n’est ptaiiquĂ© que partiellement pen dans les uns, et beaucoup dans les autres il ne l’est pas du tout dans 202 CULTURE DE LA VIGNE le MĂ©doc, ni sur la CĂŽte-d'Or, ce qui s’explique trĂšs bien par la faible vĂ©gĂ©tation de vignes anciennes qu'on ne fume jamais, pour ne pas altĂ©rer la qualitĂ© des vins prĂ©cieux qu’elles produisent. § 5 - De l'accalage et palissage. Celte opĂ©ration est particuliĂšre aux vignobles Ă©cha- lassĂ©s ou palissĂ©s ; elle consiste Ă  attacher les bourgeons Ă  l’échalas ou aux traverses du treillage. On ne doit commencer l’accolage que lorsque la floraison est entiĂšrement terminĂ©e. La ligature se fait avec de la paille de seigle qu’on doit prĂ©fĂ©rer au jonc et Ă  l'osier. Il faut Ă©viter de trop serrer les jeunes pousses contre l’échalas, et de les forcer Ă  prendre une direction trop droite, ce qui rĂ©trĂ©cit le faisceau par en bas, engage les raisins entre les jeunes bois, les prive de l’action du soleil, et les expose Ă  la pourriture. Si quelques rameaux ne se prĂȘtent pas par leur position, Ă  ĂȘtre accolĂ©s avec les autres, au lieu de les forcer, il est prĂ©fĂ©rable de les accoler sĂ©parĂ©ment. Si quelques bourgeons ont Ă©chappĂ© Ă  l’ébourgeonnage, il faut les abattre en accolant. L’accolage doit ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ© toutes les fois que les bourgeons qui n’ont pu ĂȘtre compris dans fe premier, ont acquis une longueur suffisante. PAR LEISOIR. jto3 § 6 . De la rognure des bourgeons et des sur-bourgeons. La rognure de l’extrĂ©mitĂ© des sarmens, a la hauteur de l’échalas, peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une espĂšce d Ă©bourgeonnement; elle a lieu dans plusieurs dĂ©pai- 'emens oĂč celui-ci se fait avec le plus de rjgueur, c °rnme la Marne et la Haute-Marne, et dans quelques- uns de ceux oĂč l’ébourgeonnement est peu pratiquĂ© , comme la CĂŽte-d'Or. Celte opĂ©ration se fait ordinairement au rpois de juillet, Ă©poque du ralentissement de la sĂšve. Comme l’utilitĂ© de la rognure des bourgeons est vivement contestĂ©e, je vais d'abord rapporter sommairement les objections Ă©levĂ©s contre cette pratique P ar ceux qui la condamnent, “ Le racourcissement des branches de la vigne , les ” °blige, dit Rozier, Ă  pousser de nouveaux bourgeons ” s ur les cĂŽtĂ©s , bourgeons qui Ă©puisent la vigne et ” nuisent Ă  son fruit. » “ En supprimant la portion des sarmens qui s'Ă©lĂšve ^ au dessus des Ă©chalas, oq supprime une grande ” quantitĂ© de feuilles, celles surtout qui, n’étant gĂȘ- ” nĂ©es par aucun lien, s’étalent librement dans l’air, ” et remplissent avec le plus d’énergie les fonctions " importantes qui leur ont Ă©tĂ© assignĂ©es par la nature ” ĂŒ n’est donc pas Ă©tonnant que la rognure Ă©puise la ” vigne et nuise Ă  la qualitĂ© du fruit. » VoilĂ  les objectons. Mais ceux qui les Ă©lĂšvent ne tirent-ils pas une CULTURE IE LA VIGNE 204 consĂ©quence trop rigoureuse de principes de physiologie vĂ©gĂ©tale trĂšs vrais en eux-mĂȘmes. De ce que le vĂ©gĂ©tal pĂ©rit lorsqu’on l’effeuille complĂštement, peut-on induire qu’il souffre beaucoup quand on ne lui enlĂšve qu'une trĂšs petite partie de ses feuilles ? Et en admettant mĂȘme qu’il souffre de ce retranchement partiel, s’ensuit-il que la qualitĂ© de son fruit doive perdre quelque chose ; si le fruit ne change pas, si mĂȘme il s’amĂ©liore, qu’importe que le vĂ©gĂ©tal souffre ! nous ne cultivons pas la vigne pour son bois, mais pour son fruit ; si par le traitement auquel on la soumet, elle vieillit plus tĂŽt, on emploiera plus tĂŽt pour la rajeunir, les moyens que sa nature indique. Le pĂȘcher cultivĂ© est soumis Ă  la taille; on l’ébour- geonne plus tard, on pince les branches qui s’emportent, on casse les jeunes pousses, pour les forcer Ă  former des boutons Ă  fruit le plus prĂšs possible de la branche d’oĂč elles sont sorties; enfin, plus tard encore, on effeuille lĂ©gĂšrement pour que les fruits reçoivent plus directement l’influence du soleil ; c’est absolument la mĂȘme culture que celle de la vigne. Qu’en rĂ©sulte-t-il ? des fruits superbes et qui mĂ»rissent plutĂŽt dans notre climat disgraciĂ©, que dans un autre plus favorable, lorsque l’arbre n’y reçoit pas les mĂȘmes soins. Ce n’est pas tout la rĂ©colte de l’avenir a Ă©tĂ© prĂ©parĂ©e, sans altĂ©rer la forme et le port qu’on a voulu donner Ă  l’arbre. L’habile jardinier sait dĂ©jĂ  ou paraĂźtront les boutons Ă  fruit; sans les mutilations qu’il a PAR ÏÆNOIR. 205 fait Ă©prouver Ă  l’arbre, tous les boulons Ă  fruits seraient ' 11 9 J 1 extrĂ©mitĂ© des rameaux. Ra rognure de la vigne est faite prĂ©cisĂ©ment dans le mĂȘme but que le pincement des pousses du pĂȘcher; c est-Ă -dire pour forcer les nƓuds infĂ©rieurs Ă  se forcer en nƓuds Ă  fruits ; sans cette opĂ©ration, ces nƓuds ne rejetteraient souvent que des rameaux stĂ©riles, ce t f Ul forcerait Ă  alonger la taille outre mesure , pour ne Pas retrancher les nƓuds fertiles. Celte formation des n uds Ă  fruit dans la partie la plus basse du nouveau ^°i s , est un fait qui rĂ©sulte presque toujours de la r °gnure. Quant Ă  la qualitĂ© du fruit, en supposant qu’elle fut altĂ©rĂ©e par suite de la rognure, ce ne serait pas Ur, e raison suffisante pour renoncer Ă  une opĂ©ration *1 aille urs si utile. Tous les vins ne doivent pas ĂȘtre de P re miĂšre qualitĂ©. IR- Cavoleau cite au nombre des vignobles oĂč la r gnure de la vigne est en usage, ceux de la Marne , °u 1 on Ă©bourgeonne avec soin, et ceux de la CĂŽte- oĂč l’on n’ébourgeonne pas du tout l’exemple d'O r de c es vignobles est au moins un prĂ©jugĂ© favorable Ă  la rognure; car ces vignobles font, ce me semble, assez bons vins. Reste donc contre la rognure l'opinion de Rozier. ^ admets l'exactitude de son observation sur les effets de la rognure dans le midi. Dans le midi, la vigne largement espacĂ©e, a besoin de dĂ©velopper beaucoup de rameaux pour Ă©quilibrer l’action de ses nombreuses racines ; si on en retranche quelques-uns, si on inter- CULTURE DE LA VIGNE ^06 rompt la crue des autres, elle jettera de tous cĂŽtĂ©s de nouveaux bourgeons. Mais on ne peut rien induire de lĂ  contre l'application de la rognure dans le nord. LĂ , chaque cep n’occupe qu’un cinquiĂšme et quelquefois qu’un dixiĂšme du terrain qui lui serait attribuĂ© dans le midi, et il est trĂšs chargĂ© proportionnellement Ă  l’étendue du sol dans lequel ses racines doivent se dĂ©velopper. Dans cet Ă©tat, tout bourgeon superflu ne peut que nuire Ă  ceux qui sont utiles; de lĂ , la nĂ©cessitĂ© de l’ébourgeonnage. Les sarmens de ce cep, au lieu d’ĂȘtre courbĂ©s en arc, sont retenus forcĂ©ment dans une position verticale qui, comme on sait, contribue puissamment Ă  porter l’action de la sĂšve dans le haut des branches. La circulation de cette sĂšve n’est pas interrompue par la prolongation du rameau ; mais comme en descendant elle rencontre d’autant plus d’organes Ă  alimenter que le rameau s’alonge davantage, elle arrive plus Ă©puisĂ©e jusques au fruit, et plus Ă©puisĂ©e encore jusqu’aux nƓuds qui sont placĂ©s au dessous. De lĂ , la nĂ©cessitĂ© de rogner les bourgeons pour que les nƓuds infĂ©rieurs deviennent fertiles et pour faire grossir les raisins. A cette nĂ©cessitĂ© il s’en joint une autre c’est que , si cette rognure n’avait pas lied, les rayons du soleil ne pourraient plus pĂ©nĂ©trer dans l’intĂ©rieur de la vigne. La premiĂšre rognure des bourgeons doit se faire en mĂȘme temps que l’accolage. Presque toujours cette rognure est faite Ă  la hauteur de l’échalas, souvent trop petit ou trop grand, et sans PAR RENOIR. 207 aucun egard Ă  la force des bourgeons ; celte pratique est mauvaise. On doit dĂ©terminer, d'aprĂšs la nature du sol et celle des cĂ©pages, la hauteur Ă  laquelle les bourgeons les Plus Ă©levĂ©s doivent ĂȘtre rognĂ©s ; cetLe hauteur doit etre mesurĂ©e depuis le sol ; tous les bourgeons qui la dĂ©passent y seront ramenĂ©s par la rognuĂ©e ; ceux qui u ont pas encore atteint cette hauteur resteront in- tacts jusqu’à la seconde opĂ©ration. La rognure sera toujours faite Ă  un pouce au-dessus du nƓud, et on Ă©vitera de mutiler la feuille qui l’ac- c °mpagne. Les dĂ©bris de la rognure, ainsi que le produit de 1 Ă©bourgeonnage, ne doivent jamais ĂȘtre placĂ©s, comme 0n le pratique trop souvent pour les faire sĂ©cher, sur le faisceau de sarmens, ni sur l’échalas ; ces feuillages tiennent l’humiditĂ© et servent d’asile Ă  une foule d'insectes nuisibles ; ils portent toujours beaucoup de P r Ă©judice Ă  lĂ  vigne et encore plus aux raisins dont ils dĂ©terminent souvent la pourriture ces dĂ©bris doivent ĂȘtre enlevĂ©s* La seconde rognure doit ĂȘtre faite au commencement d’aoĂčt ; elle consiste Ă  rogner au deuxiĂšme nƓud ,C us les sĂŒr-bourgeons qui sont sortis des sarmens dĂ©jĂ  rognĂ©s; on les coupe un peu au-dessus du nƓud, en conservant Ă  celui-ci la feuille qui l'accompagne. Tous les bourgeons qui n’ont pas encore Ă©tĂ© rognĂ©s, I e seront en mĂȘme temps que les sur-bourgeons, et proportionnellement Ă  leur dĂ©veloppement , lors meme qu'ils n’auraient pas atteint la hautetlr dĂ©terminĂ©e. 208 ta vigne § 7 - De l’éparnprernent. L’épamprement est uneopĂ©ralion trop peu rĂ©pandue. C'est une opĂ©ration qui peut encore ĂȘtre assimilĂ©e Ă  l’ébourgeonnemenl ; son but est d’exposer aux rayons du soleil les raisins trop ombragĂ©s, pour en faciliter la maturation. Il suffit d’enlever, souvent mĂȘme de dĂ©tourner un petit nombre de feuilles quelques jours avant la vendange ; quinze jours tout au plus dans le centre et le nord de la France, et moins dans le midi; en le faisant trop tĂŽt, on retarderait au lieu d’avaucer la maturitĂ© du raisin. L’épamprement se fait sur une Ă©tendue de vignes beaucoup moindre que l’ébourgeonnement et la rognure ; il est pratiquĂ© dans trente-quatre dĂ©partemens, mais trĂšs peu dans la plupart, et seulement dans des lerres humides ou fertiles- Il n’est Ă  peu prĂšs gĂ©nĂ©ral que dans la Gironde, les Basses-PyrĂ©nĂ©es et le Haut-Rhin ; dans l’Aube, on le pratique au beau vignoble desRiceys; dans la Dordogne , au beau vignoble de Bergerac ; dans le Gard ; sur la ; dans Maine-et-Loire, sur tous les vignobles de bons crus; dans le Tarn, au vignoble de Gaillac, et partout on s’en trouve bien. Il est Ă©tonnant que l’épamprement soit si peu rĂ©pandu dans les contrĂ©es du nord, oĂč il serait trĂšs utile. Cette opĂ©ration appliquĂ©e aux vignes Ă©chalassĂ©es , influerait de la maniĂšre la plus avantageuse sur la PAR I-ElNOra. 209 maturitĂ© de leurs raisins*, en la faisant avec circonspection, c'est-Ă -dire, en ne retranchant que les feuilles 9ui ombragent le fruit, et seulement Ă  l'Ă©poque oĂč les raisins approchent de la maturitĂ©. § Du provignage. Le provignage pĂ©riodique est Ă  peu prĂšs gĂ©nĂ©ral dans les contrĂ©es du nord Ă  la vĂ©ritĂ©, on serait fort embarrassĂ©, dans beaucoup de vignobles, de dĂ©terminer la durĂ©e de la pĂ©riode dans laquelle toute la Vl gnese trouve provignĂ©e ; on n’y regarde pas de si P r Ăšs_; beaucoup de vignerons ne pensent mĂȘme pas Ă  Un provignage pĂ©riodique, ils font chaque annĂ©e des fosses Ă  provins, tantĂŽt plus, tantĂŽt moins; mais en dĂ©finitive, joute la vieille vigne finit par disparaĂźtre , ensuite on recommence. C est bien lĂ  un provignage pĂ©riodique; cependant, si on adressait dans beaucoup de vignobles, oĂč on procĂšde comme je viens de le dire, la question suivante La vigne est-elle soumise ,u provignage pĂ©riodique? trĂšs souvent on rĂ©pon- rfiait, non. Si celle pratique n'existait pas dans nos vignobles du nord, il faudrait les renouveler tous les ving-cinq °u trente ans, et souvent beaucoup plus tĂŽt. On replanterait. donc Ă  peu prĂšs Ă . la mĂȘme Ă©poque oĂč se mrmine la premiĂšre pĂ©riode du provignage. 14 210 CULTURE DE LA VIGNE Quand on replante, il est bien rare qu’on obtienne, mĂȘme avec le temps, une vigne qui rĂ©unisse toutes les qualitĂ©s de celle qu’on a dĂ©truite. Le rĂ©sultat d’une nouvelle plantation est trĂšs chanceux. Le provignage conserve l’ancienne vigne, dont il ranime l’existence du reste rien n’est changĂ©; c’est toujours le mĂȘme plant. C’est l’habitude oĂč l’on est de fumer fortement les provins dans les vignes communes, qui a pu donner quelque fondement Ă  l’opinion qui attribue au provignage la mĂ©diocritĂ© du vin qu’on y rĂ©colte; mais le provignage sans fumier prolonge l’existence d’une vigne prĂ©cieuse, sans altĂ©rer la qualitĂ© de ses produits c’est ce que prouve la durĂ©e sĂ©culaire de plusieurs vignes du nord de la France qui produisent des vins recherchĂ©s. Dans le midi, on ne provigne que pour remplacer des ceps qui sont morts ou languissans ou de mauvaise qualitĂ©. Si en gĂ©nĂ©ral on provigne moins dans le midi que dans le nord, c’est que la vigne y ayant une durĂ©e beaucoup plus longue, le besoin de la renouveler ne s’y fait sentir que trĂšs tard, et qu’alors le volume de la souche, partagĂ©e en plusieurs bras, rend le provi- vignage Ă  peu prĂšs impossible. Les provins peuvent se faire en automne et au printemps ; mais de prĂ©fĂ©rence dans cette derniĂšre saison, lorsque la vigne est plantĂ©e dans un terrain froid et humide. Un soin essentiel dans tout provignage, c’est de faire la fosse assez profonde pour que le tronc et la partie 211 PAR RENOIR. r ouchĂ©e des sarmens soient aussi enfoncĂ©s sous le sol, que la vigne l’a Ă©lĂ© primitivemeni ; sans cela il devient impossible de ne pas les attaquer lorsqu’on donne un Profond labour. Il faut Ă©viter, en couchant le cep, de casser oĂč de maltraiter ses principales racines ; on y parvient facilement en dĂ©chaussant le cep, de ma- n ’ùrc qu’il ne tienne plus au sol que par les racines "'fĂ©rieures. Les provins doivent ĂȘtre couchĂ©s sur un lit de terre ^'en ameublie ; si celle du fond est de mauvaise qua- ^*Ă©, on la remplace par celle de la superficie. On r ocouvre les provins de quatre pouces de terre, lorsqu on les fait en automne, et de trois pouces si on les r » Kl vt au printemps. Si le cep Ă  provigner est de mauvaise espĂšce, il y a deux partis Ă  prendre, l’un est de le dĂ©truire pour le r emplaccr par un provin tirĂ© d’un autre cep; l’autre, qu’on doit prĂ©fĂ©rer lorsque le cep est vigoureux, quoique de mauvaise qualitĂ© c’est de greffer tousses s arrnens en bonnes espĂšces. On est assez gĂ©nĂ©ralement dans l’usage de fumer les provins, en mĂȘme temps qu’on les fait ; cette mĂ©thode est vicieuse; le fumier brĂ»le souvent les jeunes racines et quelquefois le provin lui-mĂȘme est attaquĂ©; il est PrĂ©fĂ©rable de ne fumer les fosses qu’à la seconde annĂ©e. Les opĂ©rations relatives au provignage, doivent '°ujours, ainsi que toutes celles qui se font sur la v Ăźgne, ĂȘtre exĂ©cutĂ©es par un beau temps. 2 I 2 CGI/riTRE DE 1,4 VIGNE § 9 - De la distribution des engrais. L’engrais vĂ©gĂ©lo-animal non dĂ©composĂ©, encore infecl, devrait ĂȘtre proscrit dans tous les vignobles, parce qu’il altĂšre les produits de la viguc. Le premier, bien dĂ©composĂ©, presque rĂ©duit en terreau, et employĂ© avec modĂ©ration, produit des effets salutaires sĂŒr les vignes communes ou de qualitĂ© moyenne. Le vin qu’elles produisent est toujours moins bon que si on n’avait pas fumĂ© du tout mais ce qu’il perd est compensĂ© par une plus grandĂš abondance. L’engrais qui altĂšre le moins les qualitĂ©s du vin est celui qui est entiĂšrement composĂ© de substances vĂ©gĂ©tales, surtout quand ces substances ont perdu, par une fermentation prĂ©alable, toutes leurs parties molles et qu'elles sont rĂ©duites Ă  l’état de fibres ligneuséà ; telle sont les feuilles et les menues branches des arbres et arbrisseaux, les marcs de raisins, les copeaux, les tannĂ©es, etc., qu'on dĂ©pose dans des fosses, oĂč on les laisse un ah ou dix-huit mois avant de les employer. On peut mettre au mĂȘme rang la fiente de pigeon et l'ĂŒrate, combinaison de l’urine de l’homme ou des animaux avec le plĂątre cuit. Les rapures de cornes, les vieux lainages bĂąchĂ©s , les peils des animaux, rentrent encore dans cette classe. Ces substances agissent lentement, mais leur action est durable. PAR ,2 >3 ; Ces -engrais, qui peuvent souvent amĂ©liorer les vignes qui ne produisent que des vins communs ou ordinaires, sont les seuls que puissent supporter, sensible, les vignes qui produisent des vins intermĂ©diaires entre ceux de premiĂšre qualitĂ© et les vins ordinaires. Quant a ux vignes qui donnent des vins de premiĂšre qualitĂ©, tout engrais doit en ĂȘtre banni. L engrais le plus complĂštement dĂ©composĂ©, leur donnerait toujours un excĂšs de vigueur qui nuirait Ă  leurs fruits; on en obtiendrait plus de vin, niais une plus grande abondance ne compenserait pas ce qu’il aurait perdu en qualitĂ©. Les amendemens meme, c’est-a-dire, les terres pures ou les mĂ©langes de terre , ne doivent ĂȘtre employĂ©s dans les vignobles prĂ©cieux qu'avec la plus grande circonspection, et aprĂšs des essais en petit. 11 y a cependant une Ă©poque oĂč l’on peut tout tenter sur ces vignobles ; c’est lorsqu’aprĂšs avoir fait usage, pour ranimer la vigne, de tous les moyens ordinaires, tels que le ravalement des ceps, les profonds labours, le provignage, etc., elle est prĂšs de pĂ©rir de vĂ©tustĂ©. Des amendemens bien choisis de terres, imprĂ©gnĂ©es de quelques-uns des engrais dĂ©signĂ©s prĂ©cĂ©demment, pourront prolonger l’existence d’une telle vigne. Lorsqu elle a repris un peu de vigueur et qu’elle commence a former des pousses plus vigoureuses, il faut se hĂąter Pi'ovigner. Sur les vignes qu’on est dans l'habitude de fumer, ,oul l ’e qu’on substituera Ă  l’engrais vĂ©gĂ©fo-animal , 2l4 culture de la vigne contribuera Ă  amĂ©liorer le vin et souvent sans en diminuer beaucoup la quantitĂ©. Les mĂ©langes de terre et autres amendemens doivent ĂȘtre portĂ©s dans la vigne, avant ou pendant l’hiver. On les rĂ©partit sur toute la surface du sol, pour ĂȘtre enfouis au premier labour. Quant aux engrais, on les enfouit dans de petites tranchĂ©es creusĂ©es entre les rangĂ©es de vignes, ou dans les espaces qui restent vides entre les ceps, lorsque la plantation de la vigne n’est pas rĂ©guliĂšre. Cette mĂ©thode est bien prĂ©fĂ©rable Ă  l'usage trop gĂ©nĂ©ral de dĂ©poser l’engrais au pied des ceps oĂč il se conserve long-temps, sans Ă©prouver la dĂ©composition qui peut seule le rendre propre Ă  servir d’alimens aux racines. Il vaudrait mieux ne pas fumer du tout, exceptĂ© aux Ă©poques ou l’on fume la vigne et de la mĂȘme maniĂšre. Si la vigne n’est pas fumĂ©e, le'sprovin ne doit jamais l’ĂȘtre. Un peu de bonne terre rapportĂ©e lui suffit. Quand on veut planter une nouvelle vigne, avec le dĂ©sir d’en obtenir du vin de bonne qualitĂ©, il faut porter sur le terrain les amendemens et les engrais , avant le dĂ©fonçage. Par ce moyen, ils sont intimĂȘ- ment mĂȘlĂ©s avec la couche de terre remuĂ©e. PAH LENOIK. 2 l 5 § ÎO. Descriptions des principaux modes de culture de la vigne, usitĂ©e en France. Des descriptions exactes et bien faites de tous les modes de culture de la vigne seraient d une grande militĂ© elles contribueraient Ă  introduire dans beaucoup de nos vignobles, des pratiques excellentes qui y sont inconnues. Malheureusement il existe peu de telles descriptions; les descriptions de plusieurs modes de culture, publiĂ©s par M. Bosc, sont ce qu’il y a de mieux sur cette partie intĂ©ressante de l’Ainologie. Je transcrirai ♩cois de ces descriptions, qui s’appliquent Ă  nos principaux vignobles. Culture du dĂ©partement de la Marne Champagne . Les nouvelles vignes se plantent sur un dĂ©fonce- °*ent d'un Ă  deux pieds de profondeur, par lequel on enfouit autant de fumier ou d’autre engrais qu’on peut se procurer. La plantation se fait dans des trous d’un pied carrĂ©, disposĂ©s en lignes dans le sens de la pente du terrain ; °n emploie du plant enracinĂ©, des crocettes ou des boutures ; on en met trois dans chaque trou oĂč l’on ne doit en laisser qu’un seul; les autres, lorsqu'ils reprennent, sont relevĂ©s et transportĂ©s ailleurs. Comme les vignes de toute celle cĂŽte celle de Klieims sont trĂšs peu vigoureuses, on ne peut y 216 culture de la vigne prendre le plant nĂ©cessaire aux repeuplemens on le tire de Velly ou de Vie, vignobles sur l’Aisne, dont le terrain est trĂšs fertile. Lorsque les plants sont en complĂšte production , on en couche tous les ans une partie en montant, de sorte que, lorsque les piĂšces sont courtes, ou est obligĂ© d’abandonner les ceps qui sont parvenus Ă  l'extrĂ©mitĂ© supĂ©rieure, et d’en mettre de nouveaux Ă  l’extrĂ©mitĂ© infĂ©rieure. Le provignage effectuĂ©, on taille toujours sur deux yeux, de sorte que les bourgeons sortent presque Ă  fleur de terre ; et comme la mauvaise nature du sol s’oppose Ă  ce qu’ils s’élĂšvent, toutes ces vignes n’ont qu’environ deux pieds de hauteur, ce qui est trĂšs favorable Ă  la bonne qualitĂ© et Ă  la complĂšte maturitĂ© du fruit, mais ce qui nuit Ă  l’abondance des produits. Trois ou quatre binages d’étĂ© sont donnĂ©s aux vignes, au moyen d’une houe Ă  fer large de quatre pouces dont le manche Ă  deux pieds de long. Avant le labour, on y porte des terres de compost amoncelĂ©es Ă  proximitĂ© de ces vignes. L’ébourgeonnage s’exĂ©cute avant la floraison ; il est plus rigoureux que ne le comporte la faiblesse des ceps, parce qu’il est trĂšs important que le sol et les raisins soient frappĂ©s des*rayons du soleil, pour obtenir une maturitĂ© complĂšte ; pratique, comme on voit, diamĂ©tralement opposĂ©e Ă  celle qui est en usage dans la plupart des autres dĂ©parlemens. Il en est de mĂȘme de la rognure ou enlĂšvement du sommet des bourgeons Ă  fruit, et de l’émondage qui a pour but l'enlĂšvement des nouveaux bourgeons , PAR RENOIR. 217 opĂ©ration au reste peu nĂ©cessaire et parla mĂȘme cause; M. Bosc semble blĂąmer ici la sĂ©vĂ©ritĂ© fies deux Ă©bourgeonnages successifs, ainsi que la rognure des bourgeons qui sont gĂ©nĂ©ralement pratiquĂ©s dans les vignobles de la CĂŽte de Rheims. Il n’y a aucun doute que ces retranchemens ne contribuent Ă  affaiblir la vigne ; mais cet affaiblissement est peut ĂȘtre indispensable pour obtenir des vins parfaits, entre le 49* ef 5o e degrĂ©, et peut-ĂȘtre mĂȘme sous des latitudes beaucoup plus mĂ©ridionales. La culture dans le vignoble d’Epernay, diffĂšre peu celle de la CĂŽte de Rhei ms; seulement lĂ©s labours y sont mieux entendus en ce que, par celui d’hiver, °n dĂ©gage la terre du pied des ceps, pour en former, comme aux environs de Paris, de petits monticules dans leurs intervalles ; la taille, l’ébourgeonnemenl , la rognure, ne diffĂšrent pas sensiblement. Culture de la CĂŽte-d’Or Bourgogne. C’est au vĂ©ritable pineau, variĂ©tĂ© propre Ă  ce dĂ©partement autant qu’au climat, intermĂ©diaire entre ^ es climats chauds et les climats froids, que les vins de Bourgogne doivent leur mĂ©rite et leur rĂ©putation. La vieillesse de la plupart des vignes y entre aussi pour beaucoup. La base de la culture des vignes en Bourgogne comme en Champagne, consiste A provigner tous les ans rĂ©guliĂšrement une partie des ceps, sans jamais sĂ©parer les provins de leur mĂšre, de maniĂšre qu’au bout de dix , douze, quinze ans au plus, selon la na- CULTURE DE LA VIGNE 28 lure de la terre et l’espĂšce du plant, tous ayant Ă©tĂ© couchĂ©s, il en rĂ©sulte que dans certaines de ces vignes qui ont quatre ou cinq cents ans de plantation, les souches parcourent sous terre des distances considĂ©rables. En provignant, on lĂąche de coucher toujours les ceps dans ja mĂȘme direction, pour que les souches anciennes ne se croisent pas avec les nouvelles, et on veille Ă  ce qu’ils restent toujours Ă  une distance suffisante les uns des autres , pour que leurs grappes puissent Ă©prouver sans obstacle , l’utile influence de la chaleur des rayons du soleil. Quant Ă  la taille, aux Ă©bourgeonnemens, aux labours, ils n'offrent que des nuances de diffĂ©rence avec la pratique des vignobles voisins, principalement de la Champagne. On Ă©chalasse presque partout ; je dis presque, parce que je me rappelle avoir vu, sur la cĂŽte mĂȘme, quelques vignes rampantes. Culture du MĂ©doc. Les vignes'rouges du MĂ©doc sont plantĂ©es dans un sol caillouteux, mĂȘlĂ© d’un peu de terre, ouciliceuse, ‱ ou calcaire, ou trĂšs rarement alumineuse. On trouve Ă  peu de profondeur une pierre ferrugineuse, appelĂ©e Alios. Les vignobles sont gĂ©nĂ©ralement plantĂ©s sur des pentes douces, sans fossĂ©s, haies ni arbres. Les ceps sont plantĂ©s Ă  la barre en quinconce, espacĂ©s de deux Ă  trois pieds, et rigoureusement alignĂ©s. PAR RENOIR. ,2ig On les lient extrĂȘmement bas neuf Ă  douze pouces, pour que les grappes se trouvent plus rapprochĂ©es des cailloux qui, par la rĂ©verbĂ©ration de la chaleur que le soleil y a accumulĂ©e, hĂątent leur maturitĂ©. On peut dire que la qualitĂ© du vin est en raison inverse de la hauteur des ceps ; ils ont tous deux bras inclinĂ©s auxquels on laisse deux Ă  huit boutons; le tout, est assujetti avec des carassons petits piquets garnis d’un rang de traverses qu’on nomme lattes, de sorte que chaque rang forme un contre-espalier aussi long que la piĂšce. Ces vignes sont travaillĂ©es Ă  l’araire; les bƓufs passent chacun dans un sillon. A la premiĂšre façon, on dĂ©chausse les ceps, et le peu de terre que la charrue a laissĂ©e dans leur entre deux, est enlevĂ©e Ă  la houe; ils sont alors au fond du sillon. Au mois d’avril, on rechausse les ceps, et alors ils sont au haut du sillon. Les troisiĂšmes et quatriĂšmes façons se donnent les mois de mai, juin et juillet ; elles sont prĂ©cĂ©dĂ©es par le levage, qui consiste Ă  assujettir les pampres contre les lattes, pour que les bƓufs puissent passer, et elles ne diffĂšrent des prĂ©cĂ©dentes qu’en ce qu’il faut ramasser le chiendent qui est toujours abondant. On Ă©pampre avec prĂ©caution pour empĂȘcher que le raisin ne grille. Les vendanges commencent vers la mi-septembre , c'est-Ă -dire quinze jours ou trois semaines avant le reste du dĂ©partement. 2 20 CULTURE DE LA VIGNE Parmi les modes de culture usitĂ©s en France , il v en a deux qui paraissent rĂ©unir, chacun sous le climat oĂč on l’emploie, toutes les conditions nĂ©cessaires pour obtenir de la vigne les produits tes meilleurs et les plus abondants ; je veux parler de la culture qui prĂ©vaut gĂ©nĂ©ralement en Champagne et en Bourgogne et de celle du MĂ©doc ; l une est excellente dans toutes nos contrĂ©es mĂ©ridionales; l'autre convient parfaitement au climat de nos rĂ©gions du nord. Le provignage pĂ©riodique qui caractĂ©rise la culture de la Champagne et de la Bourgogne, est le seul moyen de concilier la durĂ©e sĂ©culaire de la vigne , condition presque indispensable pour obtenir de bons vins, avec une continuelle jeunesse qui entretient sa fĂ©racitĂ©; c’est aussi le seul moyen d empĂȘcher l’élĂ©vation du tronc qui, en Ă©loignant les raisins du sol, retarde toujours leur maturitĂ©. Le provignage pĂ©riodique, n’est pas incompatible avec la rĂ©gularitĂ© delĂ  plantation ; cependant, tel qu’on le pratique, il Ă©tablit promptement la plus grande irrĂ©gularitĂ© dans la disposition des ceps. L’expĂ©rience prouve que ce n’est pas un mal ; dans une vigne plantĂ©e en rangĂ©es rĂ©guliĂšres,, l’air qui circule trop librement empĂȘche la chaleur solaire de s’accumuler dans le sol ; aussi remarque-t-on que les raisins mĂ»rissent plus tard dans ces vignes que dans celles dont les ceps sont disposĂ©s sans ordre. -a; La culture de la vigne en treilles de neuf Ă  dou/.e pouces de hauteur, felle-qu’elle est pratiquĂ©e dans le MĂ©doc, est parfaitement appropriĂ©e aux circonstances locales. LĂ  le plus grand flĂ©au de la vigne , c’est l’hu- PAR LENOIR. 221 n "dilc de l'air qui est entretenue par l'abondance des eaux et surtout par la prĂ©dominance des vents d’ouest la tout ce qui tend Ă  dessĂ©cher le sol ou Ă  empĂȘcher I air de rester stagnant entre les ceps, est utile sous °e rapport, rien n’est mieux imaginĂ© que la disposi- ! 'ou de la vigne en treillages extrĂȘmement bas et en rangĂ©es espacĂ©es de trois pieds. Cet espacement a en °ulre l'avantage de permettre de faire faire Ă  la charrue des labours multipliĂ©s, qu’il serait trĂšs coĂ»teux cl peut-ĂȘtre impossible de faire exĂ©cuter Ă  bras dans des v, gnobles aussi Ă©tendus. Ee provignage n’est pratiquĂ© dans les vignes du IVlĂ©doc, que pour remplacer les ceps morts, ou qui sont reconnus de mauvaise qualitĂ© ; le provignage est presque toujours partiel , c'est-Ă -dire qu’on touche les sarmens et non le cep. Le provin est sĂ©parĂ© du cep Ă  la seconde annĂ©e. Il constitue alors un cep nouveau, dont les fruits restent long-temps mĂ©diocres. v >a > CHAPITRE DIXIÈME DES NOMS DE DIVERSES ESPÈCES DE VIGNES ET DES PRINCIPAUX PLANTS DE LA FRANCE. ‱ .1 ., - - ' -' J L ' -Ut 11 faut bien dire un fait qui poiĂŻrra paraĂźtre in- cr oyable, impossible mĂȘme dans le iĂż siĂšcle, et qui 222 CULTURE DE LA VIGNE nĂ©anmoins est trĂšs vrai c'est que les agriculteurs nC sont pas d’accord entr’cux sur le nom d’une seule espĂšce ou variĂ©tĂ© indigĂšne de la vigne. Chacune des quatre ou cinq cents espĂšces de vignes et peut-ĂȘtre davantage, que nous possĂ©dons en France, a au moins, l’une dans l’autre, vingt noms diffĂ©rens; supposition assurĂ©ment trĂšs modeste, puisqu’il est reconnu qu’il y a des dĂ©partemens oĂč tous les cĂ©pages qu’on y cultive changent de noms , de canton Ă  canton, et souvent de commune Ă  commune. Nous ne connaĂźtrons toutes nos richesses en ce genre que par une synonymie, qui ne sera pas une sĂšche nomenclature botanique, mais qui fera connaĂźtre les propriĂ©tĂ©s dechaque cĂ©page et lesmodificationsqu’elles Ă©prouvent par les changemens de climat, de sol et d’exposition. Jusqu'Ă  ce que celle Ɠuvre soit accomplie, les nomenclatures des espĂšces de vignes seront d’une mince utilitĂ©. i° Dans presque tous les dĂ©partemens situĂ©s au nord du 46 e degrĂ©, les meilleurs vins sont le produit des plants nommĂ©s pineaux, sans mĂ©lange d autres espĂšces les plants qui portent ce nom ne sont pas tous identiques, il y en a plus de vingt variĂ©tĂ©s distinctes, mais qui paraissent appartenir Ă  une mĂȘme espĂšce. 2 0 Dans les dĂ©partemens du Haut et du Bas-Rhin, de la Haute-SaĂŽne, du Doubs et du Jura, les meilleurs vins sont produits par des plants qui paraissent diffĂ©rens des pineaux ; ces plants sont presque toujours PAR RENOIR-. 22 3 mĂ©langĂ©s plusieurs ensemble, pour chaque espĂšce de vin. 3° Au sud du 46 e degrĂ© de latitude, les vins de premiĂšre qualitĂ© sont gĂ©nĂ©ralement le produit de plusieurs cĂ©pages dont on mĂ©lange les raisins dans la cuve, et ces cĂ©pages reconnus les plus propres Ă  produire de bons vins, ne paraissent pas ĂȘtre les mĂȘmes dans tous les U suit de lĂ  que nos vignobles mĂ©ridionaux pouvant disposer d'un plus grand nombre de bonnes espĂšces que ceux du nord, ils ont plus de moyens que ceux-ci d’amĂ©liorer leurs vins. Dans le nord, on ne reconnaĂźt comme bons plants ^ue les pineaux, sans doute, parce que les premiers crĂ»s de la CĂŽte-d'Or, de SaĂŽne-et-Loire, de l’Yonne, de l’Aube et de la Marne, n’étant peuplĂ©s que de cette espĂšce unique ou de ses variĂ©tĂ©s, on a dĂ». supposer qu’il n’y en avait pas d’autre qui fĂ»t propre Ă  produire de bons vins. Lorsqu’il s’agit d’établir un vignoble qu’on destine a produire en abondance des vins communs , le choix du plant ne mĂ©rite pas moins d’attention ; il y a parmi les vignes qui ne produisent que des vins de cette classe, des espĂšces ou des variĂ©tĂ©s qui sont Ă  la fois plus prĂ©coces et plus fertiles que les autres. Il y en a qui, Ă  ces deux propriĂ©tĂ©s, en rĂ©unissent une troisiĂšme plus prĂ©cieuse encore ; c’est celle de produire du vin qui se conserve long-temps. Telle paraĂźt ĂȘtre une espĂšce commune dans l’arrondissement de ChĂąteau-Salins , dĂ©partement de la Meurihe, oĂč elle est connue sous le nom de liverdun. CULTURE DE, LA, VIGNE On croit que c’est une variĂ©tĂ© du pineau. On assure que le vin produit par ce plant peut se conserver dix ans en tonneau. Son produit, dans les plus mauvaises annĂ©es-;; n'est jamais au-dessous de cinquante hectolitres par hectare. Il en produit deux cents dans les annĂ©es abondantes, et cent dans les annĂ©es moyennes. Je connais des vignes qui, Ă  force de fumer, donnent des produits au moins aussi forts; mais leur vin n'est pas de garde. La prĂ©cocitĂ© du liverdun est d ailleurs remarquable ; car, si ses bourgeons sont gelĂ©s au printemps, il en pousse de nouveaux dont les fruits parviennent Ă  une complĂšte maturitĂ©. Les dĂ©parlcmens de la Moselle et de la Haute-Marne possĂšdent aussi des variĂ©tĂ©s prĂ©coces et fertiles qui, transportĂ©es plus au sud, Ăż conserveraient les propriĂ©tĂ©s qui les distinguent, en Ă©prouvant les amĂ©liorations qui sont toujours l'effet d'un climat plus favorable. ‱s.' ; ; » no i>v ? I !"! ; -i . fi c-1 '* 'Ăź r'M ,-?ir - H' ;>t! -.‱ ‱O'’ ’ ‱ u . ‱ ..j ,r. U 7 1 1 > OllUifOl. > i -1 Ăź ’ f . u'ilO'.t Vr i .V / C 1 -I b fin I .v\V» CULTURE DE LA VIGNE. 5*ĂŻaE I,A WV.'SV,. '_> if vins fie Volney, de Pomard , de Nuits, de Chamber- lin, de Mulsaut, de Morachet , Sillery, Versenay, Epernay, Moussy, Pierri, etc. Il peut cependant rĂ©sulter de trĂšs graves inconve- niens de cet aspect Ă  l’est. Pour peu que la superficie du terrain soit disposĂ©e Ă  conserver l’humiditc , le cultivateur ne vit que de craintes et d’anxiĂ©tĂ©s, parce qu’en effet les premiers rayons du soleil levant sont les agens des dĂ©sastres de la gelĂ©e. Mais celle exposition peut ĂȘtre prĂ©fĂ©rĂ©e Ă  toute autre dans nos contrĂ©es mĂ©ridionales. En approchant du nord, l’aspect du midi semble convenir davantage Ă  la vigne. Le soleil, pendant les premiĂšres heures du jour, ne porte ses rayons sur elle qu’obliqucment ; leur effet suffit pour Ă©vaporer la rosĂ©e, pour sĂ©cher la plante ; elle n’est pĂ©nĂ©trĂ©e par la chaleur qu’insensiblement ; et quand celle-ci est parvenue Ă  son plus haut degrĂ© diurne d'intensitĂ©, la premiĂšre cause du mal Ă  redouter, a depuis assez long-temps cessĂ© d'exister. On serait embarrassĂ©, peut-ĂȘtre, pour citer un aussi grand nombre de vins dĂ©licats produits Ă  cette exposition, qu’à celle de l’est et du sud-est; cependant il en est, puisque les CĂŽtes dcDizi, deMareuil, de Haulvillers, d AĂŻ, etc, ont le plein midi pour aspect. L’exposition au couchant convient Ă  si peu de localitĂ©s, qu’il est Ă  peine nĂ©cessaire d'en parler. AprĂšs les collines Ă  pentes douces, Ă  sommets arrondis, on a recours pour planter la vigne, aux coteaux plus Ă©levĂ©s. Les pentes les moins rapides sont a prĂ©fĂ©rer. La pluie entraĂźne tout l'humus dont les cĂŽ- fragmens de chaptae et rosier. 227 lea Ux rapides Ă©taient revĂȘtus avant le dĂ©frichement. Aussi la plupart de ces hauteurs, offrent-elles l'aspect I e la stĂ©rilitĂ© dans le terrain et du rachitisme dans les plantes. Vers la base de la montagne, la vigne est sujette Ă  'lus inconvĂ©niens tout contraires et non moins fĂącheux. L atmosphĂšre y est toujours humide ; les bonnes terres s y sont amoncelĂ©es; une surabondance de nourriture hiil tourner Ă  bois tous ses produits. Le milieu du coteau est donc la position par excellence. Le vin y acquiert des qualitĂ©s que I on ne trouve Jamais dans celui qui est rĂ©coltĂ© aux deux autres ex- ,r cmitĂ©s. Ainsi on observe que si le vin du bas de la montagne qu’on nomme le clos Vougeot vaut trois Ce E LA PRÉPARATION DU TERRAIN , DU CHOIX DES PLANTS , DE LEUR ESPACEMENT. Le cultivateur, aprĂšs avoir fixĂ© son choix sur une piĂšce de terre, s’occupera, non pas seulement de la dĂ©fricher, mais de la dĂ©foncer et d'en retourner la ‱erre jusqu’à 4 pouces au-dessous du point sur lequel imposera chaque base de son plant. Si le terrain qu’on se propose de mettre en vigne est dĂ©jĂ  en rapport, la meileure prĂ©paration qu’on puisse lui donner, c’est d’y cultiver pendant deux ou tp ois ans, des plantes potagĂšres, des lĂ©gumineuses, des racines, des tubercules, donnant la prĂ©fĂ©rence Ă  celles dont la culture exige plusieurs labours, comme les haricots, les pommes-de-lerre, etc. Les façons qu’on est obligĂ© de leur donner, les engrais par lesquels on prĂ©pare la terre Ă  les faire prospĂ©rer, l’ameublissent, lu divisent, l’enrichissent. Le fumier, en gĂ©nĂ©ral, si contraire Ă  la vigne, l’ennemi des bonnes qualitĂ©s de son fruit, rĂ©pandu ainsi d’avance, ne se fait plus remarquer que par scs bons effets; il s’est dĂ©gagĂ© de 1 excĂšs de son acide carbonique ; il n’est plus, en quelque sorte, que de la terre vĂ©gĂ©tale combinĂ©e avec le fonds du terrain ; et, dans cette nature, il convient Ă  23o culture de la vkvne. la vigne dans lous ses Ăąges, et surtout dans relui de son enfance. Les terres qui ont donnĂ©, pendant plusieurs annĂ©es de suite, une bonne rĂ©colte de sainfoin , ou de luzerne, ont aussi reçu une excellente prĂ©paration pour b vigne. De lous les vĂ©gĂ©taux admis dans notre agriculture, il n’en est aucun de plus propre que le sainfoin ou la luzerne, Ă  succĂ©der Ă  une vigne que sa vieillesse a forcĂ© d’arracher et qu’on se propose de renouveler au bout de quelques annĂ©es. On crĂ©e, on renouvelle, on perpĂ©tue une vigne par le moyen des boutures, des crocettes, des plants enracinĂ©s, des marcottes et des provins. On pourrait aussi faire usage des semis ; mais cette derniĂšre voie paraĂźt trop lente. Duhamel assure qu’un pied de vigne Ă©levĂ© de pĂ©pin, n’avait encore produit, chez lui aucun fruit, au bout de douze annĂ©es de culture. La crocelte, qu’on nomme aussi chapon, est une partie de sarment poussĂ© dans l'annĂ©e, et Ă  laquelle est jointe une petite portion du bois de l’annce prĂ©cĂ©dente. Sans cette annexe, la crocette serait une bouture, puisqu’elle seule Ă©tablit la diffĂ©rence. Les anciens prĂ©fĂ©raient le plant enracinĂ© Ă  la cro- celle. Nous connaissons quelques grands vignobles en France oĂč cette mĂ©thode est adoptĂ©e exclusivement Ă  tout autre. Cependant on ne peut se dissimuler qu elle n’ait de grands inconvĂ©niens. Les plants enracinĂ©s de la vigne sont plus dĂ©licats que les jeunes arbres des autres familles de vĂ©gĂ©taux. Lu supposant des fosses ou des tranchĂ©es assez profondes, assez ouvertes pour les contenir sans qu’ils VKAGMKNS 1E CUAP'l’AL ET ROSI EK. a3l So, cnl Ă  la gĂȘne, leurs racines s’y trouveront encore dĂ©placĂ©es. La nourriture et les suçoirs ne seront plus dans la mĂȘme direction ; il faudra un assez longtemps pour que les circonstances par lesquelles le suc nourricier et les bouches des racines capillaires tendaient Ă  se rapprocher mutuellement, s’établissent de nouveau. Pour peu, en outre, qu’il s'Ă©coule de temps, entre I arrachage et la transplantation, les racines les plus tenues, et ce sont les plus agissantes, se dessĂšchent et perdent cette souplesse qui leur est si nĂ©cessaire pour t’emplir les fonctions auxquelles elles sont destinĂ©es. Si l’ouvrier n’a pas l'atfention, trop gĂȘnante, trop minutieuse pour qu’on y puisse compter, de rendre a chaque individu les genre d’exposition qu’il avait dans la pĂ©piniĂšre, de donner celle du nord au cĂŽtĂ© tpii a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© accoutumĂ© Ă  son action , et celle du midi, au cĂŽtĂ© dont les forces ont Ă©tĂ© dĂ©jĂ  dilatĂ©es par ta chaleur la plante succombera bientĂŽt, il lui faudra du moins beaucoup de temps pour qu’elle s'acclimate de nouveau. L’expĂ©rience prouve que le temps de la t'eprise des chevelues est tout aussi long dans les plants EnracinĂ©s que celui de leur formation dans les croques ou les boutures. Le prompt et l’entier succĂšs de la plantation en boutures, dĂ©pend entiĂšrement de la bonne prĂ©paration de la terre, des soins qu’on donne aux diffĂ©rens procĂ©dĂ©s de dĂ©tail qu’exige la plantation et du bon choix des plants. C est une erreur de ne vouloir .adopter que des plants tirĂ©s des vignobles les plus renommĂ©s ; aucune CULTURE DE LA VIGNE. 2?2 plante n’est aussi sujette Ă  varier dans ses formes et dans la qualitĂ© de ses produits, que la vigne. Ce serait mal Ă  propos qu’on voudrait lui appliquer ce principe des physiciens, que les plantes gagnent Ă  ĂȘtre transportĂ©es du nord au midi. La vigne venue du nord parviendra Ă  sa maturitĂ© la premiĂšre annĂ©e douze ou quinze jours plus tĂŽt que les vignes ordinaires du pays. L’annĂ©e suivante, le temps de la maturitĂ© des uns et des autres se rapprochera ; aprĂšs huit ou dix ans, il n’y aura plus moyen de les distinguer. Le moyen le plus simple, le moins coĂ»teux et le plus sĂ»r, est de se pourvoir, autour de soi, dans ses propres vignes ou dans celles de ses plus proches voisins, sur les seules races connues pour produire le meilleur vin du canton. Ces mĂ©langes monstrueux des raisins de toutes les espĂšces, de toutes les races, de toutes les variĂ©tĂ©s, tels qu’on les voit dans presque tous les vignobles de la France , puis qu’on ne peut guĂšre excepter que les premiers crus de Champagne et de Bourgogne, ne laissent aucun goĂ»t dĂ©cidĂ© aux vins. Nous parlerons avec quelque Ă©tendue de l’une des circonstances les plus importantes de la plantation , de l’espacement des ceps. En 1763, M. Maupin publia sur ce sujet un ouvrage qui fit du bruit et qui est intitulĂ© Nouvelle mĂ©thode de cultiver la vigne, etc. Cet. Ă©crivain ne consulte ni la diffĂ©rence des climats, ni la variĂ©tĂ© des terres, ni la nature des espĂšces ; partant du principe que " la » vigne est une plante vivace dont les racines s’éten- 233 FRAGMENS DE CHAPTAL ET ROSIER. ’* dent et s'allongent considĂ©rablement, il estimequ en “ quelque sorte de terre que ce soit, on ne peut “ mettre les ceps Ă  moins de quatre pieds de distance, “ en tout sens, les uns des autres. Dans les terres ” fortes, ajoute-t-il, surtout dans celles qui sont hu- ” mides, je les aimerais autant Ă  cinq qu’à quatre. Il ” est Ă©vident i° que partout, dans tous les pays et ” dans toutes les terres, le grand espacement des ceps " emploie beaucoup moins d’échalas que si les vignes ” Ă©taient plus serrĂ©es et Ă©paisses, comme elles le sont “ gĂ©nĂ©ralement ; ce qui est un premier objet d’écono- “ mie ; 2 ° que la culture des vignes espacĂ©es est beau- “ coup plus libre que si elles ne l’étaient pas ; 3° que H les ceps espacĂ©s doivent ĂȘtre beaucoup plus forts, ** plus robustes que ceux qui ne le sont pas, et de lĂ , qu’ils ont besoin beaucoup moins souvent d’ĂȘtre » provignĂ©s et fumĂ©s ; ce qui est un second objet d’é- ’* conomie 4° que l’espacement qui donne des ceps ” plus vigoureux dans une espĂšce de terre, doit les 11 donner aussi plus vigoureux dans toutes les autres; ** et que, quoique la vigueur soit plus ou moinsgrande, ’> Ă  raison des diffĂ©rentes qualitĂ©s des terres, elle est “ cependant toujours plus considĂ©rable que si les ceps » Ă©taient beaucoup moins Ă©cartĂ©s c’est une vĂ©ritĂ© qui » ne peut ĂȘtre contestĂ©e, et de laquelle rĂ©sulte, clair ’> comme le jour, la convenance gĂ©nĂ©rale de l'espace- » ment des ceps ou de ma nouvelle mĂ©thode, pour " toutes les terres sans exception. J’ai donc eu raison *> de dire que ma nouvelle mĂ©thode de cultiver la “ vigne, dans laquelle les ceps sont beaucoup plus " Ă©cartĂ©s que dans l’usage ordinaire, convient Ă  toutes CULTURE DK LA VIGNE 234 » les lerres et Ă  tous les pays, puisque les effets et les » avantages en seront incontestablement partout les » mĂȘmes. » Il est impossible je pense, d Ă©noncer un plus grand nombre d’erreurs en aussi peu de lignes. S’il Ă©tait question de plantes forestiĂšres ou de nos grands arbres fruitiers indigĂšnes, on pourrait ne pas raisonner autrement. S'il ne s'agissait que d’obtenir beaucoup de bois, de larges feuilles, une grande abondance de raisins, ou plutĂŽt de raisinetles; nous souscririons volontiers Ă  la doctrine de Maupin. Mais il s’agit de raisins propres Ă  donner, non du verjus, mais du vin; et la maturitĂ© requise pour de tels raisins ne s’obtient que par une juste proportion entre la quantitĂ© de sĂšve circulant dans la plante, et l’intensitĂ© de la chaleur atmosphĂ©rique exerçant sur elle sa puissance. Si vous procurez Ă  la plante plus de sĂšve que les rayons du soleil n'en pourront Ă©laborer, elle ne vous donnera que de mauvais fruits. Ne serait-il pas plus conforme aux lois de la saine physique de dire Partout oĂč vous pouvez obtenir dans le raisin assez de maturitĂ© pour que le mucilage se convertisse en muqueux doux-sucrĂ©, mĂȘme en laissant une grande distance entre les ceps, ne nĂ©gligez pas ce moyen ; vous en obtiendrez des rĂ©coltes plus abondantes ; vous prolongerez la durĂ©e de votre vigne, les frais de culture seront plus modĂ©rĂ©s, et votre vin n’en aura pas moins les bonnes qualitĂ©s qu’il doit avoir. Mais si vous cultivez la vigne Ă  une tempĂ©rature moins chaude, dans une terre plus fĂ©conde ou Ă  une exposition plus incertaine que nous FR AG MENS DE CHAPTAÏ, ET ROSIER. 235 *>e venons de la supposer, gardez-vous d’espacer les ceps de la mĂȘme maniĂšre. Par le rapprochement des ceps, ils se prĂ©servent mutuellement de quelques coups de froidures et quant a la chaleur nĂ©cessaire Ă  la maturitĂ© du fruit, elle se c °ncentre mieux, lĂ  ou les ceps sont tellement rapprochĂ©s, que l air circule peu autour d’eux. Je vois 'ci tous les ans dans ma vigne, que la partie extĂ©rieure es t toujours moins belle que l’intĂ©rieure, et je pense ^ue c’est prĂ©cisĂ©ment parce que les premiers rangs manquentde l’abri qu’ils portent Ă  ceux qui lessuivent. A mesure qu'on approche du nord, il convient de diminuer, dans une sage proportion , la distance des ceps. En supposant qu’en Roussillon, en Provence, en Languedoc, on dĂ»t les espacer, par exemple de 6 pieds, celle distance en Guienne, pourrait ĂȘtre restreinte de plus d'un quart; en Touraine, de moitiĂ©; aux environs de Paris des trois quarts; et vers Reims, Soissons, Laon, ce serait assez de les Ă©loigner l’un de l’autre de 2 Ă  16 pouces. Les rĂšgles particuliĂšres Ă  cet Ă©gard ne Peuvent ĂȘtre prescrites que par l’expĂ©rience, et par 1 Ă©tude des localitĂ©s. 236 CULTURE DE LA VIGNE SECTION III. DE LA HAUTEUR DES CEPS ; DE LA TAILLE ; DU PALISSAGE ; DE LA ROGNURE ; DE l’ÉBOURGEONNEMENT ET DE l’eFFEUILLEMENT. Quel est le juste point d’élĂ©vation auquel le cultivateur arrĂȘtera les tiges de sa vigne, et d’aprĂšs quels principes se conduira-t-il Ă  cet Ă©gard P D’aprĂšs ceux qui l'ont dirigĂ© dans l’espacement, lors de la plantation. On ne peut avoir d’autre objet, dans cette opĂ©ration, que de chercher Ă  augmenter la chaleur en raison du besoin qu’on en a pour produire la maturitĂ© du raisin. Plus le raisin est rapprochĂ© de la surface de la terre pourvu toutefois qu'il ne soit pas en contact avec elle, car cette circonstance lui fait perdre toutes ses qualitĂ©s, plus est sensible la rĂ©verbĂ©ration, plus est forte la chaleur. C’est pour cela que nos dĂ©par- temensseptentrionaux ne peuventadmetlreque la vigne naine. On pourrait objecter que plus les grappes sont prĂšs de terre, et plus elles sont exposĂ©es aux gelĂ©es. Cela est vrai; mais la gelĂ©e est un malheur, un malheur accidentel. La taille a pour objet, sur la vigne faite ou en rapport, d’empĂȘcher la dissĂ©mination de la sĂšve et la formation d'une quantitĂ© infinie de sarmens, de brin- FRAGMENS DE CHAPTAL ET ROSIER. 237 Ailles et de feuilles, et de concentrer la sĂšve dans une Partie des sartriens qu’on juge les plus propres Ă  produire de bons fruits ; par la mĂȘme opĂ©ration faite sur la vigne qui est encore dans l’enfance, on employĂ© toute la sĂšve Ă  nourrir le brin qui doit ĂȘtre converti Cn souche. Faut-il tailler court ou long, laisser peu ou beaucoup de coursons? On ne peut se rĂ©gler Ă  cet Ă©gard que sur les climats, les expositions, la nature des ter- cains, la vigueur plus ou moins grande des sujets , la cjualitĂ© particuliĂšre du bois, suivant la tempĂ©rature de f annĂ©e et les Ă©vĂ©nemens de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. On doit considĂ©rer l’ñge des vignes, la distance des ceps, la nature et l’espĂšce des raisins. En Bourgogne, le Ma urillon ne veut pas ĂȘtre taillĂ© comme le Gamet. La vigne trop chargĂ©e s’épuise bientĂŽt ; trop dĂ©chargĂ©e, elle ne produit que du bois. Pour la vigne naine, trois ou quatre flĂšches taillĂ©es Ă  un ou deux yeux seulement sont une charge proportionnĂ©e Ă  ses forces. Une vigne vieille veut ĂȘtre taillĂ©e court et souvent ravalĂ©e. Non seulement la vieillesse, mais le nombre des a ccidens auxquels la vigne est exposĂ©e, fait souvent une loi de cette mesure. Par exemple, qu’une vigne ait Ă©tĂ© entiĂšrement maltraitĂ©e par la gelĂ©e, et qu’on ne puisse plus compter sur ses arriĂšre-bourgeons, on coupera jusque sur la souche l’ancien et le nouveau bois. Si, dans l’annĂ©e mĂȘme, des gelĂ©es de printemps °nt fatiguĂ© ou dĂ©truit les bourgeons, il faut ravaler sur ceux qui sont restĂ©s sains, et, l’annĂ©e suivante, cabaitre sur le seul bon bois qui a poussĂ© des sous- CUf/rUUK DK LA VIGNE 238 jeux, ou qui a perce de la souche. Si, au contraire, l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, la vigne a coulĂ©, et que la sĂšve, n’ayant point Ă©tĂ© employĂ©e Ă  produire du fruit, ail fait des pousses dĂ©mesurĂ©es, on ne risque rien alors de l’ail onger et de la charger, sauf Ă  la mĂ©nager Ă  la taille suivante si on la trouve fatiguĂ©e. Dans les annĂ©es sĂšches, la vigne fait peu de bois; alors taillez court, chargez peu si l'hiver a Ă©tĂ© rigoureux; si le bois et les boulons en bourre ont gelĂ© en partie, ne vous hĂątez point de retrancher le bois gelc, on peut encore espĂ©rer une rĂ©colte sur les arriĂšre-bourgeons. Peu aprĂšs que la tempĂ©rature sera devenue plus douce, examinez les bois qui ont souffert et les yeux qui sont Ă©teints; tirez sur les bons bois et sur les bons yeux, dussiez vous-mĂȘme allonger plus que de coutume, sauf Ă  ravaler l’annĂ©e suivante, et Ă  asseoir la taille sur le bois qui aura poussĂ© immĂ©diatement de la souche. La nature a pourvu la partie supĂ©rieure des sar- mcns de la vigne, de vrilles ou de tenons pour s’accrocher aux plantes voisines. La tempĂ©rature de nos climats ne nous permettant pas de leur prĂ©senter des arbres ou des arbrisseaux pour supports, nous sommes obligĂ©s de les accoler Ă  des pieux qu'on nomme Ă©chalas. La façon de les disposer n’est rien moins qu’indiffĂ©rente pour la qualitĂ© des fruits de la vigne, La plus mauvaise de toutes les mĂ©thodes de palisser, et malheureusement la plus commune, est celle par laquelle on contraint la sĂšve de se porter verticalement de bas en haut, en attachant et la tige et les sarmens Ă  un pieu perpendiculairement plantĂ© prĂšs \ r’RAGMETSS DE CH ART AT. ET ROSIER. 2dg 7 258 CULTURE DE LA VIGNE NEUGHATELOISE Il y a trois avantages incontestables Ă  provigner en automne i° Les sarmens sont plus flexibles, il est plus facile le les courber et de les conduire oĂč l’on veut; 2 ° St l’hiver est rigoureux, le cep qu’on aura pro- vignĂ© souffrira beaucoup moins que si on ne l’eĂ»t pas fait ; 3° La terre tirĂ©e des fosses prĂ©servera de la gelĂ©e les ceps autour desquels on la rĂ©pandra. Les provignemens de la seconde saison peuvent ĂȘtre commencĂ©s Ă  l’époque oĂč la neige a disparu; mais il faut que la terre soit assez sĂšche pour ne pas s’attacher aux outils. Comme lesarment, surtout celui des espĂšces dĂ©licates, est alors moins flexible qu’en automne et comme les vents du Nord et les temps secs augmentent encore sa roideur, il convient d attendre le retour d’un temps humide pour provigner. Il faut ensuite Ă©viter de provigner des ceps gelĂ©s et pour cela faire une lĂ©gĂšre incision Ă  l’extrĂ©mitĂ© des sarmens. Si au lieu d’un verd gai, qui est la couleur naturelle d’un bois sain, vous n’apercevez qu’une couleur blanchĂątre, c’est une preuve que le cep a souffert. Si en arrachant quelques boutons vous les trouvez noirs, vous pouvez en tirer la mĂȘme conclusion. Dans ces deux cas, la prudence exige que l’on renvoie de provigner, surtout les vieux ceps, jusques aprĂšs le premier labour, Ă©poque oĂč la vĂ©gĂ©tation pourra faire porter un jugement assurĂ©. Le provignement fait dans les deux premiĂšres saisons a des avantages notables. S'il arrive quelqu’accident Ă  un provin, on peut le remplacer, parce que la vigne n’est pas taillĂ©e. PAR 209 Les nƓuds et les boutons donnent de fortes mĂšres- racines et beaucoup de chevelu, et forment ainsi des ceps vigoureux et qui durent long-temps. La sĂšve, ne trouvant aucune ouverture pour s’échapper, tourne toute entiĂšre au profit des provins, qui, pour la plupart, ont une annĂ©e d’avance sur ceux qu’on fait plus tard. Cependant l’usage dans ce pays est de provigner trĂšs peu pendant l’automne et avant le premier labour; on renvoie pour l’ordinaire ce travail Ă  la troisiĂšme saison. La meilleure Ă©poque de la troisiĂšme saison finit au moment oĂč les boulons s’épanouissent. Plus tard, lorsque les jets ont deux ou trois pouces, ils sont si tendres que la plus lĂ©gĂšre secousse suffit pour les abattre, nĂ©anmoins on peut encore regarder comme bons les provins. Mais quand les nouveaux jets ont quatre ou cinq pouces, les provins qu’on fait sont bien infĂ©rieurs aux prĂ©cĂ©dens. Les sarmens que l’on met en terre sont Ă©puisĂ©s par les jets qu’ils ont donnĂ©s et ils s'affaibliront encore en poussant des racines. Les provins tardifs restent pendant long-temps faibles et languissans. Le provignement tardif a toutefois quelques avantages; il est plus facile alors de distinguer quels ceps il vaut le mieux provigner. Le nombre des grappes , la couleur et la forme des feuilles font reconnaĂźtre aisĂ©ment le bon et le mauvais plant, il est plus facile de plier le sarment, parce qu’il est amolli par la sĂšve; la terre Ă©tant labourĂ©e, on a moins de peine Ă  creuser les fosses. Enfin, Ă  la suite d’un hiver rigoureux, on 260 CULTURE DE LA VIGNE NEUCHATELOISE ne risque pas de provigner des ceps que la gelĂ©e aurait dĂ©truits. Quand un vieux cep est propre Ă  former des provins, on doit le prĂ©fĂ©rer aux jeunes et Ă  ceux qui sont pleins de force. On provigne l’un contre l’autre deux vieux ceps dont les sartnens sont courts, de sorte qu’on n’a pas besoin de bois tournant. On peut laisser quatre sarmens au cep que l’on veut provigner; mais on ne doit en tirer que trois provins; le quatriĂšme sarment remplacera celui des autres qui aurait Ă©tĂ© endommagĂ©, et on le coupera s’ils n’ont pas souffert. Jamais on ne doit provigner dans la mĂȘme annĂ©e deux jeunes ceps frĂšres. On les Ă©puiserait inĂ©vitablement. Le plant de raisins noirs indigĂšnes doit ĂȘtre renouvelĂ© beaucoup plus tĂŽt que celui des blancs. L’éloignement des ceps doit ĂȘtre dĂ©terminĂ© d’aprĂšs la nature du terrain. S’agit-il d’une terre forte oĂč les ceps prospĂšrent et grossissent Ă  souhait, la distance de 28 Ă  32 pouces ne sera pas trop considĂ©rable. Dans les vignes qui tiennent le milieu, on peut placer les ceps Ă  deux pieds de distance. Enfin, sur les coteaux, il suffira d’espacer de 20 Ă  22 pouces les ceps du plant de raisins blancs, et de 18 Ă  20 ceux de raisins rouges. Afin de bien appliquer ces rĂšgles, je conseille de parcourir ses vignes vers la fin de juillet, quand la vĂ©gĂ©tation est dans toute sa force; on verra d’abord quel est l’endroit oĂč se trouvent les ceps les plus beaux PAR ROULET. 26 r et les plus chargĂ©s de raisins leur dislance servira de rĂšgle pour 1 ecartement des provins. Et comme il n'est pas rare de voir dans une mĂȘme vigne plusieurs espĂšces de terres, on y aura Ă©gard et on se dirigera d’aprĂšs les observations qu’on aura faites. La profondeur des fosses doit ĂȘtre dans nos vignes rapides, dont la terre maigre et lĂ©gĂšre est bientĂŽt dessĂ©chĂ©e par les chaleurs de l'Ă©tĂ©, de seize Ă  dix-huit pouces; dans les terres qui ont plus de consistance, de quatorze Ă  quinze pouces. Enfin, dans les terres humides et froides, de douze Ă  quatorze pouces. Voici encore quelques directions gĂ©nĂ©rales i° En faisant une fosse dans un endroit oĂč il n'y en a point eu, il faut placer son cep assez bas pour que 1 on puisse provigner au moins encore une fois au- dessus. 2 ° La fosse ne doit pas avoir la forme d’une tasse ; mais ĂȘtre aussi profonde sur les bords qu’au milieu. 3° Il faut dĂ©couvrir les vieilles souches, arracher celles qui sont inutiles, enfoncer davantage celles qui restent et qui sont trop Ă©levĂ©es, mais qu’on ne pourrait ĂŽter sans danger. Il sera facile alors de placer des provins au-dessus. Si celte opĂ©ration est impossible, il faut creuser entre les souches des sillons dans lesquels on introduira les sarmens que l’on veut provigner. 4° Dans les vignes rapides, il faut Ă©viter de jeter au- dessous des fosses la terre que l’on en tire. 5° Il faut avoir grand soin de choisir, pour provigner, le temps oĂč la terre est dessĂ©chĂ©e, surtout dans les vignes situĂ©es dans la plaine, Ă  cause de la facilitĂ© 262 CULTURE DE LA VIGNE NEUCHATELOISE que les racines des provins trouvent Ă  s’étendre eu tout sens. 6° L'usage de fumer les fosses Ă©tait autrefois gĂ©nĂ©ral, et on le regardait comme trĂšs avantageux. Je l’ai cru long-temps. Voici ce qui m’a dĂ©trompĂ© J’ai vu que les provins que l'on n’avait pas recouverts d’engrais rĂ©ussissaient tout aussi bien que les autres. J’ai observĂ©, de plus, que la terre avec laquelle on recouvre le fumier, en comblant la fosse, empĂȘchait les provins de profiter des influences de l’air et de la chaleur, D'ailleurs l’engrais descend bientĂŽt au-dessous des souches-mĂšres, et dĂšs ce moment tout son effet est perdu. Si l'on veut absolument mettre du fumier dans les fosses, il faut le faire aprĂšs la vendange ou pendant l’hiver. 7 0 11 est encore un autre abus, contre lequel je dois m’élever; c'est la mĂ©thode que suivent gĂ©nĂ©ralement les vignerons, de combler les fosses en labourant. Elle est trĂšs pernicieuse Ă  la vigne, parce quelle empĂȘche les provins de porter du fruit, 8°En revanche, comme une trop grande humiditĂ© est Ă  craindre pour les provins, il faut combler les fosses en automne, aprĂšs avoir eu soin de dĂ©chausser les provins, d’en retrancher tout le bois inutile, et de couper par le milieu les sarinens qu’on leur laisse, lorsqu’ils sont trĂšs longs, afin qu’ils ne soient pas brisĂ©s par le poids de la neige. On peut commencer celle opĂ©ration d’abord aprĂšs la chute des feuilles. PAH BOULET. 263 Eh remplissant les fosses de terre, il faut avoir soin de la prendre dans le bas et de ne pas trop dĂ©garnir les ceps voisins. DU PREMIER LABOUR. Cette façon s’appelle, dans le langage des vignerons, fossoyer du croc, ou de la premiĂšre. En gĂ©nĂ©ral, c’est Ă  la fin de mars, ou au commencement d’avril, qu’il convient de labourer. Quand un retour d'hiver peut se prĂ©voir, le vigneron doit interrompre le labour. Un labour bĂątif sera excellent si le temps se soutient. Labourer la terre quand elle est humide, c’est la rendre grossiĂšre; c’est donc par les vignes rapides, pierreuses et qui ont peu de fond qu’il faut commencer cette façon, puisque le principal dĂ©faut de leur sol est de manquer de consistance. Si, lorsqu’on commence Ă  labourer, le terrain est sec, comme cela arrive quelquefois et particuliĂšrement quand la bise de mars a soufflĂ©; alors c’est, non par les terres lĂ©gĂšres, mais par les terres fortes qu’il faudrait commencer. Il faut que le vigneron donne au mĂȘme endroit deux coups de hoyau du premier, il enlĂšve et retourne un morceau de terre; du second, il donne au labour la profondeur qu’il doit avoir. Un bon vigneron s’applique Ă  donner au labour du pied des ceps la mĂȘme profondeur que dans l’intervalle qui les sĂ©pare, et il coupe les racines qui sont trop prĂšs de la surface du sol. 264 CULTURE DE LA VIGNE NEUCHATELOISE Comme les fosses de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente sont Ă  peine recouvertes, il ne faut que gratter leur superficie, crainte d’attaquer les mĂšres des provins. Enfin l'on prendra garde d’étouffer, en labourant, les provins de l’annĂ©e. La profondeur du labour est trĂšs importante, elle doit dĂ©pendre de la plus ou moins grande profondeur des mĂšres lĂ  oĂč elles auraient 14 Ă  i 5 pouces de profondeur, un labour de n Ă  12 serait bon; les terres fortes exigent un labour plus profond que les terres lĂ©gĂšres. La vigne plantĂ©e au pau/er, ou taravelle, doit ĂȘtre labourĂ©e profondĂ©ment; elle n’a pas de mĂšres , mais des racines profondes auxquelles il faut procurer les influences de l’atmosphĂšre. Dans les vignobles rĂ©guliĂšrement plantĂ©s, on Ă©cha- lasse en labourant; mais cela ne peut se faire dans les nĂŽtres, vu leur irrĂ©gularitĂ© cela prolongerait trop cette opĂ©ration. On aura l’attention de ne dĂ©placer qu’avec prĂ©caution les Ă©chalas. Il faut faire beaucoup d’attention aux provins de deux ans, les redresser sans retard et les attacher Ă  l'Ă©chalas. DE l’ÉCHALASSEMENT. Le moment d'Ă©chalasser est celui oĂč le vigneron a fini de provigner; il faut qu’on ait fini d’échalasser lorsqu’on commence Ă  biner. En gĂ©nĂ©ral l’échalas doit ĂȘtre enfoncĂ© de q Ă  10 pouces; il doit l’ĂȘtre de 12 si le PAR ROULET. 265 Sol est d’ue terre lĂ©gĂšre et exposĂ© aux coups de vent. Si la Vl gneest plate, on le plantera perpendiculairement. Si ^ a vigne est en pente, l’échalas doit incliner de quatre a six pouces en sens inverse de la vigne. ï° Il rĂ©siste plus facilement au vent du Nord. 2° Le cep prĂ©sente mieux son fruit Ă  l’influence du soleil. 3° Le binage se fait avec plus de facilitĂ©. Si, lors de l’échalassement, les jets ne sont pas dur- c,s , il faut, pour ne pas les abattre, Ă©viter toute secousse au cep. On mettra les plus longs Ă©chalas aux ceps les plus clevĂ©s et on plantera en terre le bout le plus sain. Si l’échalassement est bien fait, il y a peu besoin d’y retoucher; c’est un grand bien pour le raisin une fois n °uĂ©, il faut le laisser dans un Ă©tat de repos. Un cep sans fruit n’a pas besoin d’cchalas; on doit raccourcir ses jets. Tout jeune cep, qu’il ait ou non du fruit, doit avoir son Ă©chalas. Tout cep enfin, s’il a du fruit, doit ĂȘtre Ă©chalassĂ©. Les vignes qui pourraient le plus se passer d’échalas sont celles dont la terre est lĂ©gĂšre ou sĂšche, car le raisin y mĂ»rit facilement, fl faut tirer de terre, d’abord aprĂšs les vendanges, les Ă©chalas de tous les ceps qui ont assez de force pour s en passer, 266 CULTURE DE LA VIGNE NEUCHATELOISE DU BINAGE OU DEUXIEME LABOUR. Quand le hĂȘtre verdit jusqu’au haut de nos montagnes, Ă©poque oĂč les nouvelles pousses ont cinq ou six pouces de longueur, c'est une indication qu’on doit commencer le binage. i° On peut le faire avec le bident; si l’on attend, la vigne pousse, et ses jets ne laissent au vigneron que l’usage du fossoir plat. 2° On peut choisir ses momens, et l’on n’est pas forcĂ© de biner Ă  terrain trop humide. Cependant comme en binant tĂŽt on s'expose Ă  abattre les jets encore tendres de la vigne, on doit commencer parles vignes printanniĂšres; viendront ensuite les vignes fournies de ceps. Les vignes lĂ©gĂšres, et oĂč l’on aura beaucoup provignĂ©, se bineront les derniĂšres. Le binage doit avoir en profondeur la moitiĂ© du premier labour. En binant, les bons vignerons abattent tout jet qui sort immĂ©diatement de terre, Ă©bourgeonnent le cep au-dessous de sa couronne, enlĂšvent jusqu’à la racine les herbes nuisibles Ă  la vigne et raffermissent les Ă©cha- las qui en ont besoin. PAU HOULET. 267 DF, l’ÉBOURGEONNEMENT. L’ébourgeonnement consiste Ă  retrancher les jets superflus. Il sert Ă  faire porter la sĂšve en plus grande a bondance aux sarmens qui ont du fruit ; il prĂ©pare la taille de 1 annĂ©e suivante et en diminue le travail. En Ă©bourgeonnant, il faut conserver t° les bois qui °ntdu fruit, qu'ils aient ou non poussĂ© aux sarmens flue l’on a taillĂ©s. 2 0 Ceux qui appartiennent aux sar- tĂŒens taillĂ©s et n’ont pas de fruit, parce que peut-ĂȘtre, aprĂšs la taille de l’annĂ©e suivante, ils auront du fruit. Dans notre pays, il convient de retarder plutĂŽt que d'accĂ©lĂ©rer l’ébourgeonnement i° A raison de l’irrĂ©gularitĂ© de nos vignobles, on risque d’y casser les bons jets, si on Ă©bourgeonne avant qu’ils se soient durcis. 2 0 On ne peut laisser aux ceps de l’espĂšce des nĂŽtres beaucoup de bois; ils n’ont jamais surabondance de fruits, et il faut attendre dĂšs lĂ  qu’ils aient poussĂ© tout relui qu’ils peuvent donner et ne les Ă©bourgeonner flu’aprĂšs la seconde pousse. 3° Les vents cassent beaucoup de sarmens dans les vignes, surtout lorsqu’ils sont encore tendres; les Ă©bourgeonner Ă  cette Ă©poque, c’est donner en quelque sorte entrĂ©e aux vents et augmenter leur influence destructive. a68 CULTURE DE LA. VIGNE NEUCHATELOISE DU RELÈVEMENT DE LA VIGNE OU DE L’ACCOLAGE. Dans celte opĂ©ration, il faut observer ce qui suit i° Ne pas attacher la vigne dans un temps trop antĂ©rieur Ă  la fleuraison. D’abord cela arrĂȘte la sĂšve et la retarde au grand prĂ©judice du fruit; ensuite les sar- mcns Ă©tant frais, on les casse en voulant les approcher de l’échalas. Les plus beaux sont les plus sujets Ă  cet inconvĂ©nient, 2 ° Ne pas al tacher la vigne lorsque sa feuille est mouillĂ©e par la rosĂ©e ou par la pluie et surtout quand celle-ci est froide, c’est faire couler le raisin et occa- sioner la brĂ»lure. 3° Ne pas attacher trop lard les ceps dont le fruit est bas et principalement les provins de l’annĂ©e, ce qui fait couler les raisins. Quand les jeunes ceps sont attachĂ©s, le propriĂ©taire peut ne pas se mettre en peine si les autres s’attachent un peu lard; les vignes printaniĂšres doivent ĂȘtre attachĂ©es les premiĂšres. En attachant, il faut ĂŽter quelques-uns de leurs bois aux provins qui en ont de trop grands il suffit de laisser deux des plus gros Ă  ceux qui n’ont pas de fruit on ĂŽte Ă  ceux qui en ont les bois qui n'en portent pas, et mĂȘme pour les dĂ©charger on leur ĂŽte quelques jets placĂ©s bas, lors mĂȘme qu’ils porteraient du fruit. PAR 269 On doit encore ĂŽter Ă  chaque cep, lorsqu'on l’attache, tous les bois superflus, qui auraient dĂ©jĂ  dĂ» ĂȘtre otĂ©s lorsqu'on Ă©bourgeonnait. IndĂ©pendamment de cette opĂ©ration, qui n’admet aucune exception, il faut Ă©claircir les ceps qui se trouveraient trop touffus; les terres fortes et les vignes tardives y sont le plus sujettes. Dans une vigne oĂč il y a peu de fond, cette opĂ©ration ne doit jamais se faire sur les ceps petits, ni dans °ne annĂ©e oĂč l’on craint la brĂ»lure. Les ceps qui, Ă©tant attachĂ©s, se trouvent trop touffus, s’éclaircissent Ă  mesure qu’on leur ĂŽte un certain nombre de drageons, que nos vignerons appellent rebuis. 5° Dans quelques vignobles, et jadis dans les nĂŽtres, °n ĂŽtait Ă  la vigne quelques-unes de ses feuilles ; cette pratique est pernicieuse; les feuilles concourrent puissamment Ă  la nourriture des boutons destinĂ©s Ă  donner du raisin les annĂ©es suivantes. G 0 Dans les ceps qu’a soignĂ©s un vigneron attentif, tous leurs raisins sont placĂ©s en dehors. 7° On attache Ă  l Ă©chalas, par leur sommitĂ© seulement, les bois les moins longs. Quant aux plus longs, °n doit les attacher par trois ou quatre endroits; le lien le plus Ă©levĂ© doit ĂȘtre de cinq Ă  six pouces au- dessus de la derniĂšre grappe ; le poids que prend le fruit fait graduellement cĂ©der ce lien, le sarment devient convexe, le raisin se trouve ainsi naturellement mieux exposĂ©. 11 est utile d’attacher les bois les plus courts Ă  ceux qui se trouvent placĂ©s Ă  l’extĂ©rieur, puisque de cette 270 CULTURE DE LA VIGNE NEUCHATELOISE maniĂšre il y a plus de grappes en dehors, eL le cep prend plus facilement cette forme convexe si favorable Ă  la prospĂ©ritĂ© du fruit. Reste Ă  parler des ceps qui manquent d’échalas la pratique est de lier leurs bois moyens, et les plus petits aux plus grands, et ceux-ci entre eux vers la sommitĂ©; ou de planter entre deux ceps qu’on attachera, comme on vient de le dire, un Ă©chalas auquel on les liera par leurs sommitĂ©s; ou enfin d’accoler deux ceps ou mĂȘme trois l'un Ă  l’autre par leurs sommitĂ©s, afin qu’ils se prĂȘtent un mutuel appui on peut encore accoler un cep sans Ă©chalas Ă  un cep Ă©chalassĂ©. Mais ce qui vaut mieux que tout cela, c’est de recommander aux propriĂ©taires de ne pas laisser leurs vignes dans un dĂ©nuement qui d'ordinaire est le rĂ©sultat d’une honteuse insouciance. 11 faut retrancher les sommitĂ©s qui s’élĂšvent au- dessus des Ă©chalas les plus Ă©levĂ©s; ce retranchement est trĂšs utile aux provins il faut excepter les doublets. DU REBINAGE OU TROISIEME LABOUR. C’est un lĂ©ger labour. Son but principal est d’extirper les herbes qui. ont crĂ» dans la vigne depuis qu’on l’a attachĂ©e. On l’appelle dans quelques vignobles tier- cer ou tercer. On peut le commencer dĂšs qu’on a fini d’attacher. Pour rebiner utilement, il faut que la terre ne soit pas trop mouillĂ©e; et elle l’est trop si elle n’a pas l’as- PAR ROULET. 27 I blanchĂątre. Un temps chaud et un terrain sec valent mieux. On mettra le moins de terre possible dans les fosses, -'rainie d’étouffer les provins ou leurs grappes, et on raffermira les Ă©chalas Ă©branlĂ©s. L’auteur voudrait que pour le labour l’on substituĂąt au fossoir plat le rabelet. DES TRAVAUX A FAIRE A LA VIGNE, DU REBINAGE A LA VENDANGE. Ces travaux sont essentiellement i u De la rogner. On ĂŽte avec la main les sommitĂ©s des sarmens ainsi que les jets qui ont crĂ» autour du Ce p et qu’on retranche Ă  peu de distance des grandes feuilles et des grappes. L’auteur envisage comme absurde le proverbe qui dit au mois d’aout laisse la vigne en repos. 2 ° De la sarcler. Les herbes absorbent beaucoup de Su es, entretiennent des insectes, ombragent et font pourrir le raisin. On les ĂŽte ordinairement avec la D^ain , mais les petites restent, et l’auteur voudrait ^uon quarlageĂąt avec un rabelet. QUELQUES NOTES SUR LES MOYENS DE PROPAGER PAR LE PROYIGNEMENT LES MEILLEURES ESPÈCES DE PLANTS ET D EN PEUPLER TOUTES NOS VIGNES. PAR UN MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ PATRIOTIQUE. On se plaint presque tous les ans du chĂ©tif produit de notre vignoble, spĂ©cialement de celui des environs de notre ville; il rĂ©sulte en grande partie de la diminution progressive de l’espĂšce de vigne qui donne chez nous le meilleur vin. Ce plant, que nous dĂ©signons sous le nom de fine loi, a deux variĂ©tĂ©s, savoir, la blanche ou grise et la rougette. Ces variĂ©tĂ©s se ressemblent toutes en ce point, c’est que cette loi est celle qui, dans nos vignes, est ordinairement la plus fertile, DE LA PROPAGATION DU BON PLANT. 27 3 et produit le meilleur fruit; elle en rapporte chaque annĂ©e plus ou moins; son bois a de la raideur et il est cassant les nƓuds en sont ordinairement rapprochĂ©s. Si, lorsqu'il a acquis toute sa force, on le charge trop Ă  la taille pendant quelques annĂ©es de suite, il discontinue bientĂŽt de pousser de beaux bois; alors l'ouvrier, qui aurait voulu le provigner, se rebute; et, pour faire ses provignures, il choisit dans la loi grossiĂšre les ceps Ă  beaux bois qu’il ,u'a pu trouver dans 1 a utre, laquelle en Ă©change il continue de tailler, en ta laissant toujours Ă©galement chargĂ©e, jusqu’à l’extinction totale de ses forces. C’est ainsi que cette espĂšce si prĂ©cieuse s’efface peu Ă  peu dans plusieurs de nos vignes et surtout dans celles dont la nature et l’exposition du sol promettraient le meilleur vin. ‱T’ai pour but principal d'indiquer ici les moyens que je crois les plus propres Ă  rendre en tout temps facile et profitable le provignement de ce plant, dont les sarmens ou bois acquiĂšrent rarement la force, la longueur et la flexibilitĂ© convenables pour cet usage. Si les diverses espĂšces de plants qui peuplent nos vignes Ă©taient totalement sĂ©parĂ©es les unes des autres, il serait beaucoup plus aisĂ© de donnera chacune d’elles ta culture la mieux appropriĂ©e Ă  sa nature ; mais de tels arrangemens sont trĂšs rares dans notre vignoble, oĂč l’on peut dire que tous les plants sont mĂȘles les uns parmi les autres. Il rĂ©sulte de lĂ  que les racines de 1 espĂšce la plus grossiĂšre ou la plus forte attirent Ă  elles ta majeure partie des sucs dont les autres auraient besoin. 18 DE LA PROPAGATION 274 La tige de la vigne de fine loi demande d’ĂȘtre tenue basse plus que toute autre; il ne faut la charger dans nos terres lĂ©gĂšres que de deux Ă  trois cornes ou branches, dont chacune ne doit porter, lors mĂȘme que le cep est parvenu Ă  son Ăąge de vigueur, qu’un bon bouton et le borgne, rarement deux bons boutons, afin qu’ils soient nourris suffisamment et sans que le cep soit en souffrance. La vigne plus grossiĂšre, et qu’on appelle communĂ©ment ici rouge-bois, peut, sans risque, ĂȘtre chargĂ©e d'une jusqu’à trois cornes de plus que la prĂ©cĂ©dente, et mĂȘme quelquefois d’un bouton de plus par chaque corne. Cependant on les charge Ă  peu prĂšs autant l’une que l’autre. Le vigneron, au moment de la taille, ne fait presque jamais de distinction entre les deux espĂšces, soit par ignorance, soit par paresse, soit parce qu’il est pressĂ© d’achever son ouvrage. Il rĂ©sulte de cette maniĂšre de procĂ©der que les ceps de fine loi se trouvent ordinairement surchargĂ©s et qu’ils vieillissent de trĂšs bonne heure ; tandis que d’un autre cĂŽtĂ© ceux de rouge-bois, n'ayant pas reçu une charge proportionnĂ©e Ă  la force de leur sĂšve, la poussent d’une maniĂšre immodĂ©rĂ©e dans les boutons, qui s’en trouvent inondĂ©s et font monter le raisin en fil ou fourcheltĂȘ Ă  mesure qu’il sort. Si j’étais appelĂ© Ă  donner mon avis sur le meilleur remĂšde Ă  ce mal, je dirais arrachez votre vigne et replantez~la d’une mĂȘme espĂšce de plant qui soit convenable Ă  la nature de votre terrain; mais on n’est point arrangĂ© dans ce pays pour suivre cette route; DU BON PLANT. 275 l’on n’y corrige les vignes que par le moyen du pro- vignement. Tenons-nous en donc actuellement Ă  cette marche en la dirigeant. Premier moyen.—Les labours d’hiver pleins et complets, sont trĂšs efficaces pour ranimer les forces de la vigne ils divisent et ameublissent la terre Ă  une profondeur convenable, ce qui permet aux racines de s’étendre assez bas pour n’ĂȘtre pas endommagĂ©es par le travail des labours ordinaires, et pour procurer aux souches une force nouvelle qui les aide Ă  pousser des sarmens vigoureux et trĂšs propres Ă  la provignure. De pareils labours ne peuvent donc qu’ĂȘtre trĂšs avantageux aux terres lĂ©gĂšres que nous avons particuliĂšrement en vue cependant ils ne sont point mis en pratique dans ce pays. Nous donnons le nom de labours d’hiver, pleins et complets, Ă  ceux que le propriĂ©taire fait exĂ©cuter Ă  ses propres frais et Ă  la journĂ©e comme un travail extraordinaire. Ils sont pleins et complets en ce qu’on leur donne toute la profondeur possible en creusant par fossĂ©s jusque sur les racines mĂšres, et qu’on dĂ©place toute la terre qui en provient, ayant l’attention de mettre dans le fond du fossé’une corbeille de terreau, si l’on en a, ou cette mĂȘme quantitĂ© de terre prise Ă  la surface du sol et d’achever de remplir avec celle qui est tirĂ©e plus bas. De cette maniĂšre, la terre du fond est ramenĂ©e Ă  la surface; et comme elle est toujours la plus forte, elle est aussi la plus propre Ă  maintenir jusqu’au fond 1 humiditĂ© de l’hiver. Ces labours profonds procurent aussi l’occasion 276 DE I,A PROPAGATION i° De retrancher exactement toutes les fausses racines attachĂ©es Ă  la tige des ceps, depuis la surface du sol jusqu’à 8 et mĂȘme g pouces de profondeur. 2 0 De corriger la trop grande inĂ©galitĂ© des distances qui se trouvent entre les ceps. 3 ° De corriger les dĂ©fauts des prĂ©cĂ©dentes provi- gnures. Il faut surtout renfoncer les mĂšres des ceps qu’on n’aurait pas couchĂ©es assez profondĂ©ment. En remuant la terre dans une si grande Ă©paisseur, elle acquiert pour long-temps un volume plus considĂ©rable et garnit Ă  une plus grande hauteur la tige des ceps. Un labour complet ameublit et fertilise la terre pour long-temps. Une vigne se ressent avantageusement de cette opĂ©ration pendant huit ans et plus; enfin, le labour d’hiver est trĂšs propre Ă  faire mourir les larves ou vers que produisent les urbecs qui sont alors cachĂ©s en terre. Pour assurer le succĂšs de ce labour, il faut, ensuite laisser absolument la vigne en repos jusqu’à la fin de fĂ©vrier ou mĂȘme de mars, car rien ne s'oppose autant aux bons effets des labours que le piĂ©tinement qu’essuie la terre aprĂšs les avoir reçus. Second moyen.—Le provignement des vieux ceps. — La vigne encore jeune ne doit pas ĂȘtre enfouie dans la terre pour servir au provignement; mais if faut au contraire tirer parti des ceps que l’ñge a maltraitĂ©s. Que le propriĂ©taire, avant la vendange, fasse la visite de ses vignes, accompagnĂ© de son vigneron; ils verront de concert quelles sont les places oĂč il conviendrait de provigner, et quels sont les ceps qu’on DU BON PLANT. 277 peul destiner Ă  cet usage Ă  celle Ă©poque, il est aisĂ© d en connaĂźtre l’espĂšce, tant par le fruit que par la forme des feuilles. On marquera par une ligature les ceps qui ont trop peu de bois pour ĂȘtre provignĂ©s d’abord , mais dont l’espĂšce mĂ©rite cependant d’ĂȘtre conservĂ©e. ImmĂ©diatement avant de tailler la vigne, on fera la r echerche de tous les ceps marquĂ©s l’annce prĂ©cĂ©dente ; °n en retranchera toutes les cornes ou branches, Ă  1 exception d’une seule qu’on taillera, en n’y laissant subsister qu’un bon bouton et le borgne. Lorsque la seve commencera Ă  se mettre en mouvement, elle se Portera uniquement aux boutons laissĂ©s aux ceps et leur fera pousser des bois trĂšs forts qui auront toutes les qualitĂ©s requises pour ĂȘtre destinĂ©s Ă  la provignure. On pourra l'effectuer dĂšs l’annĂ©e suivante. Le troisiĂšme moyen est simple, facile et trĂšs analogue au prĂ©cĂ©dent ; il consiste Ă  mettre en terre pendant prĂšs d’un an les ceps dont on a besoin de conserver l espĂšce , mais dont les sarmens sont actuellement trop courts ou trop fragiles pour en faire des provins ordi- uaires. Pour leur faire pousser de bons bois, on en forme de lĂ©gers provins d’attente, auxquels on donne le nom de provins en paquets ou de piĂ©montaises . On dĂ©bute par user des prĂ©cautions prĂ©liminaires que nous avons indiquĂ©es dans le second moyen , relativement au choix des ceps et Ă  la marque qu’il convient d'y attacher avant la vendange. Puis, le premier labour de l’annĂ©e suivante Ă©tant achevĂ©, on se hĂąte de coucher chacun de ces ceps dans une fosse, qu'il n’est point nĂ©cessaire de rendre bien large ni bien profonde elle 278 DE LA PROPAGATION l’est assez Ă  huit pouces ou neuf tant seulement, exceptĂ© tout auprĂšs de la tige du cep, parce que lĂ  il doit ĂȘtre libre et dĂ©gagĂ© de terre jusqu’à la profondeur de ses racines-mĂšres. Cela fait, on le couche dans la fosse, en lui laissant deux ou trois sarmens dont on dresse la pointe comme on le fait pour d’autres provins. Quelque courts que soient ces sarmens, ils peuvent trĂšs bien rĂ©ussir. Il est trĂšs convenable, en les dressant, de les Ă©carter l’un de l’autre autant que faire se peut, afin de favoriser la poussĂ©e des racines et leur sĂ©paration. Enfin, on remplit la fosse, et les ceps restent dans cet Ă©tat jusqu’à l'Ă©poque du labour de l’annĂ©e suivante. Dans cet intervalle ils s’enracinent, ils poussent de longs et forts sarmens propres Ă  ĂȘtre couchĂ©s, contournĂ©s et dressĂ©s dans les fosses de provignure sans se rompre ni mĂȘme Ă©prouver aucun froissement dommageable. Mais il faut observer les prĂ©cautions suivantes Il convient i° que ces ceps, mis en paquets, soient relevĂ©s et reprovignĂ©s Ă  demeure avant le premier labour, sans quoi ils risquent d’ĂȘtre arrachĂ©s ou blessĂ©s par la houe avec laquelle il se fait. 2 0 Qu’ils ne soient levĂ©s et tirĂ©s de terre que l’un aprĂšs l’autre, chacun au moment oĂč l’on va creuser la fosse dans laquelle il doit ĂȘtre couchĂ© immĂ©diatement aprĂšs, afin que ses racines tendres et dĂ©licates ne soient pas altĂ©rĂ©es ou dessĂ©chĂ©es par le contact de l’air ou du froid. Ces racines doivent ĂȘtre Ă©tendues avec soin dans le fond de la fosse, oĂč, pour aider Ă  leur reprise, on aura prĂ©alablement mis une corbeillĂ©e de bon terreau. DU BON PLANT. 279 Cette maniĂšre de prĂ©parer les vieux ceps pour le provignement des vignes arides, prĂ©sente, Ă  mon avis, des avantages trĂšs prĂ©cieux; entre autres i° Celui de repeupler une vigne sans en diminuer le produit, et mĂȘme en l’augmentant, puisqu’on emploie de vieux ceps devenus Ă  peu prĂšs infertiles. 2 0 La prĂ©paration des vieux ceps telle que je l’indique diminue considĂ©rablement les risques auxquels les ceps s °nt exposĂ©s par le provignement et donne une plus grande certitude de leur rĂ©ussite. 3° Ces vieux ceps rapportent du fruit, dĂ©jĂ  pendant tjuds sont couchĂ©s en paquets, beaucoup plus que si °n les eĂ»t laissĂ©s debout ; et la petite façon de les avoir couchĂ©s de la sorte se trouve ainsi plus que payĂ©e. 4 ° Si l’on adopte la proposition que je fais ici, de coucher en paquets les vieux ceps de bon plant, surtout dans nos vignes maigres et JĂ©gĂšres, que ce travail s °it surveillĂ© et soigneusement exĂ©cutĂ©, alors les choses changeront de face; on verra, d’une annĂ©e Ă  l’autre, qu'au lieu de diminuer, la fine loi prendra le dessus sur l’autre dans presque toutes nos vignes, dont les rĂ©coltĂ©s augmenteront en quantitĂ©, mais surtout en qualitĂ©. 5° Il arrive frĂ©quemment qu’en taillant, une vigne qui aurait grand besoin d’ĂȘtre provignĂ©c, on laisse subsister les bois ou sarmens d’un grand nombre de ceps, afin d’en faire des provignures au printemps. Mais comme Ă  celle Ă©poque le temps est assez souvent trĂšs variable et par consĂ©quent dĂ©favorable Ă  celte opĂ©ration, elle se trouve tellement retardĂ©e qu’enfin DE LA PROPAGATION 280 il faut renoncer Ă  l’effectuer. Quels partis prend-on alors? De trĂšs mauvais pour l’ordinaire. Au lieu de coucher ces ceps en paquets, ce qui serait trĂšs utile et pourrait se faire en trĂšs peu de temps, on les taille, et la sĂšve, alors en pleine activitĂ©, s’écoule rapidement par les plaies toutes fraĂźches de cette taille trop tardive ; ce qui Ă©puise le cep et cause sa ruine. D’autres fois on prend un parti diffĂ©rent, mais aussi peu profitable que l’autre c’est de laisser aux sarmens toute leur longueur et de les lier Ă  l’échalas , afin de leur donner la facultĂ© de s’alonger encore et de pouvoir les employer au provignement de l’annĂ©e suivante; c’est ce qu’on appelle ici laisser suranner les ceps; mĂ©thode vantĂ©e si mal Ă  propos. Il est aisĂ© de concevoir que le grand nombre de branches et de boutons Ă  fruit dont de tels ceps se trouvent chargĂ©s, les Ă©puisent infailliblement; ces longs bois, tant charges, ne peuvent donner de bons ceps. RĂ©prouvons entiĂšrement ces ceps surannĂ©s dans les vignes qu’on veut conserver; on pourrait l’admettre dans celles qu’on se propose d’arracher. Je terminerai ce petit mĂ©moire par quelques observations essentielles. La vigne de fine loi devrait toujours ĂȘtre provignĂ©e de bonne heure, c'est-Ă -dire depuis la chute des feuilles jusqu en mars, avant le premier labour c’est encore un excellent moyen de donner de la force aux provins dans les terres maigres et lĂ©gĂšres et d’obtenir des ceps robustes. Je ne dois pas omettre ici une observation importante, et cependant assez gĂ©nĂ©ralement nĂ©gligĂ©e c est que si l’on veut qu’une vigne en terre lĂ©gĂšre et DU BON PLANT. 281 en pente pousse des bois constamment propres Ă  la provignure, il faut en rapprocher les ceps dans la proportion de leur force et les rajeunir souvent. Pour cet effet, il faut en provigner chaque annĂ©e un nombre proportionnĂ© Ă  celui qu’elle doit raisonnablement en contenir, et au nombre d’armĂ©es qu’ils peuvent y subsister dans leur valeur. Par exemple Un ouvrier de terre trĂšs lĂ©gĂšre, oĂč les ceps sont Ă  la distance de quinze pouces l’un de l’autre, contient 2,624 ce P s ! un ouvrier de terre moyenne, oĂč ils sont distans de trente pouces, en contient 656 . Dans cette proportion, la vigne lĂ©gĂšre contiendrait quatre fois autant de ceps que la vigne moyenne; et comme dans celle-ci ils durent trois fois plus long-temps en valeur que dans la premiĂšre, il en rĂ©sulte que, pour entretenir la vigne lĂ©gĂšre, on doit y faire environ douze provins, lorsqu’un seul peut suffire dans la vigne oĂč les ceps sont distans entre eux de trente pouces. Enfin, pour maintenir dans un Ă©tat de prospĂ©ritĂ© les vignes en terre lĂ©gĂšre, qui sont en gĂ©nĂ©ral nos vignes Ă  bon vin, je conseille Ă  tous les propriĂ©taires d’y Ă©tablir, et dans la partie la plus Ă©levĂ©e, autant que cela se pourra, des creux murĂ©s, qu’ils rempliront d’un mĂ©lange de terre et de fumier ou d’autres substances analogues. Ce mĂ©lange forme, au bout de deux ou trois ans, un excellent terreau, dont on comprend qu’il faut toujours avoir en rĂ©serve une certaine quantitĂ©. f > Le vigneron aura soin d’en mettre une corbeille dans le fond de chaque fosse; je dis au fond, parce 282 DE LA PROPAGATION DU BON PLANT, que c’est lĂ  oĂč doivent se former les bonnes racines des provins, et dĂšs lors on aura toujours de bons bois propres Ă  ĂȘtre provignĂ©s. Ce moyen est facile, peu dispendieux, et j’ose en garantir le succĂšs. EXPÉRIENCE SUR LA PROPAGATION DE LA VIGNE PAR LE SEMIS, FAITE A LA ROCHETTE PAR M. DE ME U RO A. Le 11 avril 1826, j’ai plantĂ©, en serre chaude, dans trois pots d’une terre meuble et bien prĂ©parĂ©e, 5o grains de raisins blancs de l’annĂ©e 1825 ils ont Ă©tĂ© arrosĂ©s trois fois avec de l’eau pure, et le g mai ils ont levĂ©. Le i sr avril, j’avais plantĂ© en pleine terre des pĂ©pins de raisins blancs et noirs sans les arroser ils n’ont levĂ© que le g mai. Au i er juillet 1826, j'avais 48 petites plantes de raisin fraĂźches et vertes les plus avancĂ©es, de 6 pouces de hauteur, ayant g feuilles dĂ©jĂ  dentelĂ©es Ă  une tempĂ©rature de 28° dans la serre chaude. PROPAGATION DE LA VIGNE PAR LE SEMIS. 283 En pleine terre, j’avais 32 petites plantes, dont les plus hautes ont i ‱*/» pouces et 6 feuilles, moins avancĂ©es que celles en serre chaude. Au i er aoĂ»t, 21 plantes en pleine terre et Ă  l’air les plus grandes ont 6 pouces de hauteur et 10 feuilles les plus petites de 2 Ă  4 pouces. Dans la serre chaude, au i* r aoĂ»t, 48 plantes, ayant 1 pied de hauteur, 12 feuilles et dĂ©jĂ  quelques fourchettes. Au I er septembre, 18 plantes en pleine terre les plus hautes ont 1 pied 5 pouces; les autres de 4 Ă  8 pouces, des tiges fortes, rougeĂątres, un peu ligneuses et les feuilles du plus beau vert foncĂ©. En pots dans la serre, 48 plantes, dont les plus hautes ont 1 pied 3 pouces les plus grandes feuilles 4 pouces de longueur, moins vigoureuses, plus lisses et d’un verd plus clair que celles des plantes Ă  l’air et en pleine terre. Comme elles commencent Ă  s’étioler, je les ai ĂŽtĂ©es de la serre. Au i er octobre, 16 plantes en pleine terre les plus hautes ont 18 Ă  19 pouces ; d’ailleurs fortes et vigoureuses. Le 9 avril 1827, mes petites plantes en pots ont Ă©tĂ© mises en pleine terre Ă  cĂŽtĂ© de celles qui y Ă©taient dĂ©jĂ  elles sont fortes, ayant de bonnes racines; je lĂ©sai un peu coupĂ©es; elles commencent dĂ©jĂ  Ă  donner quelques signes de vĂ©gĂ©tation ce sont de petits ceps en miniature qui se forment. Le I er juin, j’ai en tout 4 o ceps nains, plus ou moins avancĂ©s et vigoureux. PROPAGATION DE LA VIGNE 284 Le i er juillet, il se manifeste parmi eux un peu de brĂ»lure les feuilles de quelques-uns jaunissent et sĂšchent. Le i er octobre, ils ont encore leurs feuilles. Le 11 dĂ©cembre, par un beau jour, j’ai transplantĂ© 26 petits ceps dans une terre meuble et bien prĂ©parĂ©e, au couchant, Ă  i pied de distance les uns des autres, Ă  6 pouces de profondeur ils avaient de longues racines que j'ai coupĂ©es Ă  leur extrĂ©mitĂ©. Le i er juin 1828, des ceps que j’avais transplantĂ©s, 22 ont rĂ©ussi ils sont en gĂ©nĂ©ral vigoureux, quoiqu'il y ait entre eux quelque diffĂ©rence; les plus forts sont ceux qui n’ont pas Ă©tĂ© dans la serre ils resteront dans le terrain qu’ils occupent jusqu’à la fin de l’expĂ©rience. Au i* r mai 1829, 21 de mes petits ceps commencent Ă  pousser; deux seuls n’ont point de boutons le i 5 mai ils ont des feuilles le I er juillet j’ai effeuillĂ© et attachĂ© au I er septembre, 19 sont en bon Ă©tat. Le I er mars i 83 o, j’ai encore mes 19 ceps, aucun n’ayant pĂ©ri pendant cet hiver long et rigoureux; je les ai taillĂ©s et je commence Ă  les traiter comme la vigne doit l’ĂȘtre. Le 5 mars i 83 i, ils ont Ă©tĂ© taillĂ©s. Le 29 fĂ©vrier i 832 , taille de la vigne, verte et belle. Pendant les trois annĂ©es suivantes, je n’ai fait aucune observation particuliĂšre; je n’étais qu’impatient. Enfin, en i 836 , quelques-uns de mes petits ceps ont portĂ© du fruit pour la premiĂšre fois des grains Ă©pars, petits, mais lisses, doux au goĂ»t et semblables, en miniature, Ă  ceux dont ils proviennent point sauvages, comme on me le prĂ©disait. PAR 1E SEMIS. 285 Chaque annĂ©e dĂšs lors ils ont donnĂ© des fruits progressivement plus gros, des grappes mieux formĂ©es, en plus grand nombre, et en 1842, sans avoir Ă©tĂ© pro- vignĂ©s, des raisins qu’on ne distingue plus des autres. Encore deux observations Ă  ajouter Ă  l'expĂ©rience du semis de la vigne i° Il ne faut point planter les grains enserre chaude; a une tempĂ©rature de 28°, la vĂ©gĂ©tation est forcĂ©e il y a un dĂ©veloppement excessif des plantes; elles s’étiolent et ne viennent pas Ă  bien. 2 0 II faut transplanter le moins possible les plantes dĂ©jĂ  formĂ©es; elles languissent et s’enracinent mal. Aussi dĂšs que celles que j’attends auront quelque consistance et qu’elles seront ligneuses, je les planterai, pour ne plus y toucher, dans le sol qu’elles doivent occuper. MÉMOIRE SUR LA CULTURE DES VIGNES DE LA COTE, PAR M. ANDRÉ BAUP, DE NYON, VISITEUR JURE. M. AndrĂ© Baup Ă©tant propriĂ©taire, au territoire de Nyon, d’une vigne d’environ une pose, qu’il travaille de sa main, qui offre l’aspect d’une culture excessivement soignĂ©e et d’une forte vĂ©gĂ©tation, et qui a produit annuellement le quadruple des parchets environnans les mieux situĂ©s; il a paru incontestable que les observations de ce cultivateur pouvaient ĂȘtre d’une grande utilitĂ© au pays, et elles font la matiĂšre du mĂ©moire dont on donne ici la substance et qui a Ă©tĂ© discutĂ© article par article, en prĂ©sence de soixante vignerons, rĂ©unis Ă  cet effet Ă  la maison commune de Mont, le i4 fĂ©vrier 1818. CULTURE DES VIGNES DE LA COTE. 287 DES TERRES ET DES PLANTS. Les vignes de plants communs, tels que la grosse rougeasse, devraient ĂȘtre arrachĂ©es et replantĂ©es en plant plus distinguĂ© et, s’il est possible, d’une seule feuille. Celui auquel les vignerons Ă©clairĂ©s de la Vaux paraissent accorder la prĂ©fĂ©rence est le fendant vert; le plant nommĂ© la blanchetle, qui a Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rĂ© longtemps, se couvre de grappes dans les premiĂšres annĂ©es, mais vieillit rapidement, et finit, selon l’expression des vignerons de la Vaux, par ruiner le fils aprĂšs avoir enrichi le pĂšre. Le fendant vert est exempt de ce reproche; le clos de Treytorrens, prĂšs de Cully, en est presque entiĂšrement plantĂ©. DE LA PRÉPARATION DU TERRAIN POUR LES PLANTATIONS. Les minages doivent se faire en temps sec ; les meilleurs sont ceux qui se font en Ă©tĂ©; je conseille de couper les ceps avec la pioche entre deux terres l’annĂ©e qui prĂ©cĂ©dera la plantation, de planter des pommes de terre printaniĂšres sur ce labour abondamment fumĂ© et cela de bonne heure, afin de pouvoir les arracher Ă  la fin de juillet et faire le minage dans les journĂ©es chaudes d’aoĂ»t et de septembre. CULTURE DES VIGNES 288 La terre doit ĂȘtre relevĂ©e Ă  une profondeur de deux pieds de roi, le fond du creux se piquer au fossoir et les rames des pommes de terre ĂȘtre placĂ©es sur cette lĂ©gĂšre culture, ainsi que toutes les substances vĂ©gĂ©tales qui en seraient Ă  portĂ©e et qui non seulement serviront d’engrais en se dĂ©composant, mais tiendront la terre du minage lĂ©gĂšre et soulevĂ©e, et assureront pour l’annĂ©e suivante la rĂ©ussite des chapons. DES DIVERSES MANIERES DE PLANTER LES CHAPONS. La distance la plus avantageuse pour les plantations est, en bon terrain, de vingt-six pouces de roi pour la ligne montante, et de vingt-quatre pouces pour celle qui la croise. Dans les terres faibles ou lĂ©gĂšres, les ceps devenant moins gros et vieillissant plus tĂŽt, vingt-quatre pouces sur vingt-deux me paraissent suffisans. La plantation au paufer se fait Ă  quatorze ou quinze pouces de profondeur. L’époque de la plantation est dĂ©terminĂ©e par la poussĂ©e de la vigne; le moment est ordinairement plus ou moins rapprochĂ© du 2S avril ; tout autre travail doit alors cĂ©der la place Ă  celui-ci; car cette Ă©poque, bien choisie, donnera aux chapons le temps de mĂ»rir leurs poussĂ©es par les deux sĂšves; ils pourront ainsi rĂ©sister aux gelĂ©es de l’hiver. Je prĂ©fĂšre cependant Ă  la mĂ©thode que je viens d’indiquer celle de planter les chapons coudĂ©s, leur rĂ©ussite me paraĂźt plus assurĂ©e; le vigneron qui voudra DE LA COTE. 289 provigner ne trouvera pas de racines avant le coude ; il aura de plus l'avantage de pouvoir planter dans un terrain minĂ© depuis plusieurs annĂ©es; si la terre du fond se durcit, celle de la surface s’ameublit et compense ce dĂ©savantage. Pour planter des chapons coudĂ©s, on ouvre des fossĂ©s de i 5 pouces de profondeur. Chaque chapon de 21 Ă  22 pouces, est enfoncĂ© en terre de i4 pouces, coudĂ© de 4 pouces et tournĂ© par son coude vers le haut du terrain. SOINS ET CULTURE POUR LA PLANTATION PENDANT LES QUATRE PREMIERES ANNEES. Les chapons recevront deux ou trois lĂ©gĂšres cultures la premiĂšre annĂ©e. Dans les premiers jours du mois d’aoĂ»t, les chapons pourront ĂȘtre effeuillĂ©s avec, la serpette on retranchera les pousses du pied pour n’en conserver que deux Ă  bonne hauteur 6 Ă  8 pouces; ' on pincera encore le bout des plus longues. Je ne saurais trop rĂ©pĂ©ter que de frĂ©quentes cultures sont nĂ©cessaires; la terre durcie et foulĂ©e a besoin d'ĂȘtre ouverte aux salutaires influences du soleil. La seconde annĂ©e, vous ferez aux chapons deux tailles ou cornes Ă  un bouton et le borgne chacune; vous retrancherez Ă  la troisiĂšme annĂ©e celle qui s’é- loi gne le plus de la hauteur que nous regardons comme la plus avantageuse pour fixer les tĂȘtes 7 pouces de France et taillerez la tĂȘte Ă  deux ou trois cornes '9 CULTURE DES VIGNES 2 9 ° d’aprĂšs la force du chapon et ainsi de suite pour les annĂ©es suivantes, en suivant une progression lente mais constante. Les chapons doivent ĂȘtre fumĂ©s Ă  la seconde ou troisiĂšme annĂ©e. DES PROVINS ET DES ENTES. Il arrive souvent que les bois des souches ne sont pas assez longs pour atteindre toutes les places vacantes, vous ferez alors des doubles que vous pourrez, dĂšs l’annĂ©e suivante, distribuer oĂč besoin sera. Quant aux ceps de mauvais plant, faites-leur un archet sarment courbĂ© en cerceau ou de trĂšs longues cornes; usez-en de mĂȘme envers les ceps quelconques trop ĂągĂ©s pour pouvoir ĂȘtre provignĂ©s; ne leur mettez point d’échalascelte derniĂšre annĂ©e; ĂŽtez-leur, en les effeuillant, tous les brocs qui n’ont pas de fruit ou qui en .auraient trop pour pouvoir l’amener Ă  maturitĂ©; pincez les autres Ă  deux feuilles au-dessus de la grappe, vous concentrerez ainsi, au profit de ce dernier produit, la sĂšve qui eĂ»t alimentĂ© une vĂ©gĂ©tation inutile. LĂ  oĂč la vigne serait peuplĂ©e de jeunes plants de mauvaise qualitĂ©, les entes sont un moyen Ă©conomique d’amĂ©lioration trop nĂ©gligĂ©. Tout vigneron devrait de bonne heure prendre l'habitude d’enter et l’enseigner Ă  ses enfans, afin de ne pas dĂ©pendre de ceux qui en font leur mĂ©tier et font payer cher leurs services. 1E IA COTE. 2I L'abondance de sa sĂšve fait craindre que l’ente 11 c dĂ©gĂ©nĂšre aisĂ©ment, c’est pourquoi plusieurs bons praticiens conseillent de provigner l’ente deux fois. Dans vos cultures, n’approchez le fossoir des entes qu’avec mĂ©nagement; parcourez vos vignes aprĂšs la vendange, et dĂ©chaussez, avec un sarcloir, toutes les entes Ă  la profondeur de 8 pouces; coupez alors plutĂŽt qu’au printemps suivant toutes les petites racines qui se trouvent entre deux terres et les hausses pousses du sauvageon, vous recouvrirez ensuite de terre que vous rapprocherez avec soin. DES ENGRAIS ET DE IA MANIERE DE APPLIQUER. Transportez les fumiers dĂšs l’automne et enfouissez- les par un lĂ©ger labour ; la mĂȘme annĂ©e vous paiera de cette avance si les plantes peuvent profiler de l’engrais durant l’hiver; vous pourrez fumer pĂ©riodiquement, chaque troisiĂšme ou quatriĂšme annĂ©e, le tiers ou le quart de vos vignes. Trois chars de fumier par pose de 4oo toises me paraissent une quantitĂ© suffisante. DE LA TAIIXE. io Il faut que le vigneron apprenne Ă  connaĂźtre et enseigne Ă  ses ouvriers Ă  distinguer les divers plants pour charger chaque espĂšce selon son Ăąge, sa qualitĂ©, sa vigueur. 292 CULTURE DES VIGNES i° La taille des provins doit ĂȘtre d’un bouton au- dessus de la longueur de la serpette; on leur retranchera, pour peu qu’ils soient faibles, tous les boutons du pied et surtout ceux qui sont entre deux terres, ne laissant subsister que les deux boutons supĂ©rieurs, mais si le provin est fort, on pourra lui laisser les trois ou quatre boutons d’en haut. 2 ° La sĂšve se portant toujours au bouton le plus Ă©loignĂ©, on retranchera au provin de deux ans le bouton supĂ©rieur afin de fixer sa tĂȘte Ă  la hauteur convenable de 6 Ă  8 pouces. Si le bouton qui correspond a la hauteur Ă  laquelle il faut fixer la couronne, a poussĂ© double, on en profitera pour tailler deux cornes Ă  un bouton et le borgne chacune; on laissera de plus, pour peu que le cep ait de vigueur, un bouton dans le pied que j’appelle bouton de ressource , et qui a l’avantage d'augmenter le produit de l’annĂ©e, et surtout de diviser la sĂšve de maniĂšre Ă  rendre moins Ă  craindre les accidens causĂ©s par le vent. Ce bouton doit ĂȘtre entiĂšrement supprimĂ© et le pied bien nettoyĂ© dĂšs que la tĂȘte pourra recevoir trois cornes, ce qui doit arriver dĂšs la troisiĂšme ou quatriĂšme annĂ©e. Le cep de plant commun, d une forte vĂ©gĂ©tation de trois Ă  quatre ans, se taillera Ă  trois et quatre cornes; celui de cinq Ă  six ans, Ă  cinq cornes, toujours d’un bouton et le borgne. Ces rĂšgles seront modifiĂ©es suivant la vigueur apparente du cep elles ne seront surtout point appliquĂ©es au cep de bon plant qui donne du fruit, sans qu’il soit nĂ©cessaire de le charger et qu'il importe de ne pas faire vieillir avant le temps. DE LA COTE. Si un cep est trop Ă©levĂ©, le vigneron pourra quelquefois profiter d’un loup fausse pousse du pied pour y former une nouvelle tĂȘte Ă  meilleure hauteur; il supprimera l'ancienne dĂšs que l’autre sera Ă©tablie. Pour relever un cep trop bas, il choisira le sarment le plus d’aplomb. C’est sur ce nouveau sujet qu’il fixera la tĂȘte. Je n’insisterai pas sur les inconvĂ©niens des ceps dont la tĂȘte est trop Ă©levĂ©e; ils sont connus, mais beaucoup de vignerons fixent les couronnes trop bas; la culture devient difficile quand le panier formĂ© par les sarmens reliĂ©s repose par terre. On doit tailler sans incliner la serpette Ă  la distance d’une ligne et demie Ă  deux lignes du bouton; de cette maniĂšre le nouveau sarment s’étend jusque sur la cicatrice, la recouvre, et on ne voit pas l’annĂ©e suivante, comme dans la taille trop Ă©loignĂ©e du bouton, des cornes sĂšches et dures; mais il est plus important encore de ne pas tailler plus court, car alors les jeunes brocs ne trouveraient pas de quoi souder leurs jets et seraient d’autant plus exposĂ©s Ă  ĂȘtre enlevĂ©s par la violence du vent. DES LABOURS. Il faut, dans le premier labour, Ă©viter de prendre de trop grosses mottes; il faut aussi les retourner avec soin et ne pas se contenter de changer la terre de place. Il importe, en faisant ce travail, de redresser tous les jeunes ceps, de maniĂšre Ă  ce que leur sommet soit plutĂŽt inclinĂ© vers le haut du lerrain. CULTURE DES VIGNES 2 94 Vous planterez l’échalas au-dessus du cep, lĂ  oĂč le sol n’est pas trop en pente, vous ne le serrerez pas contre sa couronne pour ne pas faire tomber les boutons par ce frottement; l’écbalas doit ĂȘtre Ă  peu prĂšs d’aplomb, afin que les jeunes pousses puissent y ĂȘtre attachĂ©es sans qu’on risque de les rompre. Le travail important d’exherber se fera immĂ©diatement aprĂšs la pluie. DES EFFEUILLES. C Que les vignerons fassent, avec leurs ouvriers, huit jours avant l’époque de l'effeuille, une revue de leurs vignes, afin d’abattre les fausses pousses qui partent du pied des ceps, puis pour changer les Ă©chalas en donnant les plus longs aux ceps les plus vigoureux; on pourra, par ce moyen, allonger les sarmens des ceps qui doivent ĂȘtre provignĂ©s, ils racourciront les pousses les plus exposĂ©es Ă  ĂȘtre enlevĂ©es par la violence du vent en les pinçant au bout. Non-seulement ils les prĂ©serveront par ce soin, mais la sĂšve qui se portait avec trop d’abondance sur ces gros brocs, se trouvant ainsi arrĂȘtĂ©e, se rĂ©pandra sur les plus faibles, les allongera et rendra le travail de relever plus facile. Le vigneron usera surtout de cette prĂ©caution pour les provins avant que l’orage les ait maillĂ©s; il assujettira sur un chevalet de deux fragmens d’échalas les pousses horizontales et les pincera Ă  deux feuilles au- dessus de la grappe. ;u DE EA COTE. 2g5 Je recommande Ă  chaque vigneron de surveiller attentivement ses effeuilleuses, de voir Ă  ce qu elles n’îtent pas des feuilles aux pousses prĂšs de la tĂȘte, afin de ne pas endommager les boutons qui doivent servir Ă  la corne de l’annĂ©e suivante, d’éviter ainsi que la fuine et la rouille ne s’attachent aux grappes; elles ne laisseront que quatre ou cinq sarmens par cep de toute leur longueur. Ne les engagez que sous la condition de relever en deux tournĂ©es. Elles recommenceront lĂ  oĂč elles avaient commencĂ© et raccourciront ce qui aurait repoussĂ© depuis leur premier travail. La floraison a ordinairement lieu entre la seconde relevĂ©e et les retenues; la vigne ne doit pas ĂȘtre inquiĂ©tĂ©e pendant cette grande Ɠuvre, mais les retenues se faire immĂ©diatement aprĂšs. Le vigneron prĂ©cĂ©dera les effeuilleuses dans la seconde retenue; il choisira alors les ceps de bon plant qui doivent ĂȘtre provignĂ©s, leur conservera une longueur suffisante, c’est-Ă -dire de trois pieds Ă  trois pieds et demi; quant aux ceps de mauvais plants trop vieux pour les conserver, il faut les rogner au-dessus du premier lien, afin qu'on ne fasse pas la mĂ©prise assez commune de les provigner. A la Vaux, la retenue est moins allongĂ©e qu’à la CĂŽte, parce qu’on y provigne moins, et Ă  l’exception des souches destinĂ©es Ă  l’ĂȘtre, on rogne les sarmens au- dessus du premier lien, ce qui Ă©conomise la paille, fait jouir les raisins de plus de soleil, tourne Ă  leur profit la vigueur de la vĂ©gĂ©tation, et renforce la plante de tout ce qui lui est retranchĂ©. 296 CULTURE DES VIGNES DE LA COTE. DU PARTI A TIRER DES MAUVAISES VIGNES AVANT DE MINER. Il faut les tailler en ruine avant le i5 de mars et leur supprimer les Ă©chalas, abattre en effeuillant toutes les pousses sans raisins, pincer les autres Ă  deux feuilles de distance de la grappe et les tenir durant l’étĂ© Ă  cette longueur. Une vigne encore vigoureuse peut ĂȘtre taillĂ©e de cette maniĂšre deux ans de suite, et donner aiusi une augmentation de produit Ă©gale Ă  celui de quatre annĂ©es nĂ©cessaires pour l’éducation d’une plantĂ©e nouvelle; mais si la vigne Ă©tait amaigrie, il faudrait fumer de maniĂšre Ă  augmenter le produit de l’annĂ©e et Ă  assurer, en fertilisant la couche infĂ©rieure du terrain , le succĂšs des chapons qui doivent remplacer l'ancienne vigne. NOTICES SUR LA CULTURE DE LA VIGNE 3SÎ La culture de la vigne en Allemagne a Ă©tĂ© traitĂ©e d'une maniĂšre complĂšte par M. de Babo, dans son Manuel publiĂ© en 1842 et que l’on considĂšre comme un ouvrage classique. En outre, une sociĂ©tĂ©, composĂ©e de propriĂ©taires de vignes des diverses contrĂ©es de l'Allemagne, se rĂ©unit une fois chaque annĂ©e, Ă  tour de rĂŽle, dans une des principales villes des pays de vignobles, pour discuter toutes les questions qui se rapportent Ă  la culture de la vigne et Ă  la fabrication des vins, et elle fait publier un rendu-compte de ce qui a Ă©tĂ© traitĂ© dans ses assemblĂ©es. C’est lĂ  oĂč l’on a puisĂ© les notices suivantes CULTURE DE LA VIGNE 298 La culture de la vigne en Allemagne s’étend du 48 e au 52 e degrĂ©, et il a fallu toute la persĂ©vĂ©rance et l’in" dustrie allemande pour que la vigne pĂ»t ĂȘtre encore cultivĂ©e sous le 53 e degrĂ©. Les anciens avaient dĂ©jĂ  observĂ© que dans les contrĂ©es du Nord toutes les bonnes espĂšces sont des espĂšces Ă  petits grains, et les vignes d'AUemague confirment en plein cette observation. Entre toutes les espĂšces allemandes, c’est le RisĂŒng que l’on place gĂ©nĂ©ralement au premier rang. Ce plant produit les vins les plus distinguĂ©s et les plus chers de la vallĂ©e du Rhin. Mais on a remarquĂ© que lorsqu’on le transporte dans des climats plus chauds, il perd les qualitĂ©s qui le distinguent. Ses raisins ont peu de jus comparativement Ă  ceux d’autres espĂšces; mais il donne toutes les annĂ©es et est peu sensible Ă  la fleur. En gĂ©nĂ©ral, dans les vignobles qui peuvent produire des vins de prix, ce sont ceux lĂ  que l’on cherche Ă  obtenir; mais ailleurs on vise Ă  obtenir une grande quantitĂ© avec la meilleure qualitĂ© possible plutĂŽt que l’inverse. = 1; On Ă©value le produit moyen des vignes du Rhin Ă  un litre par mĂštre quarrĂ©, ce qui fait 200 pots par ouvrier neuchĂątelois., , ! n Les vins du Rhin sont renommĂ©s par leur bouquet, et on est d’accord qu’une terre argileuse mĂȘlĂ©e de cailloux est celle qui exerce Ă  cet Ă©gard l’influence la plus active et la plus favorable. Le bouquet tient aussi cependant Ă  certaines espĂšces de vigne. Dans le Rheingau, que l’on peut envisager comme le siĂšge principal de la culture de la vigne dans le nord et qui produit les vins les plus fins et les plus chers, EN ALLEMAGNE. 299 on ne croit pas Ă  la possibilitĂ© d’avoir un vignoble productif sans fumiers animaux. Le vignoble du duc de Nassau, nommĂ© le Steinberg, est fumĂ© tous les trois ans mille pieds cubes de vieux fumier par arpent ; le Joharmisberg du prince de Metternich est aussi fumĂ© tous les trois ans. Le vignoble de Rudesheim tous les quatre ou cinq ans. On estime que mieux un vignoble est situĂ© et plus on peut fumer sans que la qualitĂ© du vin en soit moins distinguĂ©e; mais dans les vignobles mal situĂ©s on doit au contraire peu fumer afin d’obtenir une bonne qualitĂ©. C’est en affaiblissant la vĂ©gĂ©tation qu’on obtient une maturitĂ© artificielle. IndĂ©pendamment des qualitĂ©s propres au fumier, c’est une opinion reçue, qu’un vignoble qui durerait vingt-cinq ans, s’il n’était pas fumĂ©, en durera quarante s’il est fumĂ© tous les trois ans ; enfin on considĂšre le fumier, quand il est employĂ© en grande quantitĂ©, comme un moyen de remĂ©dier aux dĂ©fauts de la plupart des terrains, parce qu’il ameublit et rĂ©chauffe la terre forte et argileuse, et que, d'un autre cĂŽtĂ©, par sa propriĂ©tĂ© d’attirer l’humiditĂ© de l’air, il corrige la trop grande sĂ©cheresse des terres sablonneuses et calcaires Des trois maniĂšres de planter une vigne par chapons ou par plants enracinĂ©s d’un an ou de deux ans, chacune a ses partisans qui citent des expĂ©riences en faveur de leur opinion. CULTURE DE LA VIGNE 3oo Un propriĂ©taire de Randersacker qui a iraĂźtĂ© expressĂ©ment question, conclut en faveur des plants enracinĂ©s. Ceux d’un an, pourvus de bons bourgeons et de beaucoup de racines, donnent, dit-il, Ă  la cinquiĂšme annĂ©e, une rĂ©colte entiĂšre. ComparĂ©s aux chapons, ils font gagner une demi-rĂ©colte. AprĂšs deux ans de pĂ©piniĂšre, les plants enracinĂ©s sont plus parfaits et en bourgeons et en racines qu’a- prĂšs un an. A la quatriĂšme annçe ils donnent demi- rĂ©colte, et Ă  la cinquiĂšme rĂ©colte entiĂšre. ComparĂ©s aux chapons, ils font gagner une rĂ©colte entiĂšre avantage qui compense le moindre prix des chapons. Cependant c’est une opinion commune que les chapons donnent des ceps plus forts que le plant enracinĂ©. Voici comme on l’explique. Les chapons plantĂ©s dans la vigne mĂȘme Ă©tant en gĂ©nĂ©ral moins bien abritĂ©s, moins bien cultivĂ©s et dans un sol moins favorable que ceux des pĂ©piniĂšres, les ceps qui rĂ©sistent doivent ĂȘtre d’une nature plus forte, tandis que toutes les plantes faibles qui auraient pĂ©ri dans une vigne sont sauvĂ©es dans une pĂ©piniĂšre. Jusqu’aprĂšs la Saint-Jean on peut planter des chapons , pourvu qu’on mĂ©nage leurs bourgeons. Aussi dans les nouvelles plantations il faut remplacer aussitĂŽt ceux qui languissent ou qui n’ont pas repris, attendu que les chapons plantĂ©s l'annĂ©e d’aprĂšs demeurent plus ou moins arriĂ©rĂ©s. En plantant sur des terrains en pente, on ne doit pas se rĂ©gler sur la pente, mais aligner les ceps sur la ligne du midi, parce que de la sorte le soleil agit mieux EN AXXEMAGNE. 3or sur le sol en mĂȘme temps que les raisins sont abritĂ©s par les feuilles contre l’ardeur de ses rayons au milieu du jour. C'est une rĂšgle Ă  observer dans tous les genres de culture de la vigne, de soigner le dĂ©veloppement des racines, de maniĂšre Ă  ce qu elles suffisent Ă  la nourriture des parties supĂ©rieures du cep. VoilĂ  pourquoi lĂ  oĂč les couches infĂ©rieures sont peu fertiles, et dans les vieilles vignes, le provignage pĂ©riodique est trĂšs avantageux. Par ce moyen on procure au cep un plus grand dĂ©veloppement des racines dans la couche supĂ©rieure du sol. Parmi les mĂ©thodes de culture suivies en Allemagne, il y en a deux qui prĂ©sentent un caractĂšre plus saillant, et qui ont cela de commun que l’on se passe d’échalas dans l’une comme dans l’autre. L’une s’appelle Bockschnit , l’autre , la mĂ©thode de Madame Leonhard. Dans la culture en Bockschnit, on a des ceps nains dont la tĂȘte est prĂšs de terre, le milieu vide, et qui portent quatre ou cinq bois de 2 ' /> Ă  3 pieds de hauteur, prenant naissance Ă  la circonfĂ©rence de la tĂȘte, et rapprochĂ©s Ă  leur extrĂ©mitĂ© supĂ©rieure, oĂč ils sont attachĂ©s ensemble avec de la paille. Cette vigne sans Ă©chalas ressemble, dit M. Brenner, au tapis vert d’une prairie. On assure que cette culture a pris naissance dans un lieu situĂ© entre Oppenheim et Nierslein , nommĂ© Bechtheim. Durant la guerre, un corps de troupes ayant sĂ©journĂ© dans cette contrĂ©e oĂč les bois sont rares, y brĂ»la tous les Ă©chalas, et la nĂ©cessitĂ© de s’en CULTURE DE EA VIGNE 3o2 passer les annĂ©es suivantes, fit adopter la culture en Bockschnit. Les avantages de cette mĂ©thode sont l’économie des Ă©chalas et d’une partie de la main-d’Ɠuvre, car, Ă  la rĂ©serve des labours, les travaux du vigneron se bornent Ă  ces deux saisons, en mars tailler la vigne, en juillet, huit ou quinze jours aprĂšs la fleur, relever les bois traĂźnant sur le sol, et les rĂ©unir en paquet avec de la paille. Cette culture, qui convient surtout pour les terres lĂ©gĂšres et les plants qui ont peu de vigueur, a encore un avantage particulier, c’est de procurer de meilleur vin, parce que les raisins Ă©tant trĂšs prĂšs de terre, fleurissent et mĂ»rissent plus tĂŽt. Le risling se cultive trĂšs bien en Bockschnit, parce qu’il est de sa nature un plant nain, et que pourvu qu’il ne soit pas cultivĂ© dans un terrain gras, ses bourgeons, naturellement fermes, se soutiennent d’eux- mĂȘmes et sont moins facilement abattus par le vent, aussi peut-on le traiter parfaitement d’aprĂšs la mĂ©thode de Madame Leonhard dont il va ĂȘtre question. LA ROGNURE AVANT LA FLEUR, D’APRES LA METHODE DE MADAME LEONHARD. Celle opĂ©ralion, qui consiste Ă  rogner la vigne avant ou pendant la fleur, Ă  deux ou trois yeux au dessus de la grappe la plus haute, et qui, jusques ici, n’est pas aussi gĂ©nĂ©rale qu'elle mĂ©riterait de l’ĂȘtre, est de EN ALLEMAGNE, 3o3 nature Ă  opĂ©rer une rĂ©volution complĂšte dans la culture de la vigne. C’est Ă  feue Mme Leonhard , de Mannheim, qu’appartient l’honneur d’avoir attirĂ© sur celle opĂ©ration l’attention publique, et de l’avoir essayĂ©e en grand et avec succĂšs. D’aprĂšs son opinion, cette rognure prĂ©coce a pour effet de faire pousser de bonne heure les jets latĂ©raux, et par leur dĂ©veloppement parfait, de rendre aussi plus parfaite la formation des yeux du bois principal, desquels dĂ©pend la fertilitĂ© de l’annĂ©e suivante. Aussi ces jets doivent ĂȘtre conservĂ©s avec soin. Dans les vignes cultivĂ©es de la sorte, la fleur s’ouvre plus tĂŽt, elle passe plus vite et on obtient des raisins plus abondans, plus beaux, plus parfaits. Cette opĂ©ration convient particuliĂšrement dans les terrains chauds et lĂ©gers, et sur des plantes pas trop vigoureuses. On a expliquĂ© cet effet par la marche de la vĂ©gĂ©tation. 11 paraĂźt que par la rognure des bourgeons au milieu de leur dĂ©veloppement, la sĂšve qui monte du sol se trouvant arrĂȘtĂ©e, se reporte aux boutons infĂ©rieurs qui ont Ă©tĂ© conservĂ©s, et en Ă©tendant leurs vaisseaux , prĂ©pare la fertilitĂ© de l’annĂ©e suivante. Car cette fertilitĂ© dĂ©pend de l’état oĂč se trouvent, Ă  l’époque oĂč le mouvement de la sĂšve cesse, les boutons destinĂ©s Ă  porter du fruit, et elle sera plus ou moins grande, suivant que les vaisseaux intĂ©rieurs de ces boutons auront atteint leur perfection, de maniĂšre Ă  pousser des jets assez forts pour donner du fruit, et cependant pas tellement vigoureux que la production des feuilles prĂ©domine et que le raisin coule. Cette 3o4 CULTURE DE LA VIGNE EN ALLEMAGNE, sĂšve redescendante produit un second effet, celui de fortifier ce qui reste du bois, et c’est ainsi que la rognure le rend propre Ă  porter des raisins, sans que les ceps aient besoin d’appui. Par ce moyen, Ă  la rĂ©serve des ceps qui doivent ĂȘtre provignĂ©s, et dont par consĂ©quent on ne rogne pas les bois, les vieux vignobles de ceps Ă  bras n’ont plus besoin d’échalas, et les jeunes n’en ont besoin que jusques Ă  ce que ce tronc ait pris une force suffisante. Enfin, la rognure abrĂšge et simplifie extrĂȘmement la culture. On n'a plus besoin d’attacher la vigne, et les jets latĂ©raux qui poussent tĂŽt aprĂšs que les bois ont Ă©tĂ© raccourcis, s’étendent autour du cep et protĂšgent les jeunes raisins contre l’ardeur du soleil et contre la grĂȘle; sous ce feuillage peu Ă©pais, ils ont toujours assez de lumiĂšre et d’air pour se dĂ©velopper, et lorsqu’ils ont grossi il n’y a plus rien Ă  faire qu’à raccourcir ces jets latĂ©raux en Ă©vitant de les abattre. Le moment de la rognure est celui qui prĂ©cĂšde la fleur. On le fait aussi sans inconvĂ©nient durant la fleur. Un soleil chaud n’est pas un obstacle. Comme les bourgeons poussent avec plus ou moins de rapiditĂ©, on recommence plusieurs fois l’opĂ©ration. Si l’on attend trop tard, la vigne ne pousse que de faibles jets latĂ©raux.

j attire les hommes qui ne veulent pas s engager